Sri-Lanka : huit travailleurs des plantations arrêtés dans une attaque conjointe des patrons et de la police

Huit grévistes de la plantation de thé d'Alton dans la région d'Upcot-Masekeliya, au centre du Sri Lanka, ont été arrêtés et emprisonnés par la police le 17 février.

Les arrestations font partie d'une opération conjointe de l’entreprise et de la police visant à briser une grève illimitée d'environ 500 travailleurs d'Alton, qui ont débrayé le 3 février pour réclamer un salaire quotidien de base de 1 000 roupies (4,27 euros).

Dortoirs d'hébergement du domaine d'Alton Estate (WSWS Média)

Les grévistes du Domaine d'Alton exigent maintenant la libération immédiate des huit travailleurs – S. Puwanesary, Kanapathy Devi, G. Shatheeswary, Francis Thiresammal, Marimuthu Thamilselvi, Yohasakthi, M. K.Shaneethuni et Aandimuthu Visvakethu .

Le CWC (Congrès des travailleurs de Ceylan), principal syndicat des plantations du Sri Lanka et partenaire politique du gouvernement du président Gotabhaya Rajapakse, a activement soutenu ces attaques.

Le 17 février, les grévistes ont résisté aux tentatives de la police d'arrêter les travailleurs. Mais les dirigeants du CWC en visite au domaine, dont le vice-président du syndicat, Kanagarai, le chef de la région de Maskeliya, Rajaram, et Senpahavally qui est également président du Maskeliya Pradeshiya Sabha (un organisme gouvernemental local), sont intervenus pour remettre les travailleurs à la police.

Les responsables du CWC ont déclaré que les huit grévistes ne seraient emmenés au poste de police que pour faire leurs dépositions. Cependant, les travailleurs arrêtés ont été déférés devant le tribunal de première instance de Hatton, une grande ville de plantation, et placés en détention provisoire pendant 14 jours. Ils sont maintenant incarcérés à Kandy, la capitale de la région montagneuse au centre de l’île.

La chasse aux sorcières contre les travailleurs du Domaine d'Alton fait partie d'une répression plus large du gouvernement et des entreprises contre les travailleurs des plantations qui sont de plus en plus hostiles à leurs salaires de misère, la charge de travail croissante et les attaques de plus en plus sévères contre leurs droits sociaux et démocratiques fondamentaux.

Dans une tentative de contenir cette profonde colère et d'imposer un accord au rabais, le CWC avait appelé à une grève d'un jour le 5 février pour exiger le paiement de la revendication de 1000 roupies. Déterminés à gagner cette augmentation due depuis longtemps et à satisfaire d'autres revendications, quelque 200 000 travailleurs des plantations ont participé au débrayage.

Thevarajah, membre du Parti de l'égalité socialiste (SEP) s'adresse aux travailleurs d'Alton Estate (WSWS Média)

Profitant des récents affrontements entre les travailleurs des plantations et les directions, comme au Domaine d'Alton, les sociétés de plantation ont exigé une répression étatique accrue.

Dans une lettre récente adressée au premier ministre Mahinda Rajapakse, le secrétaire de l'Association des planteurs de Ceylan, Lalith Obesekera, a appelé à une intervention de l'État contre les travailleurs. Les responsables des plantations avaient été confrontés à 'une campagne organisée de violence et d'intimidation […] déchaînée par des voyous […] afin de saboter la production de thé des RPC [Sociétés régionales de plantation]', a faussement affirmé Obesekera.

'Nous nous demandons comment un tel effondrement catastrophique de l’État de droit est autorisé et pourquoi aucune action significative n’a encore été prise contre ceux qui incitent à la violence dans les plantations.'

Les travailleurs du Domaine d'Alton ont commencé leur grève illimitée pour des salaires plus élevés deux jours avant la grève nationale d'une journée du 5 février. Le 2 février, un jour avant leur débrayage, ils ont tenté de bloquer un camion transportant du thé transformé de l'usine du domaine à Colombo.

Le directeur du Domaine d'Alton a réagi en agressant physiquement une travailleuse – une responsable locale du CWC – qui a été blessée et hospitalisée. Le directeur a été arrêté le lendemain après que les travailleurs ont protesté contre l'agression, mais il a été immédiatement déféré devant les tribunaux et libéré sous caution.

