La France annonce des mesures de confinement inadéquates alors que le coronavirus se propage

Jeudi soir, dans une adresse télévisée nationale, le Premier ministre français Jean Castex a annoncé un ensemble de mesures de confinement limitées et inadéquates face à une propagation rapide du virus qui se développe de manière incontrôlable.

Les nouvelles règles s'appliquent à 16 départements, dont la moitié se trouvent dans la région Ile-de-France qui englobe la capitale de Paris, ainsi que la région Hauts-de-France au nord, où le nombre total de cas et la saturation des hôpitaux sont particulièrement élevés. Seuls les commerces essentiels pourront rester ouverts. La population doit rester à domicile sept jours sur sept, mais peut aller à l'extérieur sans restriction de temps dans un rayon de 10 kilomètres de son domicile. Tous les déplacements sont à nouveau soumis à attestations.

Une infirmière tient un téléphone pendant qu'un patient COVID-19 parle avec sa famille depuis l'unité de soins intensifs du centre hospitalier Joseph Imbert à Arles, dans le sud de la France, le mercredi 28 octobre 2020 [Crédit: AP Photo / Daniel Cole]

Le couvre-feu à l'échelle nationale qui est en place depuis décembre doit se poursuivre, mais son application est décalée de 18 h à 19 h pour tenir compte de l'heure d'été.

Plus important encore, il n'y aura aucune restriction sur les écoles ou les lieux de travail non essentiels, contrairement au premier confinement en mars 2020. Castex a annoncé que les écoles primaires et les collèges continueront de fonctionner à capacité normale, tandis que les lycées resteront ouverts avec des capacités des classes réduites à moitié, comme précédemment en janvier.

On garde les écoles ouvertes pour que les parents puissent rester au travail et que les profits continuent à affluer dans les banques et les grandes entreprises françaises. Le gouvernement Macron, comme ses homologues européens, poursuit une politique de sacrifice de milliers de vies pour protéger les intérêts de l'élite financière.

Castex prenait la parole alors que le nombre de cas et d'hospitalisations avait atteint, et dans certaines régions, dépassé le pic de la vague en novembre de l'année dernière. Il y a eu plus de 35.000 nouveaux cas du virus signalés jeudi et 30.000 la veille. La moyenne sur sept jours du nombre total de cas est supérieure à 26.000, le niveau le plus élevé depuis le 17 novembre 2020, mais augmente rapidement. Une comparaison avec un pays de la taille des États-Unis se traduirait en quelque 125.000 cas par jour. La France a enregistré jeudi le troisième plus grand nombre quotidien de cas au monde, après les États-Unis et le Brésil.

En Ile-de-France, le taux d’incidence est désormais de 446 pour 100.000 habitants, en hausse de 23 pour cent en une semaine.

Plus de 25.000 personnes sont hospitalisées avec un coronavirus, et 4.246 d'entre elles sont dans des unités de soins intensifs. Environ 300 personnes sont envoyées en soins intensifs chaque jour. Dans certaines régions, les taux d'hospitalisation se rapprochent des capacités maximales des hôpitaux déjà au point de rupture. En Ile-de-France, par exemple, le nombre de nouvelles hospitalisations quotidiennes était de 60 à la mi-février, atteignant 86 à la mi-mars et 105 le 14 mars.

Le nombre de personnes en soins intensifs en Ile-de-France dépasse les 1.200, plus que le pic de novembre dernier. Même avec l'annulation de la chirurgie élective et d'autres rendez-vous de soins médicaux, la capacité maximale ne dépasserait pas les 1.500 à 1.600 personnes. Déjà la semaine dernière, le ministre de la Santé Olivier Véran avait annoncé que les patients de la région parisienne seraient transférés vers des hôpitaux ailleurs en France. Dans la région des Hauts-de-France, les patients sont transférés vers des hôpitaux en Belgique.

La propagation particulièrement rapide du virus est sans doute attribuable en partie à la domination de la variante la plus contagieuse et la plus meurtrière du virus, identifiée pour la première fois en Grande-Bretagne en septembre dernier. Castex a rapporté que la variante britannique représente désormais plus de 75 pour cent de tous les cas au niveau national. Début janvier, elle était estimée entre 3 et 8 pour cent du total des cas. Alors qu'en janvier, la proportion d'hospitalisations nécessitant une admission aux soins intensifs était d'environ 20 pour cent, elle est depuis passée à 27 pour cent.

La prédominance de la nouvelle variante semble également être responsable d'une réduction de l'âge moyen des personnes hospitalisées. «Sur les quinze derniers jours, la moyenne d’âge des patients en réanimation est passée de 64 à 57 ans», a déclaré au quotidien Le Monde Yves Cohen, chef de l'unité de soins intensifs de l' hôpital Avicenne de Bobigny. « On a des patients beaucoup plus jeunes que durant la première vague».

Cohen a ajouté que «On prend en pleine figure l’impact des décisions gouvernementales et on jongle avec les lits. Dès qu’il y en a un vide, il est aussitôt occupé […] On avait ouvert il y a quinze jours huit nouveaux lits, on peut pousser encore les murs, sauf qu’on n’a plus les personnels.»

259 personnes meurent en moyenne en France tous les jours du virus. Mais ce chiffre, qui est toujours en décalage par rapport à la hausse du nombre des cas, augmentera encore davantage dans les semaines à venir. Le nombre total de décès depuis le début de la pandémie s'élève à 91.679.

Au cours de son discours, Castex a présenté cette situation catastrophique comme quelque chose qui échappait totalement au contrôle du gouvernement, s'apparentant à une catastrophe naturelle qui n'avait rien à voir avec les politiques menées par l'UE et Macron depuis le début de 2020. Il n'a pas tenté d’expliquer la contradiction entre la croissance rapide du coronavirus et ce qu'il a déclaré être des politiques correctes que le gouvernement a mises en œuvre.

«Ces mesures de confinement ne seront pas la reprise de celles que nous avons mises en place en mars de l’année dernière. Depuis le début de l’épidémie, il y a exactement un an, le temps a passé, la crise a duré, mais nous avons appris. [ …] Depuis le mois de janvier, nous avons opté pour une stratégie qui nous distingue des autres pays», a-t-il poursuivi. Contrairement à beaucoup de nos voisins, nous n’avons pas appliqué de confinement à l’échelle de tout le pays [...] Nous avons même écarté cette option fin janvier. Et c’était la bonne décision.»

En fait, le confinement initial en mars de l'année dernière, qui a fermé les écoles et les lieux de travail non essentiels, a été utilisé pour procéder à des renflouements massifs des grandes entreprises par l'UE et protéger la richesse de l'élite financière. Les gouvernements ont lancé une campagne de réouverture pour insister sur le fait que la population doit retourner au travail et les enfants à l'école. À chaque confinement successif, le gouvernement a rejeté toute mesure qui menacerait les profits de la grande entreprise.

Macron a entièrement compté, tout au long de la pandémie, sur l'étroite collaboration des syndicats, qui ont soutenu le maintien des écoles ouvertes et se sont opposés à toute grève pour exiger des mesures de confinement. Dans son discours de jeudi soir, Castex a déclaré qu'il travaillerait en étroite collaboration avec les «partenaires sociaux», c'est-à-dire les syndicats, pour développer une série de conditions de distanciation sociale qui pourraient être utilisées pour justifier le maintien des travailleurs au travail.

(Article paru en anglais le 19 mars 2021)

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