Propagation dramatique du coronavirus en République tchèque

Le gouvernement tchèque a prolongé l’état d’urgence en vigueur depuis octobre et qui devait initialement prendre fin dimanche. Une décision motivée par la propagation spectaculaire du coronavirus. Le nombre d’infections et de décès reste élevé et des variantes dangereuses se répandent dans tout le pays.

Depuis quinze jours, les districts de Sokolov et de Cheb à la frontière allemande ont vu le nombre de nouveaux cas hebdomadaires dépasser les 1.100 par 100 000 habitants. Ces derniers jours, ces chiffres ont également augmenté dans tout le pays. Vendredi, on a bouclé les deux districts en question, tout comme celui de Trutnov, à l’est du pays. On ne peut quitter ces zones ou y entrer que pour raisons exceptionnelles. Selon l’agence sanitaire de l’Union européenne ECDC, on a détecté environ 915 infections par 100.000 habitants dans l’ensemble du pays au cours des 14 derniers jours.

Le personnel médical transporte un patient atteint de covid-19 dans une ambulance, dans un hôpital débordé par la pandémie, à Cheb en République tchèque, le 12 février 2021. (AP Photo/Petr David Josek)

Les hôpitaux des zones frontalières sont complètement surchargés. De plus en plus de patients doivent être transportés vers des cliniques éloignées du pays où il reste quelques lits de soins intensifs libres. L’hôpital de Nachod, dans le nord-est du pays, a dû transférer 15 patients vers des endroits situés à au moins 230 kilomètres de là, mardi dernier. Selon Reuters, tous les hôpitaux des environs sont pleins. Le directeur de l’hôpital, Jan Mach, a déclaré que sur 339 lits, les patients du COVID-19 en occupent 120.

Les soins dans les maisons de retraite et les cliniques ne sont désormais possibles qu’avec l’aide de volontaires et de l’armée ; on y a jusque là déployé 900 militaires. Le ministère de la Défense a annoncé qu’il continuerait à maintenir des soldats en stand-by .

Seul le Portugal a eu encore plus de personnes infectées par rapport au nombre d’habitants dans les deux dernières semaines que la République tchèque. Avec 10,7 millions d’habitants, environ 10 pour cent de la population tchèque a contracté le COVID-19 jusqu’à présent, et plus de 18.000 personnes sont mortes. Selon les épidémiologistes, le nombre de cas non signalés est beaucoup plus élevé et la tendance est à la hausse. «Nous accueillons des personnes plus malades et plus jeunes, nées après 1970. On n’avait rien eu de tel à l’automne», a déclaré Mach.

La politique irresponsable du gouvernement et la propagation incontrôlée du variant covid britannique sont la principale cause du nombre élevé et de la gravité des cas. Le premier ministre bavarois Markus Söder (CSU) a déclaré jeudi que ce variant était devenu dominant dans les cantons allemands de Hof, Wunsiedel et Tirschenreuth, situés à la frontière tchèque. Les experts médicaux des zones touchées estiment que ce variant y représente entre 50 et 60 pour cent des cas.

Le gouvernement allemand a classé la République tchèque, tout comme la région autrichienne du Tyrol «zones à risque de variant covid» et a imposé des restrictions de voyage. Depuis le début de la semaine dernière, les autorités allemandes contrôlent massivement aux frontières avec la République tchèque et l’Autriche, refusant l’entrée à une bonne partie des gens contrôlés.

Plusieurs gouvernements européens, tout comme les représentants du patronat ont critiqué les contrôles aux frontières. Les usines automobiles de Bavière et de Saxe craignent des pertes de production du à la perturbation des chaînes d’approvisionnement.

Le biologiste Jaroslav Flegr de la Karls-Universität de Prague, a confirmé les dangers que représentent les variants dans une interview au magazine Der Spiegel. «Si l’on ne peut pas empêcher leur propagation, davantage de personnes seront infectées et davantage de personnes mourront», a-t-il déclaré. Les médecins observaient déjà «que de plus en plus de jeunes et même d’enfants tombent gravement malades». Le virus devient de plus en plus mortel».

Flegr ne doute pas que le gouvernement et sa politique d’ouverture de l’économie soient à blâmer. «Il était déjà prévisible en été que la pandémie se répandrait à nouveau de manière aussi agressive», a-t-il déclaré.

