Le gouvernement de l'Ontario risque la vie des enseignants et des élèves en rouvrant les écoles

Le ministre de l'Éducation de l'Ontario, Stephen Lecce, a annoncé mercredi que le gouvernement de droite de Ford intensifie sa campagne meurtrière pour rouvrir toutes les écoles de la province. D'ici la mi-février, les élèves retourneront même en classe à Toronto et dans les régions voisines de Peel et York. La région du Grand Toronto a été particulièrement touchée par la COVID-19 en raison des importantes épidémies sur les lieux de travail et des conditions de vie dans des logements à l’étroit.

L'annonce de Lecce a été le point culminant d'une campagne de propagande malhonnête destinée à convaincre les parents et les élèves que les écoles sont sûres.

Conscient de l'opposition généralisée à l'entassement quotidien d'élèves issus de dizaines de foyers dans de petites pièces mal ventilées, le gouvernement Ford a retardé la réouverture des écoles après les vacances de Noël.

Pour diviser les enseignants et les parents et feindre d'adhérer à une politique fondée sur la science, le gouvernement a rouvert les établissements d'enseignement au niveau régional, en commençant par le nord de l'Ontario, peu peuplé, le 11 janvier. Entre le 25 janvier et le 1er février, plus de 250.000 élèves sont retournés en classe dans différentes régions du sud de l'Ontario. Treize districts, dont Hamilton et Windsor, devraient maintenant suivre lundi, avant que Toronto, Peel et York ne les rejoignent le 16 février.

L'aspect le plus cynique de la campagne de rentrée des classes est la tentative du gouvernement de prétendre qu'elle est motivée par des préoccupations concernant le bien-être des enfants. Le ministre de l'Éducation Lecce a déclaré la semaine dernière: «[Le] gouvernement est d'accord avec le consensus croissant dans la communauté médicale selon lequel le retour des étudiants à l'apprentissage en personne est essentiel au bien-être, au développement et à la santé mentale des enfants».

C'est un mensonge. La réalité est que le gouvernement «est d'accord» avec les grandes entreprises pour dire que les étudiants doivent retourner à l'école afin que leurs parents puissent être libérés de leurs responsabilités de garde d'enfants pour retourner au travail et générer des profits pour les capitalistes. C'est ce qu'a plus ou moins expliqué le médecin en chef du comté de Renfrew dans l'est de l'Ontario, le Dr Robert Cushman, lors de la réouverture du district scolaire local le mois dernier: «Ces enfants doivent retourner à l'école», a déclaré Cushman. «Ils en ont besoin pour leur éducation, ils en ont besoin pour leur santé mentale, leur vie sociale. Et ce n'est pas tout, les parents de tant d'élèves sont des parents qui travaillent, c'est donc un moteur de l'économie».

Des milliers d'enseignants, de parents et d'étudiants à travers la province sont bien conscients du fait qu'ils sont sacrifiés sur l'autel du profit des sociétés. Ils sont troublés par les conditions dangereuses auxquelles ils seront confrontés dans les écoles, comme le montre le débrayage de la semaine dernière des assistants d'éducation spécialisée à l'école publique Beverley de Toronto. Mais l'opposition à la réouverture des écoles est étouffée par les syndicats de l'éducation, qui se sont opposés à la grève des travailleurs en la qualifiant d'«illégale» et ont demandé au personnel scolaire de faire confiance à la Commission des relations de travail de l'Ontario propatronale pour garantir des conditions de travail sûres. Acceptant la propagande de droite selon laquelle «nous devons apprendre à vivre avec le virus», ils exhortent maintenant le gouvernement à accepter leurs propositions de réduction de l'effectif des classes et d'autres mesures de sécurité minimales afin de ne plus jamais avoir à fermer d'écoles!

Le gouvernement Ford a été appuyé dans sa campagne idéologique de réouverture des écoles par un rapport de l'hôpital pour enfants malades de Toronto (également connu sous le nom de SickKids Hospital), publié à la mi-janvier. Le SickKids a conseillé le gouvernement provincial sur les enfants et le COVID-19 tout au long de la pandémie.

