La fin du confinement britannique et la voie à suivre pour la classe ouvrière

Le premier ministre Boris Johnson met fin à ce qui, selon lui, doit être le «dernier confinement», sachant que cela coûtera des milliers de vies supplémentaires. Il a admis lundi dernier que la fin du confinement signifierait «plus d’infections, plus d’hospitalisations […] plus de décès».

Le gouvernement a abandonné l’effort pour réduire le facteur R (indicateur de circulation) du virus comme condition préalable de réouverture, ce qui signifie que le COVID-19 pourra se propager librement dans toute la population.

Le personnel soignant s’occupe d’un patient atteint de coronavirus dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital Royal Papworth de Cambridge, en Angleterre, le 5 mai 2020 [Source: Neil Hall Pool via AP]

«Davantage de morts» est dépeint par les grands médias comme le prix inévitable à payer d’un retour à la «normalité» et à la «liberté». C’est de la propagande mensongère. Le gouvernement commet des meurtres de masse.

La poursuite de «l’immunité collective» en permettant au virus de se propager sans contrôle a toujours été sa politique. La déclaration nationale de Johnson du 12 mars de l’année dernière a insisté sur le fait que «beaucoup plus de familles vont perdre précocement des êtres chers». Son conseiller en chef, Dominic Cummings, déclara en privé que la stratégie du gouvernement était «l’immunité collective, la préservation de l’économie, et si cela signifie que certains retraités meurent, tant pis».

En conséquence, plus de 135.000 personnes ont déjà succombé au COVID-19. La seule raison pour laquelle ce nombre de morts ne soit pas encore plus élevé est qu’une éruption redoutée d’opposition dans la classe ouvrière a forcé la classe dirigeante à reculer.

Le premier confinement en mars dernier a fait suite à une éruption de grèves en Italie, alors au centre de la pandémie en Europe, qui s’est étendue à l’Espagne, à la France et au Royaume-Uni. Le gouvernement voulait à tout prix éviter des manifestations de masse qui pouvaient poser obstacle à ses efforts pour mettre en œuvre un programme de subventions à hauteur de centaines de milliards de livres pour les grandes entreprises et les super-riches, justifié comme étant dans «l’intérêt national». L’ampleur de l’intervention était sans précédent: 350 milliards de livres sterling de prêts gouvernementaux aux entreprises et 645 milliards de livres d’assouplissement quantitatif de la Banque d’Angleterre, qui ont depuis atteint un niveau mirobolant de 895 milliards de livres sterling.

Une fois le plan de sauvetage réalisé, le gouvernement a agi aussi rapidement que possible pour forcer la population à retourner dans les écoles et les lieux de travail pour relancer le flux de profits, quand bien même son confinement limité s’était avéré efficace pour freiner la propagation du virus. Cela a inévitablement conduit à un renouveau désastreux des infections et à une deuxième vague de maladies qui a tué plus de personnes que la première.

La menace continue d’explosion sociale, provoquée par une vague d’ hospitalisations et l’effondrement du système de santé, a contraint Johnson à mettre en place deux confinements additionnels en novembre et janvier. Ceux-ci étaient encore plus limités que les précédents, obligeant d’importants secteurs de la population à reprendre le travail. Les nouveaux cas quotidiens viennent tout juste d’être ramenés en dessous de 10.000, pour la première fois en cinq mois.

L’insistance de Johnson sur le fait que ce doit être le «dernier confinement» est une déclaration de guerre politique contre la classe ouvrière. Toutes les écoles et établissements d’enseignement supérieur seront rouverts immédiatement à leurs plus de dix millions d’élèves, d’étudiants et de travailleurs de l’éducation le 8 mars. Ni le port de masque ni les tests de coronavirus ne seront obligatoires. Le groupe consultatif scientifique du gouvernement pour les urgences avertit que cette action à elle seule augmentera le taux national de R de 10 à 50 pour cent. D’ici le 21 juin, toutes les restrictions seront levées.

La suppression des mesures de santé publique est justifiée en citant le programme de vaccination du Royaume-Uni. C’est une autre affirmation frauduleuse. La baisse actuelle des infections est presque entièrement le résultat du confinement et non de la vaccination. Sa levée entraînera une augmentation mortelle des cas avant que le programme de vaccination soit achevé et agisse pleinement.

