Comme si de rien n’était, les États-Unis approchent le demi-million de décès dus au COVID-19

À l’échelle mondiale, le taux d’infection par COVID-19 et les taux de mortalité correspondants ralentissent après la vague hivernale dévastatrice lors de laquelle il y avait plus de 750.000 cas par jour et où un pic de plus de 16.000 décès a eu lieu au cours d’une seule période de 24 heures.

L’impact de la pandémie en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud est le résultat direct d’une négligence malveillante qui a permis aux écoles et aux économies d’ouvrir leurs portes après les accalmies de l’été. Alors que les classes dirigeantes capitalistes réclament à grands cris la réouverture de l’économie, les variants qui apparaissent rapidement constituent une menace existentielle, car les politiques criminelles des gouvernements exposent la population à des infections à répétition.

Sur cette photo du 9 janvier 2021, les transporteurs Miguel Lopez (à droite) et Noe Meza se préparent à déplacer le corps d’une victime du COVID-19 à la morgue du Providence Holy Cross Medical Center, dans la section Mission Hills de Los Angeles. La Californie a dépassé New York dans les sombres statistiques du nombre de décès dus au COVID-19, selon les données de l’Université Johns Hopkins rapportées le jeudi 11 février 2021. (AP Photo/Jae C. Hong, Dossier)

Le bilan des morts aux États-Unis est tout simplement effrayant. Cette semaine, le nombre de morts atteindra un demi-million, un nombre qui dépasse tous les décès américains, civils et militaires, de la Seconde Guerre mondiale. Une statistique aussi horrible doit être évaluée avec sobriété et prudence. La politique criminelle permettant une expansion sans restriction de la pandémie a eu un impact particulièrement destructeur sur la classe ouvrière.

L’accélération du nombre de morts, à commencer par les épidémies survenues après les fêtes de l’Action de grâce et de Noël, est particulièrement remarquable. Comme l’a enregistré NBC News, les 100.000 premiers décès américains ont pris 99 jours (du 29 février au 17 mai); les 100.000 suivants ont pris 115 jours, jusqu’au 19 septembre; les 100.000 décès supplémentaires ont pris 86 jours, jusqu’au 14 décembre; la quatrième tranche de 100.000 décès n’a pris que 36 jours jusqu’au 19 janvier; et les plus récents 100.000 décès prendront entre 28 et 31 jours, selon le moment où l’on va atteindre cette terrible étape cette semaine.

Depuis l’élection présidentielle américaine, il y a moins de trois mois, plus d’Américains sont morts du coronavirus que dans les huit mois qui l’ont précédée. D’ici la semaine prochaine, plus de 100.000 Américains seront morts du coronavirus sous le gouvernement Biden.

Comme l’explique la revue médicale britannique The Lancet, «La pandémie mondiale de COVID-19 a eu un effet disproportionné sur les États-Unis, avec plus de 26 millions de cas diagnostiqués et plus de 450.000 décès au début du mois de février 2021. Environ 40 pour cent de ces décès auraient pu être évités si le taux de mortalité américain avait reflété la moyenne pondérée des autres pays du G7». Ce n’est pas un éloge aux autres nations du G7 qui ont poursuivi des intérêts de profit au détriment de la sécurité de leurs populations. L’attitude des États-Unis n’est que plus scandaleuse à cet égard.

Le Lancet a poursuivi: «De nombreux cas et décès étaient évitables. Au lieu de galvaniser la population américaine pour lutter contre la pandémie, le président Trump a publiquement écarté la menace (bien qu’il l’ait reconnue en privé), découragé les actions à mesure que l’infection se propageait et s’est abstenu de toute coopération internationale».

Plutôt que de rendre compte des efforts du gouvernement Biden pour ouvrir rapidement des écoles de la maternelle à la terminale, la presse bourgeoise a utilisé la débâcle de la mise en accusation comme une distraction et une diversion, tout en dissimulant la véritable signification de la tentative de coup d’État fasciste du 6 janvier.

Les médias ont ensuite fait l’éloge de Lori Lightfoot, mairesse de Chicago, et du syndicat des enseignants de Chicago (CTU) pour leur trahison envers les travailleurs de la base, et ils ont soulevé un tollé parce que l’ouverture des écoles n’était pas faite immédiatement. Au cours du week-end, la directrice du CDC, Rochelle Walensky, s’est surtout concentrée, en utilisant les émissions de presse du dimanche, à donner aux oligarques financiers l’assurance que ni les nouveaux variants ni le haut taux de transmission communautaire ne dissuaderaient le gouvernement Biden de mener à bien le programme des grandes entreprises.

Interrogée par l’animatrice Margaret Brennan de «Face the Nation» sur CBS sur la tenue de cours en personne alors que la variante B.1.1.7 se propageait, la Dre Walensky lui a assuré que «la quantité de maladies à l’école est très liée à la quantité de maladies dans la communauté. La transmission est très limitée entre les élèves, entre les élèves et le personnel». Lorsque de telles infections se produisaient, elle rejetait le blâme sur le port inapproprié des masques et le manque de responsabilité personnelle. Aucune référence n’a été faite au demi-million de morts qui se profile à l’horizon.

