Royaume-Uni: Johnson annonce la fin du confinement avec à la clé «plus d’infections, plus d’hospitalisations… plus de décès»

Le Premier ministre Boris Johnson a admis lundi soir que la fin du confinement partiel national, en place depuis début janvier et mise en place rapidement, entraînera davantage d'infections et de décès.

Il s’exprimait lors d’une conférence de presse à Downing Street après avoir annoncé au Parlement sa «feuille de route» pour une levée «irréversible» du «dernier confinement» du Royaume-Uni.

Johnson a déclaré sans détours: «Chaque fois que nous assouplissons le confinement, que ce soit aujourd’hui ou dans six ou neuf mois, nous devons être réalistes et accepter qu’on aura affaire à plus d’infections, à plus d’hospitalisations et donc, malheureusement, à plus de décès, comme c’est le cas chaque année avec la grippe».

Boris Johnson tient une conférence de presse sur le Covid-19 avec le directeur général du NHS, Sir Simon Stevens, et le médecin en chef, le professeur Chris Whitty. Tandis que le nombre total de décès enregistrés par Covid au Royaume-Uni dépassait les 100.000. 10, Downing Street. (Pippa Fowles / No 10 Downing Street)

Johnson ment ; il sait que le COVID-19 est bien plus mortel que la grippe, son gouvernement étant déjà responsable de plus de 126.000 décès. Mais il admet surtout que l’abandon du confinement pour la feuille de route est l’adoption sans fard du programme meurtrier de l’immunité collective.

La première étape de l’assouplissement touche la réouverture des écoles, des espaces publics et des activités de plein air. Le 8 mars, toutes les écoles primaires et secondaires seront rouvertes aux 10 millions d’élèves de l’Angleterre. L’Écosse et le Pays de Galles ont entamé lundi une réouverture progressive des écoles.

Le 29 mars, les réunions en plein air de six personnes issues de ménages différents – la désormais tristement célèbre «règle de six» – ou de deux ménages entiers, seront autorisées, y compris dans les jardins privés. Les installations sportives de plein air seront rouvertes, et le sport pour adultes et enfants reprendra.

À partir du 12 avril, les commerces de détail non essentiels, les coiffeurs, les bâtiments publics, les brasseries, les zoos, les parcs à thème, les piscines, les salles de sport et les logements de vacances indépendants doivent rouvrir. Les règles relatives aux contacts sociaux, qui interdisent à deux ménages de se réunir à l’intérieur, resteront thóriquement en vigueur.

À partir du 17 mai, une limite de 30 pour les réunions en plein air, remplacera la «règle des six». Celle-ci s’appliquera dans les espaces d’accueil rouverts comme les bistrots. Les cinémas, les hôtels, les théâtres et les manifestations sportives rouvriront avec l’éloignement social, et jusqu’à 10.000 spectateurs pourront se rendre dans les stades de football.

À partir du 21 juin, les limites légales aux contacts sociaux seront supprimées et les derniers secteurs de l’économie, comme les boîtes de nuit, rouvriront.

Ces étapes se dérouleront sous réserve de quatre conditions, délibérément vagues: que le programme de vaccination contre le coronavirus continue de «se dérouler comme prévu»; que les faits montrent que les vaccins «réduisent suffisamment» le nombre de gens qui meurent ou ont besoin d’un traitement hospitalier; que les taux d’infection ne «risquent» pas d’entraîner une augmentation des hospitalisations; et que les nouveaux variants du virus ne modifient pas fondamentalement le risque de levée des restrictions.

Alors que les directives précédentes mentionnaient un chiffre R en dessous de 1,0 – tout ce qui est au-dessus indiquant une croissance exponentielle – ces conditions n’y font aucune référence. Les «taux d’infection» ne sont préoccupants que s’ils «risquent d’entraîner une augmentation des hospitalisations». La séparation du taux d’infection des hospitalisations équivaut à une déclaration de fait que le gouvernement Conservateur cherche à obtenir une «immunité collective» en laissant le virus se propager largement sans contrôle.

Ce changement n’est justifié que par une invocation frauduleuse de l’impact du déploiement du vaccin. Il n’y a aucun doute que les vaccins réduisent considérablement le risque de maladie grave et constituent un élément central de toute résolution de la crise pandémique. Mais c’est là un argument scientifiquement irréfutable pour des restrictions efficaces sur le plan sanitaire tant que la population n’est pas correctement immunisée. La protection partielle actuellement assurée à la population britannique par la vaccination – 18 millions de gens ont reçu une première dose et un peu plus de 600.000 personnes une deuxième – signifie qu’une recrudescence des infections entraînera toujours une vague d’hospitalisations et de décès.

La levée prématurée du confinement partiel par Johnson produira une telle vague. Le Financial Times note que les données actuelles «montrent que la grande majorité des améliorations en fait de santé depuis le début de l’année sont le résultat du confinement plutôt que des vaccinations». Israël, qui a vacciné de manière plus approfondie que le Royaume-Uni, a vu son nombre d’infections diminuer de la moitié seulement par rapport au Royaume-Uni depuis le 12 janvier, où les deux pays avaient des taux d’infection similaires, du à son confinement moins strict.

Des études ont démontré le rôle majeur que jouent les écoles dans la transmission du virus au sein de la communauté. Le gouvernement conservateur a néanmoins l’intention de rouvrir les écoles le 8 mars, et comme le résume sans détours le Daily Mail :«sans mise en place progressive ; pas juste les écoles primaires ; sans jours alternés; sans répartition des groupes d’âge; sans fragmentation des classes».

