Manifestations contre le projet de loi draconien sur la police et les brutalités policières dans plusieurs villes du Royaume-Uni

Les protestations se sont multipliées contre le projet de loi sur la police, la criminalité, les peines et les tribunaux cette semaine, alors que cette législation antidémocratique passait en deuxième lecture au Parlement. Le projet de loi augmentera massivement les pouvoirs du ministre de l’Intérieur et de la police pour restreindre, voire interdire, les manifestations sous les prétextes les plus infimes.

Lundi, plusieurs milliers de personnes ont participé à un rassemblement nocturne contre le projet de loi sur la place du Parlement à Londres. Les manifestants portaient des pancartes avec des déclarations telles que «La police ne nous protège pas», «Pas de justice, pas de paix». Aux cris de «Tuez le projet de loi», ils ont défilé à travers Westminster et Lambeth, bloquant notamment le pont de Westminster à deux reprises. Les manifestants se sont dirigés vers le quartier général de la police métropolitaine à New Scotland Yard.

Manifestation à Manchester contre le projet de loi sur la police (Source: WSWS media)

La police a arrêté quatre personnes et donné des amendes fixes pour deux d’entre elles.

Le même soir, des centaines de personnes se sont rassemblées dans d’autres villes pour des manifestations anti-police, notamment à Manchester, Cardiff et Swansea. La majorité des manifestants était des jeunes.

La nouvelle législation sur la police est adoptée à la hâte par le Parlement, sur la base d’un examen des manifestations contre le maintien de l’ordre exigé par le ministre de l’Intérieur, Priti Patel, à la suite des manifestations organisées l’année dernière par le groupe environnemental «Extinction Rebellion» et par les opposants aux meurtres commis par la police, provoqués par le meurtre de George Floyd.

Le projet de loi permet au ministre de l’Intérieur de créer des lois qui définissent la «perturbation grave» des communautés et des organisations, sur lesquelles la police peut ensuite s’appuyer pour imposer des conditions draconiennes.

La législation rendra illégal le fait d’infliger une «nuisance grave» à une personne sans excuse raisonnable, un juge pouvant emprisonner une personne jusqu’à 10 ans. L’article 55 permet à la police d’imposer des heures de début et de fin de manifestation et des niveaux sonores maximums pour un plus grand nombre de manifestations en Angleterre et au Pays de Galles. En vertu de la législation, un policier se verra conférer le pouvoir de prendre «les moyens qui lui semblent nécessaires» pour «prévenir les désordres, les dommages, les perturbations, l’impact ou l’intimidation.»

Le projet de loi a été introduit au Parlement lundi et a été adopté lors d’un vote en deuxième lecture par 359 voix contre 263 mercredi. Le Parti conservateur au pouvoir dispose d’une majorité de 80 sièges et le projet de loi est adopté avec le soutien du Parti unioniste démocratique (de l’Irlande du Nord) dont huit députés se sont abstenus ou n’ont pas voté. Le principal parti d’opposition, le Parti travailliste, a voté à contrecœur contre le projet de loi, bien qu’il en soutienne des éléments clés, tels que le durcissement des peines, après avoir initialement déclaré qu’il s’abstiendrait. Le projet de loi est maintenant en phase d’examen en commission et sera soumis au vote de la Chambre des Lords dans les prochaines semaines avant de devenir une loi.

Les manifestations de cette semaine font suite à celles qui ont eu lieu le week-end dernier à Londres et dans d’autres villes pour protester contre la mort de Sarah Everard, 33 ans. Des agents de la police métropolitaine ont violemment attaqué une veillée pacifique organisée à Clapham Common, dans la capitale, procédant à quatre arrestations et agressant brutalement les femmes présentes. Un agent de la police métropolitaine, Wayne Couzens, a été accusé de l’enlèvement et du meurtre de Sarah Everard.

De nombreuses forces politiques sont impliquées dans les protestations, notamment un groupe féministe, «Reclaim these Streets». Il y a des tentatives de canaliser les protestations contre le meurtre d’Everard – et la brutalité policière en général – en un soutien à l’augmentation des pouvoirs de la police pour prétendument protéger les femmes des hommes.

Cette semaine, le gouvernement a présenté le projet «Vigilant», qu’il cherche à mettre en œuvre sous le couvert de la protection des femmes contre les agressions sexuelles. Ce projet prévoit la présence d’agents de police en civil dans les clubs et les bars, ainsi qu’une augmentation des patrouilles de police lorsque les gens quittent ces lieux à l’heure de la fermeture.

Toutefois, les manifestations organisées dans le pays sont caractérisées par l’hostilité aux brutalités policières et l’opposition à l’octroi de nouveaux pouvoirs à la police. À Manchester, des centaines de jeunes ont défilé dans deux des principales artères du centre-ville, Market Street et Deansgate, en scandant «Tuez le projet de loi» et d’autres slogans, avant de se rassembler sur la place Saint-Pierre vers 17 h pour un rassemblement. Sur les pancartes, on pouvait lire «Bas les pattes de nos droits», «Défendez vos droits, des gens sont morts pour eux» et, en référence au ministre de l’Intérieur, «L’État policier de Priti».

