L’establishment canadien redouble d’ardeur dans sa campagne anti-Chine, se faisant l’écho et soutenant l’offensive diplomatique, économique et militaro-stratégique de Washington contre la Chine.
Visant à attiser l’hostilité de la population envers la Chine et à justifier une agression, cette campagne atteint un nouveau stade avec la publication, au début du mois, d’une «lettre ouverte» demandant que la Chine soit privée de l’organisation des Jeux olympiques d’hiver de 2022 en raison de son prétendu «génocide» contre la minorité ouïghoure du pays.
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Membres de la Uyghur American Association (Association américaine des Ouïghours) manifestant devant la Maison-Blanche, le jeudi 1er octobre 2020. (AP Photo/Jacquelyn Martin)[/photo]
La lettre a été signée par des députés des cinq partis représentés au Parlement fédéral et des quatre partis présents à l’Assemblée nationale du Québec: allant des conservateurs aux libéraux de Justin Trudeau, jusqu’aux néo-démocrates et Québec Solidaire, partis «de gauche» en nom seulement.
La lettre contient une série d’allégations incendiaires et sans fondement et cherche à établir un signe d’égalité entre les actions de Beijing et les crimes monstrueux et sans précédent du Troisième Reich de Hitler.
«Voilà une occasion unique d’agir et de rassembler les humanistes et les démocrates du monde entier afin de refuser de participer, à travers cette grande fête sportive planétaire, à une sinistre mise en scène visant l’autoglorification d’un régime qui commet les pires crimes contre l’humanité envers sa propre population, déclare la lettre, sans fournir la moindre preuve de ces allégations. Certains diront qu’il ne faut pas mélanger politique et sport. À cela, nous répondons que lorsqu’on est confronté à un génocide, on ne parle plus ici de politique, mais bien de droits de la personne et de crimes contre l’humanité.»
La lettre a été initiée par le député du Bloc Québécois Alexis Brunelle-Duceppe. Parmi les autres signataires figurent les néo-démocrates Heather McPherson et Jenny Kwan, les députés Elizabeth May et Paul Manly du Parti vert, Sol Zanetti de Québec Solidaire et divers députés libéraux et conservateurs.
La demande de priver la Chine de l’organisation des Jeux olympiques est également soutenue par la chef du Parti vert, Annamie Paul. La semaine dernière, elle a déclaré lors d’une conférence de presse que le Canada devrait plutôt envisager de se joindre aux États-Unis pour coorganiser les jeux.
En plus de démontrer que les prétendus partis de «gauche» canadiens sont prêts à se joindre aux sections de droite les plus enragées de l’élite dirigeante du pays pour promouvoir une propagande anti-Chine virulente, la lettre montre que lorsqu’il s’agit de promouvoir les intérêts prédateurs et le programme militariste de l’impérialisme nord-américain, il n’y a nul écart entre les factions fédéralistes et indépendantistes de l’establishment politique québécois.
La lettre est signée tant par des représentants de la Coalition Avenir Québec, le parti nationaliste québécois de droite au pouvoir, du Parti Québécois indépendantiste, du Parti libéral du Québec, un parti fédéraliste convaincu, et du parti de pseudo-gauche et indépendantiste Québec Solidaire. Leur prétention à défendre les droits des Ouïghours – une minorité musulmane – est d’autant plus cynique que l’establishment politique du Québec mène depuis plus de dix ans, avec le soutien de ces quatre partis, une campagne infâme contre les immigrants et les minorités religieuses, en particulier les musulmans.
Participer aux jeux en Chine, ont déclaré les signataires, reviendrait à soutenir les Jeux olympiques de Berlin de 1936, qui ont été surnommés les «Jeux de la honte», après qu’Hitler les ait utilisés comme vitrine de sa dictature nazie et de la prétendue supériorité de la «race aryenne».
Si les politiciens impliqués peuvent faire des comparaisons historiques aussi grotesques et de telles affirmations provocatrices sans fondement, c’est parce qu’ils savent que leur diabolisation de la Chine s’inscrit dans le programme de l’impérialisme américain. La classe dirigeante canadienne a longtemps bénéficié d’un partenariat économique et militaire-sécuritaire le plus étroit avec son voisin du sud.
Washington est déterminé à contrecarrer l’ascension de la Chine en tant que concurrent économique et géopolitique, par tous les moyens à sa disposition, y compris la guerre. Au cours de la dernière décennie, qui a commencé avec le «Pivot vers l’Asie» d’Obama et s’est étendue de façon spectaculaire sous la présidence du fasciste Donald Trump, Washington a intensifié sa pression économique et militaro-stratégique contre la Chine.
Joe Biden et son secrétaire d’État Antony Blinken n’ont pas perdu de temps pour signaler leur intention de poursuivre et d’intensifier ce que le nouveau président appelle la «concurrence extrême» avec la Chine.