Pour la Dre Walensky, il importe peu que 99 pour cent des comtés américains se trouvent dans la zone rouge: c’est-à-dire que les taux de transmission restent trop élevés selon les directives du CDC pour que les enfants puissent retourner à l’école sans des efforts de protection massifs. Pratiquement aucun district scolaire n’a les moyens de mettre en œuvre de telles protections.

La Dre Walensky a également fait état de la détection de 1.173 cas du variant britannique dans 40 États. À présent, on a trouvé 17 cas du variant sud-africain dans huit États, ainsi que trois cas du variant brésilien. Et pour ajouter une autre dimension à la crise, le New York Times a rapporté dimanche qu’une équipe de chercheurs a trouvé «sept lignées croissantes du nouveau coronavirus, repérées à travers le pays. Toutes ont développé une mutation dans la même lettre génétique».

On a détecté la mutation Q677P dans la protéine de pointe du virus pour la première fois aux États-Unis le 23 octobre. Au 19 janvier, ces nouvelles lignées représentaient désormais 28 et 11 pour cent de tous les génomes du CoV-2 du SRAS séquencés en Louisiane et au Nouveau-Mexique, respectivement. On a trouvé ces cas principalement dans le Centre-Sud et le sud-ouest des États-Unis. Début février, les données du GISAID ont montré qu’il y avait près de 500 séquences virales de ce variant aux États-Unis.

Bien qu’il reste à déterminer si ces nouveaux variants sont plus contagieux, les scientifiques qui étudient ces nouvelles mutations sont inquiets, car elles sont situées dans un gène qui détermine la capacité du virus à se fixer à une cellule humaine et à y pénétrer. Ce qui est plus inquiétant, c’est que ces mutations suivent une voie d’évolution convergente qui leur procure un avantage en termes de survie. Dans un contexte de forte transmission communautaire, elles sont confrontées à des pressions évolutives pour s’adapter.

Dans des pays comme le Brésil, l'Afrique du Sud et le Royaume-Uni, où ces variants sont devenus dominants, il en est résulté une augmentation rapide du nombre de cas qui a entraîné l'inondation des systèmes de santé et la montée en flèche du nombre de décès. Ce qui a laissé perplexes les politiciens et les fonctionnaires de l'État, c'est que les mesures habituelles prises au printemps ne fonctionnent pas avec ces nouveaux variants. Un effort concerté et un confinement total ont été nécessaires. Les Pays-Bas et la Norvège, qui ont été confrontés à leur propre combat avec le variant britannique, ont rapidement adopté ces mesures strictes et ont inversé la courbe de leur pandémie. Aux États-Unis, le gouvernement Biden compte sur le vaccin pour éviter de tels choix.

Cependant, selon le Washington Post, seules 38,7 millions de personnes ont reçu une ou les deux doses du vaccin. Bien que les vaccinations se soient accélérées pour atteindre environ 1,66 million de personnes par jour en moyenne sur sept jours, l’approvisionnement en vaccins ne peut pas répondre à la demande. La Californie a utilisé plus de 72 pour cent de ses doses et connaît des pénuries dans certaines régions. Par exemple, le Dodger Stadium a dû arrêter les vaccinations après avoir épuisé ses réserves, n’ayant reçu que 16.000 doses la semaine dernière.

Il n’est donc pas surprenant que les médias n’aient pas l’intention de discuter d’éventuels confinements futurs. Si 100.000 morts étaient stupéfiantes, 500.000 morts et plus les laissent indifférents et insensibles. La politique d’immunité collective de la classe dirigeante est tellement enracinée qu’une stratégie d’éradication du virus n’est plus envisageable comme point de discussion.

Pourtant, des épidémiologistes ayant des principes comme la Dre Deepti Gurdasani, maître de conférences à l’université Queen Mary de Londres, ont été en première ligne pour avertir le premier ministre Boris Johnson que la campagne d’ouverture prématurée des écoles dilapidera les gains obtenus ces dernières semaines. La Dre Gurasani se bat pour une stratégie COVID qu’elle appelle «COVID zéro».

Sa stratégie nécessiterait un confinement de 2 à 3 mois pour atteindre un niveau cible de moins de 10 infections par 100.000 personnes par jour avant d’assouplir les restrictions. En attendant, l’investissement dans la mise en place de programmes de test, de traçage et d’isolement doit faire l’objet d’une attention urgente et doit être placé entre les mains du gouvernement fédéral. En outre, les distributions de vaccins pourraient être améliorées selon les protocoles de vaccination: deux doses pour la population ciblée, amélioration des investissements dans les infrastructures et sécurité dans les écoles. Cette stratégie permettrait également d’éliminer toute incertitude quant à l’évolution des nouveaux variants et à l’impact éventuel sur l’efficacité des vaccins.

La voie empruntée par la classe dirigeante ne fera qu’apporter plus de morts et de souffrances à la classe ouvrière, qui a payé cher l’incompétence démontrée par les gouvernements capitalistes. La classe dirigeante et ses serviteurs politiques n’ont pas de stratégie de sortie claire. Ils n’ont aucune idée du seuil d’immunité collective ou de sa faisabilité. Les éclosions et les confinements à répétition ont été la réaction caractéristique et non scientifique à la pandémie. Comme les profits seront toujours un objectif primordial, il n’y a aucun espoir qu’ils puissent agir raisonnablement. Seule la classe ouvrière peut renverser le courant de la misère sociale et empêcher de nouvelles pertes de vies humaines.

(Article paru en anglais le 16 février 2021)

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