L’Agence européenne des médicaments continue à approuver la sécurité du vaccin COVID-19 d’AstraZeneca

Depuis mardi, plus d’une douzaine de pays européens, dont l’Allemagne et la France lundi et la Suède et la Lettonie mardi, ont suspendu leurs programmes de vaccination utilisant le vaccin d’AstraZeneca suite à des rapports récents de personnes ayant développé des caillots sanguins peu après avoir été vaccinées. Certaines sont décédées.

Les accidents thrombo-emboliques ne sont pas rares, en particulier chez les personnes âgées souffrant de problèmes tels que l’obésité, les maladies cardiaques ou le cancer. Des caillots sanguins peuvent se former dans les jambes ou même les bras, et certains peuvent se déplacer jusqu’au poumon, provoquant une embolie pulmonaire qui peut avoir des conséquences désastreuses ou être fatale.

En général, l’incidence annuelle des événements thrombo-emboliques est d’environ 1 sur 1.000. Le risque commence à augmenter après 45 ans, pour être cinq à six fois plus élevé chez les personnes approchant les 80 ans. Cependant, les récents rapports concernant un petit nombre de caillots cérébraux en Allemagne ont suscité de nouvelles inquiétudes parmi les responsables de la santé quant à la sécurité du produit.

Une personne reçoit une dose du vaccin AstraZeneca/Oxford à l’hôpital Edouard Herriot, samedi 6 février 2021 à Lyon. (Olivier Chassignole, Pool via AP)

Selon le fabricant du vaccin, on a signalé 37 événements de ce type parmi les 17 millions de personnes qui ont reçu le vaccin. Selon l’agence Reuters, l’Agence européenne des médicaments (EMA) enquête sur les rapports de 30 cas parmi 5 millions de personnes qui ont reçu le vaccin d’AstraZeneca. Les régulateurs européens devaient publier les résultats de leur enquête jeudi. Ils examineront notamment les taux de caillots sanguins dans la population générale par rapport aux personnes vaccinées. En outre, on mène des enquêtes sur d’éventuels défauts de fabrication.

La Dr Penelope Ward, professeur de médecine pharmaceutique au King’s College de Londres, a replacé les choses dans leur contexte lors d’un entretien avec le Financial Times. Elle a dit: «Au Royaume-Uni, environ 165 personnes par jour peuvent souffrir d’un épisode thrombotique, dont certains sont mortels. En revanche, le nombre de rapports qui proviennent du programme de vaccination en cours au Royaume-Uni et dans l’UE, qui comprend 20 millions de personnes vaccinées à ce jour, n’est que de 37. Du au seul hasard, on aurait pu s’attendre à au moins 15.000 événements de ce type dans une population de cette taille.»

Entre-temps, 2,68 millions de décès dus au COVID-19 sont survenus dans le monde, dont plus de 850.000 uniquement en Europe. Le nombre hebdomadaire de décès attribués aux infections reste élevé, à plus de 20.000.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) maintient sa position, à savoir qu’aucun de ces décès n’était lié aux vaccins COVID-19. L’OMS craint que la suspension de ces programmes de vaccination n’entraîne d’autres décès inutiles, compte tenu de la propagation de variantes plus virulentes du coronavirus. Ils ont déclaré hier: «À ce jour, rien ne prouve que le vaccin soit à l’origine des incidents, et les campagnes de vaccination doivent se poursuivre afin que nous puissions sauver des vies et endiguer les maladies graves causées par le virus.»