Le Dr Ronald Cohn, collaborateur du rapport et PDG de SickKids, a résumé les perspectives du rapport en déclarant: «Nous sommes fermement convaincus que les écoles devraient être les dernières portes à fermer et les premières à ouvrir dans la société».

Les effets négatifs de la distanciation sociale sur la santé des enfants, en particulier des jeunes enfants, sont au cœur de l'argumentation du rapport. «Il est essentiel d'équilibrer le risque d'infection directe et de transmission du SRAS-CoV-2 (COVID-19) chez les enfants et les jeunes, le personnel scolaire et la communauté avec les méfaits de la fermeture des écoles, qui a un impact sur la santé physique, la santé développementale, la santé mentale et l'apprentissage des enfants et des jeunes», indique le rapport.

Les auteurs affirment qu'il est possible de rouvrir les écoles avec «des stratégies améliorées de prévention et de contrôle des infections et une stratégie de dépistage solide». Cependant, cette stratégie «renforcée» n'inclut même pas de tests de masse pour les élèves asymptomatiques, une mesure essentielle étant donné que la grande majorité des infections chez les enfants sont asymptomatiques.

L'étude a également demandé que les enseignants et le personnel de soutien soient vaccinés en priorité.

Le rapport accepte la poursuite de la propagation du virus dans les écoles comme un fait acquis, écrivant: «Il est prévu que nous continuions à détecter les cas d'infection symptomatique et asymptomatique par le SRAS-CoV-2 dans les écoles et il est important que les autorités de santé publique et les écoles soient prêtes à répondre aux cas impliquant à la fois les élèves et le personnel». Étonnamment, le rapport a observé que même si des cas positifs étaient détectés dans une école, cela ne devrait pas être considéré comme une raison suffisante pour la fermer.

Une grande partie du rapport est une reprise des recommandations précédentes faites à Queen's Park à l'approche de la nouvelle année scolaire à la fin de l'été, et dont le gouvernement a choisi d'ignorer une grande partie. Cependant, aujourd'hui, la moyenne nationale des cas sur sept jours est environ dix fois supérieure à ce qu'elle était à cette période. Le gouvernement n'a pas mobilisé suffisamment de ressources pour établir un système de dépistage et de traçage adéquat qui pourrait raisonnablement permettre la réouverture des écoles même dans un scénario où la transmission communautaire serait maitrisée.

La même semaine où le rapport SickKids a été publié, la Pediatricians Alliance of Ontario a publié son propre rapport appelant à la réouverture des écoles dès que possible. Les médecins ont cité l'augmentation des «tentatives de suicide, de la dépression, de l'anxiété, de la toxicomanie, des overdoses, des troubles alimentaires» et d'autres maladies chez leurs patients au cours de la pandémie.

Les larmes de crocodile versées par l'élite dirigeante sur les conséquences sanitaires et sociales de la pandémie sur les enfants et les familles ne devraient tromper personne. Aucun de ces experts médicaux ne semble avoir pensé que la crise de la santé mentale et les problèmes sociaux qui y sont liés sont le produit de décennies de coupes sauvages dans les dépenses publiques et les services sociaux par les mêmes partis politiques qui se posent désormais en protecteurs du bien-être de «nos enfants». Le désastre social, éducatif et sanitaire créé par ces politiques a été exacerbé au cours de la première année de la pandémie par l'injection de centaines de milliards de dollars dans les coffres des grandes banques, des grandes entreprises et du 1% supérieur, tandis que les familles et les services publics dont elles dépendent ont été privés de ressources.

Malgré les affirmations selon lesquelles le sujet de la réouverture des écoles reste controversé, des études scientifiques ont clairement établi que les enfants jouent un rôle essentiel dans la transmission communautaire de la COVID-19. Une étude sur les écoles de la région de Montréal a révélé que l'augmentation des taux d'infection dans la communauté en général au cours de l'automne a été précédée par une augmentation des infections chez les élèves. «Notre analyse suggère que nous pouvons nous attendre à une nouvelle augmentation des cas de COVID-19 une fois que les écoles seront rouvertes en personne», ont écrit les auteurs. Ils ont notamment fait valoir que la réouverture des écoles pourrait annuler d'autres politiques visant à limiter la propagation et «pourrait donc accélérer le dépassement des capacités hospitalières».