Selon l’équipe d’intervention COVID-19 de l’Imperial College, une levée «progressive» des restrictions sanitaires entraînerait un nombre stupéfiant de 58.200 décès supplémentaires au COVID-19 entre le 12 février de cette année et le 30 juin 2022 sur la base d’un programme de réouverture beaucoup plus prudent que celui prévu par le gouvernement.

La vaccination est une étape vitale pour mettre fin à la pandémie. Mais sans stratégie scientifique pour mettre en œuvre et maintenir des mesures sanitaires jusqu’au point où la population soit effectivement protégée, davantage de décès évitables seront à déplorer. Des variants plus dangereux et résistants aux vaccins pourront également se développer. Le «variant Kent» est déjà devenu dominant au Royaume-Uni et des cas de variants sud-africains et maintenant brésiliens ont été détectés.

Loin d’un retour à la «normale», le sacrifice des vies des travailleurs à la pandémie se déroule dans les conditions d’un effort impitoyable pour récupérer à la classe ouvrière les milliards de livres remis aux grandes entreprises. Les travailleurs devront également supporter le fardeau d’une guerre commerciale croissante entre la Grande-Bretagne, les puissances européennes, les États-Unis et la Chine, qui menace d’éclater dans des conflits militaires catastrophiques.

Il en résultera des millions de chômeurs, des baisses de salaire et de services sociaux, et des lieux de travail infernaux.

Le chômage est officiellement à 5,1 pour cent et la Banque d’Angleterre et le Bureau de la responsabilité budgétaire prévoient une augmentation entre 7 à 8 pour cent une fois que le programme de chômage partiel sera supprimé. Les combines de «licenciement et réembauche» sont utilisées pour imposer des réductions de salaire allant jusqu’à 25 pour cent et des horaires de travail plus exténuants. Un sondage effectué par le Congrès des syndicats en janvier a révélé que 9 pour cent des travailleurs britanniques ont déjà dû présenter une nouvelle demande d’embauche à des conditions inférieures sous peine d’être congédiés. Les taux de pauvreté, de dénuement, d’endettement, d’arriérés de loyers et d’utilisation des banques alimentaires sont en forte hausse.

La même offensive de guerre de classe est en cours dans tous les pays. Les «guerres de vaccins» pour savoir quel pays sera approvisionné en premier sont l’expression la plus grotesque de la concurrence féroce entre les classes dirigeantes nationales pour saper leurs rivaux aux dépens de leurs travailleurs. Ces conflits ont été explicitement illustrés par l’achèvement du Brexit au plus fort de la deuxième vague européenne du COVID-19. Sur fond d’une catastrophe sanitaire mondiale, des querelles entre le Royaume-Uni et les puissances européennes ont vu des embouteillages monstres au port de Douvres et le protocole d’Irlande du Nord était menacé quelques semaines à peine après la signature de l’accord.

Cette leçon fondamentale doit être tirée de l’année au cours de laquelle la pandémie a fait rage: la classe dirigeante poursuivra ses intérêts sans pitié, quel que soit le coût en vies humaines et la souffrance.

Johnson et ses homologues du monde entier sont insensibles à l’argumentation scientifique, sans parler du raisonnement moral. Ils répondent à la menace qu’ils redoutent d’en bas en gardant leur cap meurtrier, en renforçant l’appareil d’État, en restreignant la liberté d’expression et en encourageant la croissance des mouvements d’extrême droite. Les couches fascisantes mobilisées par Donald Trump lors de l’invasion du Capitole, le Rassemblement national de Marine Le Pen en France et l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) avancent tous un programme anti confinement et anti vaccination, mobilisant des sections de la classe moyenne et les propriétaires de petites entreprises menacés de ruine par les gouvernements européens contre la classe ouvrière.

Vaincre la pandémie n’est pas avant tout une question médicale. Elle doit être combattue politiquement. La seule force sociale qui peut imposer les mesures nécessaires pour enrayer la pandémie, vaincre l’assaut sur les emplois, les salaires et les conditions de travail et arrêter la descente dans les guerres commerciales et conflits militaires est la classe ouvrière internationale.

