Le Parlement canadien condamne la Chine pour «génocide» à la veille du sommet Trudeau-Biden

Avec le soutien de tous les partis, la Chambre des communes du Canada a approuvé lundi à une écrasante majorité une motion provocatrice qui condamne la Chine pour avoir perpétré un «génocide» contre la minorité musulmane ouïghoure du pays et d’autres peuples turcs.

Introduite par les conservateurs de droite, la motion assimile la surveillance et la répression des Ouïghours par l’État de Pékin à l’holocauste nazi et à d’autres crimes horribles.

C’est la dernière salve d’une campagne de propagande visant à fournir une fausse couverture des droits de l’homme pour le rôle toujours plus important de l’impérialisme canadien dans l’offensive diplomatique, économique et militaire stratégique de Washington contre la Chine – et dans des conditions où le président américain Joe Biden a juré de mener une «concurrence extrême» avec la Chine.

Le président Joe Biden s’exprime après avoir tenu une réunion en ligne avec le premier ministre canadien Justin Trudeau, dans la salle est de la Maison-Blanche, le mardi 23 février 2021, à Washington. (AP Photo/Evan Vucci)

Les députés de tous les partis, y compris les libéraux au pouvoir et les néo-démocrates et les verts nominalement «de gauche», ont soutenu la motion sur le «génocide» et un amendement du Bloc Québécois (BQ) qui demandait à Ottawa de faire pression pour que les Jeux olympiques d’hiver de 2022 soient retirés à la Chine.

À l’exception de Garneau, tous les membres du cabinet libéral, y compris Trudeau, se sont absentés du vote de lundi à la Chambre des communes. Garneau s’est abstenu.

Face aux accusations d’«inaction» et d’apaisement de l’opposition, Trudeau et Garneau ont tenté de souligner que leur gouvernement serait prêt à accepter l’accusation de «génocide», si cela se faisait en coordination avec Washington et les autres puissances impérialistes du G-7.

L’accusation incendiaire de «génocide» portée contre le régime du Parti communiste stalinien à Pékin est motivée par des raisons politiques. Alors qu’il ne fait aucun doute que le gouvernement chinois, qui représente les intérêts d’une oligarchie capitaliste corrompue, mène une répression généralisée contre les Ouïghours de la province du Xinjiang et la classe ouvrière dans tout le pays, les accusations de «génocide» n’ont aucun fondement dans les faits. Elles sont promues aux États-Unis, au Canada et dans d’autres pays impérialistes occidentaux dans le but de diaboliser la Chine, de qualifier ceux qui s’opposent à l’offensive stratégique américaine contre la Chine d’apologistes des «crimes contre l’humanité» et de créer une base de soutien populaire pour l’agression et la guerre avec Pékin. C’est un cas classique d’impérialisme des droits de l’homme, qui a été utilisé par Washington, Ottawa et les autres puissances impérialistes pour justifier une guerre d’agression après l’autre au cours des 25 dernières années.

L’affirmation selon laquelle Pékin mène un «génocide» contre les Ouïghours va de pair avec la promotion d’affirmations totalement discréditées, émanant de groupes d’extrême droite et désormais reprises par l’administration Biden, selon lesquelles le coronavirus a été libéré d’un laboratoire de la ville chinoise de Wuhan. (Voir, en anglais, le mensonge du laboratoire de Wuhan à Washington)

L’adoption de la motion sur le génocide chinois est intervenue à la veille du sommet virtuel de mardi entre Trudeau et le président Biden. Reprenant là où l’administration d’extrême droite Trump s’est arrêtée, Biden et son secrétaire d’État, Anthony Blinken, ont promis de poursuivre et d’intensifier l’intimidation de Washington à l’égard de Pékin. Toutefois, contrairement à Trump, dont la politique était caractérisée par l’unilatéralisme, Biden a indiqué qu’il s’efforcerait de bricoler une alliance des «démocraties» occidentales pour affronter plus efficacement la Chine et utiliser les questions de «droits de l’homme» pour tenter de donner à cette offensive une teinte «progressiste».