La seule différence, comme l’indique la «lettre ouverte» canadienne, est qu’au lieu du langage intimidant et voyou propre à Trump et à ses partisans d’extrême droite, Biden, les Ddémocrates et leurs alliés canadiens préfèrent poursuivre les intérêts impérialistes de Washington et d’Ottawa derrière un voile de propagande cynique sur les «droits de la personne» et la «démocratie», et, si possible, par une collaboration plus étroite avec les autres puissances impérialistes du G7. À cette fin, Biden a déclaré qu’une des priorités de son administration était de forger une coalition de «démocraties» pour contrer l’«expansionnisme» chinois.
L’impérialisme des «droits de la personne»
Dans la poursuite des intérêts géostratégiques et économiques mondiaux des oligarchies financières américaines et canadiennes, aucun mensonge n’est trop grand. En 1936, des milliers d’ouvriers et de gens de la gauche, tant communistes que sociaux-démocrates, étaient victimes des escadrons de la mort nazis. Des dizaines de milliers d’autres étaient confinés dans des camps de concentration où ils subissaient d’horribles sévices.
De plus, Hitler avait déjà mis l’Allemagne sur la voie de la Deuxième Guerre mondiale et de l’Holocauste. L’année précédente, le Führer avait supervisé l’imposition des lois antisémites et racistes de Nuremberg, qui privaient les Juifs de leurs droits fondamentaux de citoyens et faisaient des relations sexuelles entre Juifs et non-Juifs un délit pénal.
Cette discrimination ouverte et flagrante a été le prélude à l’extermination systématique de six millions de Juifs à travers l’Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale. C’est en réponse à ce crime historique sans précédent, perpétré dans la poursuite de la folle volonté de domination mondiale des impérialistes allemands, que le terme «génocide» a été ancré dans le droit international.
Il n’y a aucune preuve étayant l’affirmation selon laquelle Beijing procède à un génocide. Le régime d’État policier dirigé par le Parti communiste chinois (PCC) défend les intérêts des oligarques du pays, qui s’enrichissent grâce à la super-exploitation de la classe ouvrière chinoise depuis que le PCC a commencé à rétablir les rapports de propriété capitalistes dans les années 1980.
Certes il ne fait aucun doute que le PCC fait appel à la répression étatique pour écraser les sentiments séparatistes et oppositionnels des Ouïghours dans la province du Xinjiang, dans le nord-ouest du pays. Mais comme le World Socialist Web Site l’a déjà expliqué, l’appareil répressif du régime du PCC est avant tout dirigé contre l’ensemble de la classe ouvrière qui se trouve dans toute la Chine.
Les «preuves» utilisées par les politiciens occidentaux pour justifier leurs revendications sont tirées de «recherches» à motivation politique menées par de riches exilés ouïghours parrainés par les services de renseignement occidentaux et par des groupes anticommunistes de droite, comme la Victims of Communism Memorial Foundation à Washington.
L’accusation de génocide perpétré par la Chine contre les Ouïghours est un outil de propagande visant à susciter un soutien de la population et faire taire toute critique pour une agression et des préparatifs de guerre totale contre la Chine, un pays doté de l’arme nucléaire.
Ces fausses croisades pour les droits de la personne ont été organisées à maintes reprises par Washington, avec le soutien d’Ottawa, au cours du dernier quart de siècle, à commencer par les allégations non fondées de génocide contre le régime de Slobodan Milosevic en Serbie à la fin des années 1990. Cela a servi de justification aux raids aériens sauvages menés par l’OTAN contre Belgrade et d’autres villes serbes.
L’élite dirigeante du Canada a toujours joué un rôle de premier plan dans la promotion des «droits de la personne» comme justification idéologique d’agressions et de guerres impérialistes, comme l’illustre le soutien financier du gouvernement libéral Chrétien-Martin à la Commission sur la responsabilité de protéger. C’est elle qui a créé la doctrine proguerre de la «Responsabilité de protéger» qui a servi de couverture «humanitaire» à la guerre de l’OTAN pour un changement de régime en Libye en 2011, un conflit qui a laissé ce pays nord-africain pourtant riche en pétrole en ruines.
Les intrépides guerriers des «droits de la personne» et de la «démocratie» au Parlement canadien et à l’Assemblée nationale du Québec sont remarquablement sélectifs lorsque vient le temps de déterminer quels États ont violé leurs prescriptions, mais étrangement cette sélectivité correspond toujours aux intérêts des puissances impérialistes.
Aucun des partis dont les députés se disent indignés par le prétendu «génocide» de Beijing contre les Ouïghours n’a fait une grande place aux implications en matière de droits de la personne de la dévastation de l’Irak ou de l’Afghanistan à la suite de décennies d’agression et de crimes de guerre américains dans lesquels l’impérialisme canadien a joué un rôle important et méprisable.