Le professeur Chris Whitty, médecin en chef servile du gouvernement, est censé avoir été «très mécontent» de la décision de rouvrir toutes les écoles en même temps. Mais il était de retour dans son box à la conférence de presse de lundi. Le coronavirus «sera un problème pour les prochains hivers», a-t-il déclaré.

Plus d’enfants à l’école signifiera plus de parents sur des lieux de travail ayant connu des milliers de flambées du virus et que le gouvernement n’a rien fait pour rendre sûrs. Ces effets se trouveront aggravés par la réouverture des commerces de détail, de l’hôtellerie et d’autres endroits.

Toute hausse de la propagation du virus aura de graves conséquences. Les dernières données de l’Office des statistiques nationales (ONS) révèlent qu’en Angleterre, une personne sur 115 avait le COVID-19 pendant la semaine du 12 février ; le même taux qu’à la levée du confinement partiel de novembre ayant entraîné la vague dévastatrice de cet hiver. Ce taux est plus de 12 fois supérieur à celui de début septembre, où on avait rouvert les écoles, menant à ce que les enfants d’âge scolaire aient en décembre les taux les plus élevés d’infection par le COVID-19.

Selon l’Étude de symptômes de COVID au Royaume-Uni, le R pour l’Angleterre était de 0,9 la semaine dernière, et de 1,0 pour l’Écosse et le Pays de Galles. L’étude indique que «la baisse du nombre de nouveaux cas quotidiens a commencé à ralentir ; les valeurs R reviennent à 1,0, la plupart des régions se situant à 0,9… Les cas ont commencé à augmenter dans les groupes d’âge de 20 à 39 ans».

Les auteurs de l’étude estiment à 14.818 les nouveaux cas symptomatiques quotidiens de COVID-19 au Royaume-Uni. La semaine dernière, la British Medical Association a averti que le Service national de santé (NHS) était toujours «dans une situation précaire» et signalé qu’un «consensus croissant» existait chez les professionnels de la santé que les cas devaient être ramenés à 1.000 par jour avant de prendre des mesures importantes pour réduire les mesures du confinement.

À mesure que le nombre de cas augmente, la menace de nouveaux variants du virus devient plus sérieuse. Le professeur John Edmunds, du Groupe consultatif scientifique pour les urgences (SAGE) du gouvernement, a déclaré au programme Andrew Marr de la BBC que le variant sud-africain – à mutation réduisant l'efficacité des vaccins actuels – est « maintenu en place pour le moment, comme tout le reste est maintenu en place par le confinement... Le risque vient vraiment de ce qu’on relâche le confinement ». Jusqu'à présent, 235 cas confirmés ou probables du variant sud-africain ont été découverts au Royaume-Uni.

Paul Hunter, professeur de médecine à l’Université d’East Anglia, a déclaré au Guardian: «quand on sort du confinement, la variante sud-africaine ou la variante Bristol [similaire] est susceptible de devenir dominante, même avec une couverture vaccinale élevée».

Si la vaccination semble être efficace pour prévenir les maladies graves causées par la variante sud-africaine, Hunter a mis en garde contre le risque de voir se développer d’autres mutations dangereuses. Cela est d’autant plus probable lorsqu’on permet au virus de se propager à un grand nombre de gens alors que le vaccin applique une pression sélective évolutive pour des variants plus résistants.

Outre le risque de décès dû au COVID-19, il y a la menace encore mal comprise du «COVID longue durée». Il s’agit d’une série de maladies débilitantes qui affectent même les cas de COVID-19 non hospitalisés et cela des mois durant après l’infection initiale. Le taux de personnes non hospitalisées qui devraient souffrir de cette maladie plus de 12 semaines après l’infection est estimé à entre 10 et 20 pour cent et ces maladies peuvent toucher les enfants.

Malgré tout cela, la feuille de route de Johnson a été universellement qualifiée de «prudente» dans les médias. Il n’y a pas la moindre opposition politique à ce que le gouvernement mette en danger des milliers de vies supplémentaires, même après plus de 120.000 morts.

Le leader travailliste Sir Keir Starmer a déclaré dimanche: «Idéalement, j’aimerais que toutes les écoles soient rouvertes le 8 mars et que tous les enfants retournent à l’école le 8 mars». Le Daily Mail a salué «son courage à placer la santé et le bien-être des enfants au-dessus de la politique cynique de la gauche de son parti».

Sur l’émission «Today» de BBC Radio 4, le secrétaire d’État fantôme à la Santé du Parti travailliste, Jonathan Ashworth, a déclaré: «Nous avons besoin d’un effort national pour que nos enfants retournent à l’école». En réponse à une déclaration de neuf syndicats de l’éducation qui qualifie une réouverture massive d’«imprudente», Ashworth a déclaré: «Je demanderais au secrétaire à l’Éducation d’appeler les syndicats pour leur parler des plans et leur dire quels plans il va mettre en place pour atténuer la propagation du virus».

C’est ce qui va se passer. Un accord sera conclu à huis clos entre le gouvernement et les syndicats, leur permettant de contraindre leurs membres à retourner dans les écoles, comme ils l’ont fait en septembre dernier.

Si cette politique criminelle se poursuit, des dizaines de milliers de gens supplémentaires mourront inutilement et d’innombrables autres souffriront de maladies à long terme. La pandémie peut être maîtrisée et supprimée, mais cela exige une redistribution massive des richesses monopolisées par la minuscule élite des super-riches. On pourrait ainsi financer l’intégralité des revenus et le soutien aux petites entreprises pendant les périodes de confinement. On pourrait mettre en œuvre de véritables mesures de sécurité sur les lieux de travail essentiels, supervisées par les travailleurs eux-mêmes, et un programme mondial de vaccination scientifiquement planifié.

(Article paru d’abord en anglais le 23 février 2021)

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