Dans un récent discours prononcé lors d’une réunion en ligne de la Conférence de Munich sur la sécurité, Biden a invoqué les «valeurs démocratiques communes» de l’Europe et de l’Amérique pour appeler à «l’unité transatlantique» afin de «repousser les abus économiques et la coercition du gouvernement chinois qui sapent les fondements du système économique international».

L’élite dirigeante du Canada considère son partenariat militaro-sécuritaire avec Washington, vieux de trois quarts de siècle, comme essentiel à ses intérêts et ambitions impérialistes mondiaux, et partage le consensus bipartite républicain-démocrate américain selon lequel la montée de la Chine constitue une menace inacceptable pour l’hégémonie impérialiste nord-américaine. C’est pourquoi il s’attelle à l’offensive anti-Chine de Washington.

Le vote parlementaire unanime de lundi intervient après un crescendo de propagande anti-chinoise de la part des médias et de l’establishment politique. Le mois dernier, une lettre parrainée par le BQ demandant que les Jeux olympiques d’hiver de 2022 soient retirés à la Chine en raison de son «génocide» contre les Ouïghours a été soutenue par des représentants de tous les partis à la Chambre des communes et à l’Assemblée législative du Québec, y compris les deux partis indépendantistes du Québec à l’Assemblée législative du Québec, le Parti québécois et le parti de pseudo-gauche Québec solidaire. (Voir les partis de 'gauche' du Canada qui promeuvent de fausses allégations selon lesquelles la Chine commettrait un 'génocide' contre les Ouïghours)

Les conservateurs et les néo-démocrates, les flancs «gauche» et «droite» de cette coalition multipartite pour les conflits stratégiques et les préparatifs de guerre contre la Chine, exigent que le gouvernement Trudeau aille encore plus loin dans l’intégration du Canada à l’offensive américaine contre Pékin.

La porte-parole du NPD pour le développement international, Heather McPherson, a réprimandé le cabinet Trudeau pour ne pas avoir approuvé la motion «génocide» de lundi. «Le cabinet s’est caché», s’est-elle plainte. «Il me semble que leur politique à l’égard de la Chine est très similaire à celle qu’ils ont menée jusqu’à présent, où il y a un tel manque d’action.»

L’«action» exigée par ces bellicistes pro-impérialistes comprend l’exclusion formelle du géant technologique chinois Huawei du réseau de télécommunications 5G du Canada pour des raisons de «sécurité nationale». Elle comprend également l’appel au retrait du Canada de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, dirigée par les Chinois, qui est considérée par Pékin comme un pilier important de son initiative «Belt and Road» visant à développer le commerce et l’activité économique de la Chine en Asie centrale, en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe.

L’année dernière, alors même qu’il a fourni au gouvernement libéral minoritaire les voix nécessaires pour conserver le pouvoir, le NPD s’est associé aux conservateurs et au BQ pour créer, malgré les objections du gouvernement, une commission parlementaire spéciale chargée d’examiner et de faire pression pour la «réinitialisation» de la politique du Canada envers la Chine.

La dénonciation par les partis de l’opposition du gouvernement libéral pour ne pas avoir adopté une approche suffisamment dure à l’égard de Pékin doit servir d’avertissement à la classe ouvrière quant à la mesure dans laquelle l’ensemble de l’establishment est impatient d’intensifier ses politiques impérialistes et son militarisme.

Trudeau et ses libéraux ont abandonné depuis longtemps leur projet de conclure un accord de libre-échange à l’australienne avec la Chine. Au lieu de cela, avec le soutien total de leurs alliés syndicaux, ils ont travaillé avec Trump pour renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain afin d’en faire une guerre commerciale et un bloc géopolitique plus explicite, de manière à renforcer les deux puissances impérialistes d’Amérique du Nord contre leurs rivaux, surtout la Chine et la Russie. L’accord États-Unis-Mexique-Canada interdit spécifiquement les accords de libre-échange avec les «économies non marchandes», un euphémisme pour la Chine.

En décembre 2018, le gouvernement Trudeau a ordonné la saisie de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, sous de fausses accusations de violation des sanctions américaines, qui sont illégales, contre l’Iran. L’armée canadienne a considérablement accru sa présence dans la région Asie-Pacifique ces dernières années, notamment avec des opérations de type «liberté de navigation» dans le détroit de Taïwan.