Ils n’ont pas non plus été troublés par la collaboration du Canada en 2004 lors de l’intervention militaire canado-américaine en Haïti avec les forces fascistes qui ont renversé le président élu de ce pays, ni par la reconnaissance par des hauts gradés des Forces armées canadiennes du fait que le Canada a fonctionné dans les faits comme «la force aérienne d’Al-Qaïda» lors du bombardement de la Libye par l’OTAN en 2011. De même, ils n’ont jamais eu le moindre scrupule à accepter la forte implication d’Ottawa dans le coup d’État fasciste de 2014 en Ukraine, qui a vu le renversement d’un président démocratiquement élu afin d’installer un régime fantoche pro-occidental aux frontières de la Russie.
Les néo-démocrates, les Verts et Québec Solidaire se sont également joints à l’effort concerté de l’establishment canadien au pouvoir pour minimiser et dissimuler la menace pour la démocratie que représentent Trump et le mouvement fasciste qu’il dirige aux États-Unis. Ils ont qualifié de simple émeute l’assaut contre le Capitole, lancé le 6 janvier dernier par Trump dans le but de renverser sa défaite électorale. Et ils se sont joints au reste de l’establishment canadien pour saluer l’accession de Biden à la présidence comme une preuve de la résistance de la démocratie américaine, alors même que le nouveau président s’efforce de dissimuler la complicité de la direction du Parti républicain dans la tentative de coup d’État et affirme son soutien à un «Parti républicain fort».
Leur silence sur la menace posée par l’extrême droite est lié au fait qu’ils coopèrent avec ces mêmes forces politiques dans la formulation et la mise en œuvre de la politique étrangère impérialiste canadienne. L’accusation de génocide contre Beijing a été lancée par le secrétaire d’État et proche allié politique de Trump, Mike Pompeo, dans les derniers jours de l’administration Trump, pour être ensuite reprise par son successeur démocrate, Blinken, lors de son audition de confirmation au Sénat.
L’impérialisme canadien et la campagne anti-Chine
Le fait que les partis ostensiblement «de gauche» canadiens aient choisi ce moment particulier pour souligner leur soutien total à cette politique réactionnaire d’agression impérialiste est politiquement significatif. Dans un contexte d’inégalités sociales sans précédent, de croissance des conspirations d’extrême droite et fascistes, d’un programme de réarmement massif des Forces armées canadiennes et de la priorité accordée aux profits des sociétés plutôt qu’à la sauvegarde des vies dans le cadre de la pandémie de la COVID-19, la classe dirigeante canadienne est fortement dépendante des phrases mielleuses des politiciens «progressistes» néo-démocrates et verts pour vendre leur programme de guerre à une population massivement sceptique, sinon carrément hostile.
Ces dernières années, les sections les plus à droite de l’élite dirigeante au Canada ont cherché à attiser le chauvinisme antichinois par une campagne incessante présentant Ottawa comme le petit David qui tient tête au Goliath chinois. Tout, de l’achat de mines d’or dans l’Arctique par des investisseurs chinois à la collaboration entre des universitaires canadiens et chinois, est présenté comme une intrusion du malveillant régime «communiste» de Beijing visant à faire du Canada un simple État vassal.
Ce récit absurde est largement adopté par le gouvernement libéral de Trudeau, qui a abandonné ses plans pour un accord de libre-échange avec Beijing et qui s’est rallié de plus en plus à l’offensive anti-Chine de Washington. Agissant à la demande de l’administration Trump, Trudeau a ordonné la saisie en décembre 2018 de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, sous de fausses accusations de violation des sanctions américaines – qui sont illégales – contre l’Iran.
Dans sa dernière mise à jour de sa politique de défense, le gouvernement libéral a identifié la Chine comme une «menace mondiale» pour le Canada, au même titre que le terrorisme islamiste et la Russie, et a annoncé une augmentation de 70 % de ses dépenses militaires pour garantir que les Forces armées canadiennes puissent étendre leur rôle dans les provocations menées par les États-Unis dans le monde entier.
L’une des zones clés de ces opérations est l’Asie-Pacifique, où des navires canadiens ont déjà participé à des exercices de «liberté de navigation» en mer de Chine méridionale et dans le détroit de Taïwan.
Derrière toutes ces belles paroles sur la défense des «droits de la personne» et de la «démocratie», les politiciens canadiens et québécois qui ont signé la lettre ouverte demandant que la Chine soit privée des Jeux olympiques ont en fait déclaré leur soutien catégorique à ce programme d’agression, de militarisme et de guerre.
(Article paru en anglais le 15 février 2021)