En revanche, lorsqu'un directeur du domaine a appelé la police à briser l'action des travailleurs le 2 février, celle-ci est immédiatement intervenue, menaçant les travailleurs et leur ordonnant de laisser le camion continuer son chemin. Le véhicule a atteint Mallihaipoo Junction, à trois kilomètres de l'usine du domaine. Dans une tentative de désamorcer la colère des travailleurs d'Alton, le chef du CWC, Senpahavally, a intercepté le camion au carrefour et a dit au chauffeur de retourner à l'usine.

La collaboration du CWC avec l'entreprise et la police contre les travailleurs d'Alton va de pair avec ses tentatives de briser leur grève, qui se poursuit au mépris du syndicat.

Le 7 février, une cinquantaine de travailleurs en grève d'Alton se sont rendus au bureau du dirigeant CWC Jeevan Thondaman dans le canton de Kotagala pour exiger qu'il soutienne leur grève illimitée. Thondaman, qui est ministre de l’Infrastructure des plantations dans le gouvernement Rajapakse, a refusé.

Enhardie par la trahison du CWC, la direction du Domaine d'Alton a organisé le 15 février une opération pour briser la grève dans une division du domaine. Des grévistes en colère, cependant, sont intervenus et ont empêché les feuilles de thé cueillies d’être transportées vers une autre usine du domaine.

Le lendemain, un groupe de grévistes a manifesté devant le bungalow du gérant du domaine. La direction a réagi en exigeant que la police arrête les travailleurs, les accusant de 'violence' lors de leur manifestation contre l'opération pour briser la grève.

S'adressant au World Socialist Web Site, un groupe de travailleuses d'Alton a dénoncé avec colère le rôle perfide du CWC. Une travailleuse a expliqué que lorsque la police est arrivée au domaine le 17 février, celle-ci n'avait aucune idée précise des noms des individus qu'elle voulait arrêter. Les dirigeants du CWC Kanagarai, Rajaram et Senpahavally, a-t-elle dit, ont désigné les travailleurs à envoyer au poste de police et les ont exhortés à s'y rendre.

Une autre travailleuse d'Alton a déclaré: 'Nous nous sommes tous réunis et avons bloqué l'arrestation des huit travailleurs lorsque la police est arrivée au domaine. Mais les dirigeants du CWC nous ont dit: 'La police ne veut qu'obtenir leur dépositions, vous devriez donc leur permettre de se rendre au poste de police'.

'Nous étions tous prêts à manifester devant le poste de police pour exiger la libération de toutes les personnes arrêtées, mais les dirigeants syndicaux ne nous ont pas permis de nous y rendre. Au lieu d’être libérés du poste de police, les travailleurs ont été emmenés à l'hôpital de de Dickoya Base pour des tests PCR, puis au tribunal plus tard dans la soirée et ils ont été placés en détention provisoire pour deux semaines '.

'Tous les syndicats nous ont trahis. La police, le tribunal, les syndicats et le gouvernement se sont joints aux entreprises des plantations et travaillent contre nous. Nous ne mettrons pas fin à la grève sans avoir obtenu leur libération. Nous appelons tous les autres travailleurs à soutenir notre lutte.'

Le combat déterminé des travailleurs du Domaine d'Alton révèle non seulement comment la police défend les entreprises de plantation, mais aussi comment le CWC et d'autres syndicats collaborent avec l'entreprise et la police pour persécuter les travailleurs.

Afin de faire avancer leur lutte pour des salaires décents et d'autres droits sociaux fondamentaux, les travailleurs des plantations doivent rompre avec les syndicats, former des comités d'action indépendants basés sur un programme socialiste et s'unir avec d'autres travailleurs confrontés à des attaques similaires de la part du gouvernement et des employeurs.

Le Parti de l'égalité socialiste (SEP) est activement intervenu dans la lutte des travailleurs des plantations et dans la grève nationale d'une journée du 5 février, diffusant largement sa déclaration: 'Rejetez les propositions salariales des entreprises de plantation et des syndicats! Luttez pour un programme socialiste de salaires et de conditions de travail décents! Construisez un comité d'action!

Les travailleurs du Domaine d'Alton ont répondu fortement à l'analyse du SEP et, lors d'une réunion à laquelle s’est adressé l'auteur de cet article, le 21 février, il ont convenu de créer un comité d'action au domaine. La réunion a également adopté une résolution promettant de faire campagne pour la libération immédiate des huit travailleurs arrêtés et appelant les travailleurs d'autres domaines à se joindre à cette lutte.

(Article paru en anglais le 23 février 2021)

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