En outre, la propagation de nouvelles variantes du nouveau coronavirus rend certaines recommandations faites par SickKids encore moins efficaces qu'elles ne l'étaient auparavant. Par exemple, à l'heure actuelle, il y a un grand doute sur l'efficacité des masques non médicaux contre la variante britannique B.1.1.7 du virus, qui est plus transmissible.

Dans le même temps, les gouvernements libéraux, au fédéral et en Ontario, ont gravement mis en échec le programme de vaccination, ce qui fait que l'appel du rapport SickKids à inoculer les éducateurs s'apparente à un coup d'épée dans l'eau. Les retards dans la production et la distribution du vaccin Pfizer font qu'aucune nouvelle dose n'a été livrée la semaine dernière. Moins de 300.000 doses ont été administrées à ce jour dans une province de près de 15 millions d'habitants.

En vérité, le gouvernement provincial a constamment ignoré ses propres mesures inadéquates sur les écoles pendant la pandémie. Une enquête du Toronto Star publiée le 21 janvier a révélé des documents internes datant de l'été dernier provenant du bureau de Lecce et montrant comment le gouvernement a rapidement abandonné ses plans initiaux de contrôle de la propagation du virus. Les tests de surveillance à grande échelle prévus pour les élèves ont été considérablement réduits; la proposition de tester tous les enseignants – initialement présentée par Ford – a été rapidement abandonnée; et le gouvernement a refusé de limiter la taille des classes à 15, voire d'imposer une réduction de la taille des classes.

Comme on pouvait s'y attendre, les médias ont suivi le gouvernement Ford. Le Toronto Star, aligné sur le Parti libéral, qui soutient fermement les gouvernements libéraux de McGuinty-Wynne qui ont sabré les budgets de l'éducation et attaqué les conditions de travail des enseignants pendant leurs 16 années au pouvoir entre 2003 et 2018, a publié un éditorial intitulé «Ne laissons pas tomber nos enfants, il est temps d'ouvrir leurs écoles». Utilisant cyniquement le fait que le gouvernement Ford a permis à de larges pans de l'économie de rester ouverts tout au long de la pandémie, le Star exige qu'il fasse de même pour les écoles. «Les usines de fabrication de jouets sont ouvertes alors que nos enfants pourrissent devant leur école Zoom», s'est-il plaint.

Les effets de la pandémie et de la distanciation sociale sur le développement et la santé mentale des enfants sont réels et considérables. Toutefois, ils ne pourront qu'être aggravés par une réouverture totale des écoles, qui entraînera une hausse vertigineuse des infections chez les enfants et les jeunes, qui porteront le virus mortel chez leurs parents et d'autres membres vulnérables de la famille.

La seule façon de protéger le bien-être et le développement des enfants pendant la pandémie est de fournir des milliards de dollars de ressources pour garantir un apprentissage en ligne de haute qualité pour tous et un salaire complet aux parents qui doivent rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. Les ressources nécessaires à de telles politiques doivent être expropriées des super-riches, qui sont plus riches que jamais après une année de décès et de misère de masse.

La WSWS appelle les enseignants, les travailleurs de l'éducation, les parents et les étudiants à résister à la réouverture dangereuse des écoles par le gouvernement Ford. Ils doivent lutter pour arrêter toute production non essentielle jusqu'à ce que la pandémie soit maitrisée, et réorienter les vastes richesses accumulées par l'oligarchie financière pour répondre aux besoins sociaux essentiels, tels que l'éducation, les soins de santé, les soins aux personnes âgées et les services sociaux. Pour lutter pour ce programme, les enseignants et le personnel de soutien devraient mettre en place des comités de sécurité indépendants dans chaque école afin de commencer à préparer une grève générale qui unira les collègues enseignants du Canada et d'Amérique du Nord, y compris les enseignants qui luttent actuellement contre la campagne de réouverture des écoles à Chicago, dans la lutte pour donner la priorité aux vies plutôt qu'aux profits.

(Article paru en anglais le 4 février 2021)

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