La résistance des travailleurs s’accroît au niveau international, impliquant des travailleurs du secteur public italien, des grèves sauvages des enseignants français contre l’enseignement en présentiel, des mouvements sociaux contre les fermetures d’usines en Espagne, les débrayages d’éducateurs à Chicago, aux États-Unis et à Sao Paulo, au Brésil, et les grèves en cours contre British Gas et les compagnies de bus de Manchester et de Londres. Mais cela doit être animé d’une direction organisationnelle et politique consciente.

Les piquets de grève de chauffeurs de bus à Manchester [Source: WSWS média]

Le Parti travailliste et les syndicats se sont révélés être des ennemis acharnés de la classe ouvrière. Les syndicats ont fonctionné tout au long de la pandémie en tant que force de police au service du gouvernement et des sociétés. Après avoir approuvé le renflouement des grandes entreprises par le ministre des Finances Rishi Sunak, le Congrès des syndicats a rendu au gouvernement un document intitulé «Une approche syndicale… sur la façon de gérer le retour généralisé au travail». Depuis lors, les syndicats ont réprimé toute action pour préserver les vies des travailleurs contre le COVID-19.

Le Parti travailliste, initialement dirigé par Jeremy Corbyn puis sir Keir Starmer, a agi en tant que partenaire de coalition de fait avec les conservateurs dans leur campagne de réouverture des écoles et des lieux de travail. Corbyn fut informé de la stratégie d’immunité collective du gouvernement lors de discussions privées et garda le silence. Starmer s’est consacré à «l’opposition constructive», une politique que résume le mieux son insistance, dans le Daily Mail, pour que les écoles soient ouvertes «pas de si, pas de mais».

La pandémie a agi comme un événement déclencheur, mettant en évidence pour des millions de personnes dans le monde la faillite de l’ensemble de l’ordre social et économique et de tous ses défenseurs politiques. De nouvelles organisations de lutte de classe et une nouvelle direction socialiste doivent être construites.

Pour que les travailleurs défendent leur vie et leurs moyens de subsistance, le Socialist Equality Party, SEP (Parti de l’égalité socialiste) appelle à la formation de comités de la base dans chaque lieu de travail, en réseau à travers la Grande-Bretagne et au niveau international, et indépendants des syndicats. Ces comités doivent rejeter tous les appels au sacrifice dans «l’intérêt national» et lutter sans compromis pour satisfaire les besoins de la classe ouvrière.

Leur première tâche doit être d’assurer un confinement complet de la production non essentielle et la mise en œuvre de protocoles de sécurité sanitaires stricts dans des secteurs véritablement essentiels, jusqu’à ce que le déploiement du vaccin soit terminé et qu’un système de test et de traçage rigoureux soit mis en œuvre. Tous les travailleurs contraints de rester chez eux et les petites entreprises contraintes de fermer doivent toucher un revenu complet, et tous les emplois doivent être préservés.

Contre l’affirmation selon laquelle il n’y a pas d’argent pour ces mesures, les comités de la base doivent mettre en avant un programme d’expropriation des grandes entreprises et des oligarques financiers. La fortune des super-riches profiteurs de la pandémie et les actifs des grandes entreprises doivent être saisis afin qu’ils soient gérés démocratiquement par la classe ouvrière pour répondre aux besoins sociaux, et non au profit privé.

Une pandémie mondiale nécessite une solution coordonnée au niveau mondial. Les efforts de la classe dirigeante pour dresser les travailleurs les uns contre les autres alors qu’elle cherche à accaparer le contrôle des marchés et des ressources du monde, doivent être contrecarrés par l’unification socialiste de la classe ouvrière. Cela exige la lutte pour une grève générale à l’échelle européenne et la prise du pouvoir politique par la classe ouvrière dans le cadre des États socialistes unis d’Europe. Adhérer au Socialist Equality Party et participer à sa construction fournira la direction pour faire avancer cette lutte qui est une question de vie et de mort.

(Article paru en anglais le 4 mars 2021)

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