Lors de son premier entretien avec Biden après son accession à la présidence, Trudeau a réitéré la volonté de son gouvernement d’élargir la coopération bilatérale militaro-stratégique, notamment en modernisant le commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) afin que cette alliance militaire de l’époque de la guerre froide soit prête pour une conflagration nucléaire avec Moscou ou Pékin

Après le vote de lundi, Garneau a clairement indiqué dans une déclaration que la décision tactique du cabinet libéral de s’abstenir lors du vote non contraignant ne représentait pas un affaiblissement de sa position de ligne dure envers la Chine. Garneau a salué «les parlementaires qui travaillent ensemble et débattent de cette question cruciale», a réitéré l’appel du gouvernement à une enquête internationale sur les «allégations de génocide» et a déclaré que le Canada «continuera à travailler avec des partenaires internationaux» – c’est-à-dire les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et le Japon – «pour défendre les minorités vulnérables».

Pour les conservateurs, le NPD et leurs partisans de la classe dirigeante, cela ne va pas assez loin. Les partis de l’opposition ont à plusieurs reprises assailli le gouvernement de droite sur les dépenses militaires, le NPD se plaignant que les libéraux, qui ont annoncé une augmentation de plus de 70% des dépenses militaires, sont coupables de sous-dépenser dans le domaine de la défense et de laisser les forces armées canadiennes mal équipées pour mener à bien leurs opérations impérialistes dans le monde entier.

Bien consciente que ce programme fou de réarmement militaire et de confrontation des grandes puissances ne bénéficie d’aucun soutien populaire, la classe dirigeante s’efforce, par l’intermédiaire de ses partis politiques et de ses porte-parole médiatiques, d’élaborer un faux récit du Canada défendant la «démocratie» et les «droits de l’homme». Le chef du parti conservateur Erin O’Toole a donné une voix à cette campagne après le vote de lundi, déclarant: «Il y a de réelles souffrances en Chine, un génocide est en cours, et les Canadiens, bien que nous soyons des libres-échangistes et que je sois très fier d’être un parti de libre-échange, nos valeurs ne sont pas à vendre».

Mais de qui O’Toole se moque-t-il? Les «valeurs» du Canada et ses dénonciations de violations réputées du droit international correspondent invariablement à ses ambitions impérialistes et à celles de son plus proche allié, les États-Unis. En 2003, lorsque l’administration Bush a lancé sa guerre d’agression illégale contre l’Irak sur la base de fausses allégations «d’armes de destruction massive», le premier ministre canadien de l’époque, Jean Chrétien, a écarté toute idée de violation du droit international, en affirmant cyniquement qu’il appartiendrait aux historiens de trancher la question dans plusieurs décennies. En 2011, les militaires canadiens se sont joints à la guerre de l’OTAN contre la Libye, affirmant qu’ils défendaient les «droits de l’homme» et la «responsabilité de protéger», alors qu’ils bombardaient le pays et utilisaient les islamistes comme troupes de choc pour renverser le régime Kadhafi. Après que les bombes de l’OTAN aient causé la mort de dizaines de milliers de civils innocents et plongé le pays dans la guerre civile, un commandant des forces armées canadiennes a reconnu qu’Ottawa avait agi en tant qu’«armée de l’air d’Al-Qaïda».

Cependant, l’hypocrisie et la malhonnêteté des impérialistes des «droits de l’homme» ne rendent pas leur campagne proguerre moins dangereuse. Au contraire, ils espèrent que la répétition incessante du mensonge du «génocide» chinois empoisonnera le climat politique, créant les conditions pour qu’ils poursuivent une campagne d’agression contre la Chine en alliance avec Washington, dont la logique est un conflit militaire catastrophique, sans opposition. Comme le titre de la première page du Globe and Mail de mardi le déclarait avec enthousiasme: «Oui: 266 Non: 0 – La Chine commet un génocide, déclare le Parlement».

(Article paru en anglais le 24 février 2021)

Loading