La place Saint-Pierre n’est qu’à quelques mètres du site du massacre de Peterloo en 1819 où 18 personnes avaient été tuées et jusqu’à 700 personnes blessées par une cavalerie de Yeomanry et un régiment de l’armée régulière, alors qu’ils demandaient le suffrage des adultes et la réforme de la représentation parlementaire.

Les intervenants ont déclaré qu’ils étaient opposés à ce que la police reçoive des pouvoirs supplémentaires. L’un d’entre eux a fait remarquer qu’il y a moins de deux semaines, sur la même place où se tenait le rassemblement, la police du Grand Manchester – utilisant la législation draconienne COVID-19 – avait dispersé une petite manifestation de travailleurs du National Health Service et de leurs partisans. L’organisatrice, Karen Reissmann, une travailleuse de la santé mentale et membre du Comité exécutif national du syndicat Unison, s’est vu infliger une amende de 10.000 livres sterling (11.650 euros) par la police. L’intervenant a fait remarquer, sous les acclamations du public, que l’opposition à l’amende était telle «que nous avons réuni cet argent en moins de trois heures».

Une jeune femme a souligné que «cette loi donne à la police plus de pouvoirs pour réprimer les manifestations qui ont un impact. Le but d’une manifestation est d’avoir un impact! Et nous avons vu la façon dont la police réagit sans cette loi. La réponse à la manifestation de Clapham Common ce week-end, où des femmes se sont rassemblées pour pleurer la mort de Sarah Everard, aux mains d’un policier; la façon dont ils arrêtent et fouillent de façon disproportionnée les personnes noires, qui ont plus de neuf fois plus de chances de se faire arrêter… Les innombrables victimes de la brutalité policière pour lesquelles la justice n’existe pas… Ils veulent interdire les manifestations… ils veulent qu’on ne puisse plus résister… Mais le droit de manifester est fondamental.»

L’intervenant a fait remarquer que c’est une opération de la police métropolitaine, dirigée par la commissaire en chef du Met, Cressida Dick, qui a abouti à la mort par balle du jeune travailleur brésilien Jean Charles de Menezes en 2005.

L’hostilité à l’égard des deux architectes de la répression actuelle, Patel et Dick, constitue une réplique dévastatrice à la tentative de canaliser l’opposition au projet de loi dans l’impasse de la politique identitaire et de la «réforme axée sur les femmes».

Un jeune homme a déclaré au rassemblement: «Nos droits fondamentaux à nous opposer au système nous sont retirés. Lorsque nous manifestons pour des augmentations de salaire et des produits de première nécessité, nous sommes au stade de la rébellion. Quand tout ce qu’ils font commencera-t-il à devenir un motif d’autodéfense? Quand ils nous tuent et nous prennent lentement notre argent, s’ils ne nous tuent pas directement, en nous tuant économiquement».

Un autre intervenant a déclaré: «Notre opposition, le Parti travailliste, ne fout rien», ce à quoi un membre du public a répondu, en référence au dirigeant travailliste: «J’emm*** Keir Starmer». Les gens ont alors scandé à plusieurs reprises «J’emm*** Keir Starmer, J’emm*** Priti Patel, J’emm*** Boris Johnson» et «J’emm*** les conservateurs».

Un autre jeune intervenant a déclaré: «Il ne s’agit pas seulement de la police métropolitaine de Londres. Nous ne pouvons pas oublier que ce problème est systémique… C’est la police du Grand Manchester qui a infligé une amende de 10.000 livres sterling (11.650 euros) à une travailleuse de la santé. C’est la police du Grand Manchester qui a pris pour cible les manifestants de Black Lives Matter l’été dernier. C’est la police du Grand Manchester qui a envahi Fallowfield [résidences universitaires] en septembre et transformé Owens Park [qui fait partie du même complexe] en un État policier. C’est la police du Grand Manchester qui abuse constamment de ses pouvoirs».

Le rassemblement s’est terminé par une minute de silence «pour toutes les victimes de la brutalité policière».

À Cardiff, jusqu’à 400 personnes ont manifesté devant le poste de police de Cardiff Bay à partir de 18 h et sont restées environ une heure. Parmi les pancartes, on pouvait lire: «Pas de fin à la protestation tant qu’il n’y a pas de fin à la répression» et «Le pouvoir du peuple est plus fort que les gens au pouvoir».

Beaucoup de ceux qui étaient présents manifestent régulièrement depuis la mort de Mohamud Hassan, 24 ans, le 9 janvier. Hassan est mort quelques heures seulement après avoir été libéré de sa garde à vue. Selon Wales Online, «les représentants juridiques de sa famille ont déclaré qu’il était gravement blessé lorsqu’on l’a libéré. Ils ont déclaré que des témoins l’ont décrit comme couvert de sang, avec de graves blessures à la bouche et de graves contusions sur tout le corps.»

Une autre manifestation contre le projet de loi sur la police a eu lieu à Swansea devant la Cour d'assises et le commissariat de police.

(Article paru en anglais le 19 mars 2021)

Loading