La France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne avaient coordonné leurs décisions d’arrêter leurs programmes de vaccination avec le vaccin AstraZeneca. Réagaissant à cette nouvelle, la directrice exécutive de l’EMA, Emer Cooke, a déclaré avant-hier lors d’une conférence. «Il est inévitable que vous ayez des incidences rares ou graves de maladies qui surviennent après des vaccinations. Notre rôle à l’EMA est de les évaluer pour s’assurer que tout effet indésirable suspecté fasse l’objet d’une enquête rapide pour déterminer s’il s’agit d’un véritable effet secondaire du vaccin ou d’une coïncidence. Le nombre global d’événements thrombo-emboliques chez les personnes vaccinées ne semble pas être plus élevé que celui observé dans la population en général. La confiance dans la sécurité et l’efficacité du vaccin que nous avons autorisé est primordiale pour nous. Et notre travail consiste à nous assurer que nous puissions maintenir la confiance dans ces vaccins sur la base d’une évaluation scientifique appropriée.»

Elle a ensuite ajouté: «Actuellement, nous sommes toujours fermement convaincus que les avantages du vaccin d’AstraZeneca dans la prévention du COVID-19 avec les risques d’hospitalisation et de décès qui y sont associés l’emportent sur le risque de ces effets secondaires.» Il convient de noter qu’au cours des essais d’efficacité du vaccin, Oxford/AstraZeneca avait signalé que cinq événements indésirables graves étaient survenus chez les personnes vaccinées. Pourtant, aucun d’entre eux ne s’était avéré avoir été causé par les vaccins.

Le Premier ministre italien Mario Draghi a déclaré au Guardian que le président français Emmanuel Macron et lui-même s’étaient entretenus et avaient convenu de reprendre leurs programmes de vaccination dès qu’ils auraient reçu de l’EMA la confirmation de la sécurité du vaccin. Agnès Pannier-Runacher, chef d’entreprise française et secrétaire d’État à l’économie et aux finances, a déclaré au Financial Times que l’effort coordonné pour suspendre leurs programmes de vaccination n’était pas suspect. «Si vous voyez que d’autres pays prennent une décision, le risque est qu’une méfiance envers le vaccin se développe. Notre intention est d’être parfaitement transparents et [de montrer] que chaque fois qu’une alerte est lancée, nous la traitons de la manière la plus professionnelle possible».

Alors que ces événements se déroulaient, la Commission européenne a annoncé qu’elle avait convenu avec Pfizer-BioNTech d’une livraison accélérée de 10 millions de doses au deuxième trimestre. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré: «Je sais combien le deuxième trimestre est crucial pour le déploiement de nos stratégies de vaccination dans les États membres. Ces 10 millions de doses accélérées porteront le nombre total de doses fournies par BioNTech-Pfizer au cours du deuxième trimestre à plus de 200 millions. C’est une très bonne nouvelle. Elle donne aux États membres une marge de manœuvre et leur permet éventuellement de combler les lacunes dans les livraisons».

La suspension de la vaccination avec le vaccin d’AstraZeneca se fait dans un contexte où les pays utilisent les vaccins comme levier pour leurs intérêts géopolitiques. Alors que les États-Unis ont distribué 143 millions de doses de vaccin COVID-19 et 45 millions en Europe, les pays à revenu faible ou intermédiaire continuent d’attendre les vaccins par le biais du programme COVAX de l’OMS. Dans un article publié la semaine dernière dans Foreign Affairs, le Dr Michael Osterholm écrit : «En février, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a annoncé que 10 pays avaient administré 75 pour cent des stocks mondiaux de vaccins COVID-19 disponibles. À l’époque, plus de 130 pays, où vivent 2,5 milliards de personnes, n’avaient pas encore reçu une seule dose de vaccin, ce qui les rendait vulnérables aux nouvelles variantes.»

Une étude commandée par la Fondation de recherche de la Chambre de commerce international a révélé que l’économie mondiale pourrait perdre jusqu’à 9,2 mille milliards de dollars «si les gouvernements ne parviennent pas à garantir l’accès des économies en développement aux vaccins COVID-19, la moitié de cette somme affectant les économies avancées». Les dangers du nationalisme vaccinal auront bientôt de graves conséquences géopolitiques pour un grand nombre de travailleurs. Il ne fait que souligner l’incapacité du capitalisme à répondre aux besoins les plus fondamentaux de l’humanité.

(Article paru d’abord en anglais le 17 mars 2021)

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