La levée de l’état d’urgence aurait inévitablement conduit à la catastrophe dans les conditions actuelles, a-t-il dit. Les écoles, les installations sportives, les restaurants, les magasins et les installations touristiques aurait été rouverts, avec des conséquences difficiles à estimer.

Malgré cela, le Parlement tchèque n’a pas été prêt à prolonger l’état d’urgence. Les partis ANO et CSSD (sociaux-démocrates) au pouvoir n’avaient pas la majorité nécessaire pour le faire après que le Parti communiste (KSCM) ait rejeté une prolongation. Le gouvernement minoritaire ne peut gouverner qu’avec le soutien tacite du KSCM. Tous les partis d’opposition – plusieurs partis de droite et le Parti pirate – réclament depuis longtemps la fin de l’état d’urgence et la levée de toutes les mesures de protection. Le KSCM, qui a succédé à l’ancien parti d’État stalinien, préconise avec véhémence l’ouverture immédiate des écoles et des stations de ski.

Finalement, le gouvernement a décidé de prolonger l’état d’urgence sans l’approbation du Parlement, ce qui est juridiquement problématique. Il a ainsi suivi la demande des représentants des 14 régions administratives. Celui qui n’a pas voté pour l’état d’urgence, a déclaré le chef du gouvernement Andrej Babis (ANO), «sera directement responsable de la mort de nos concitoyens».

En fait, c’est la politique irresponsable du gouvernement Babis qui a conduit à cette situation. Après un bref confinement au printemps dernier, au cours duquel on a fermé écoles et entreprises, le nombre d’infections avait fortement baissé. Mais on a ensuite levé ces mesures et le virus s’est rapidement propagé. À l’automne, le gouvernement fut contraint de déclarer l’état d’urgence. Sous la pression des milieux d’affaires cependant, les exploitations agricoles sont restées ouvertes et les mesures de confinement ne furent réintroduites qu’à moitié. C’est précisément dans les usines que des épidémies massives se sont produites à maintes reprises. Le virus est hors de contrôle depuis des mois.

Dès le début, le gouvernement et tous les partis ont préconisé une politique sans scrupules dans l’intérêt des grandes entreprises. Alors qu’une aide économique généreuse leur était accordée, on a mis en place bien trop peu de test et les hôpitaux en difficulté étaient livrés à eux-mêmes. La campagne de vaccination annoncée est un pur fiasco. Le ministère de la Santé a récemment dû admettre que le vaccin de Moderna n’arriverait que le 22 février – une semaine plus tard que prévu – avec seulement la moitié de la quantité convenue.

La situation en République tchèque est un exemple parfait de la politique criminelle de tous les gouvernements européens, qui sacrifient impitoyablement les vies humaines aux intérêt de la grande entreprise. Tout dernièrement, la Pologne a imposé des assouplissements massifs. Les stations de ski du pays ont rapidement signalé que remontées mécaniques les hôtels étaient pleins. En Autriche, où le confinement a cessé début février, le nombre des infections a de nouveau augmenté en quelques jours. En Allemagne, la réouverture complète des écoles est en cours; d’autres assouplissements entreront en vigueur dans les jours et semaines à venir.

La situation en Slovaquie évolue de manière tout aussi dramatique qu’en République tchèque. Là aussi, les compagnies aériennes, de bus et de train ne sont plus depuis hier autorisées à transporter des passagers vers l’Allemagne. Le nombre d’infections confirmées jusque là dans ce pays de 5,5 millions d’habitants atteint 274.000. Plus de 5.700 personnes y sont décédées. La Slovaquie est désormais l’un des pays les plus gravement touchés d’Europe.

Comme on n’a pris aucune mesure de protection contre le variant britannique du virus, qui domine actuellement en Slovaquie, celui-ci a pu se propager rapidement, conduisant le système de santé du pays au bord de l’effondrement. Les unités de soins intensifs y sont déjà au maximum d’occupation. Les ventilateurs sont tellement sollicités par les patients COVID-19, avertissent les experts médicaux, que les autres malades en soins intensifs ne peuvent plus recevoir de traitement adéquat.

Dans ces conditions, le gouvernement de droite d’Igor Matovic a largement rouvert les écoles la semaine dernière, ouvrant la voie à une propagation encore plus massive du virus.

(Article paru d’abord en anglais le 17 février 2021)

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