Des dizaines d’écoles de l’Ontario sont forcées de fermer alors que la politique gouvernementale d’ouverture des écoles met des vies en danger

Des dizaines d’écoles à travers l’Ontario ont été forcées de fermer depuis le début du mois en raison d’éclosions de COVID-19. Un peu plus de quatre semaines après que le premier ministre Doug Ford, ses conseillers scientifiques et les responsables locaux de la santé publique aient rouvert les écoles en faisant de la propagande sur leur souci du bien-être de «nos enfants», les conséquences du mépris criminel de l’establishment politique pour la vie des enseignants et des élèves émergent au grand jour. Alors qu’une troisième vague de la pandémie encore plus mortelle commence à s’installer, les enseignants et les élèves sont laissés à eux-mêmes dans des salles de classe surpeuplées, sans pratiquement aucune mesure de précaution pour la sécurité.

Le dernier exemple tragique des conséquences dévastatrices de la relance de l’enseignement en personne est survenu jeudi, lorsqu’on a appris que cinq enseignants d’une école de la région de Peel avaient été contaminés par le virus, dont le directeur adjoint, qui est dans le coma. La région comprend la ville de Brampton, où une épidémie massive dans un centre de distribution d’Amazon, qui a infecté plus de 240 travailleurs, a forcé les responsables locaux de la santé publique à ordonner la fermeture de l’entrepôt pendant deux semaines, le 12 mars, face à l’opposition de la direction.

Dans toute la région de Peel, 206 salles de classe sont en quarantaine et cinq écoles ont été contraintes de fermer. Le conseil scolaire local envisagerait d’ordonner la fermeture de toutes les écoles dans les prochains jours, alors que la colère monte chez les enseignants face au manque de protection sur le lieu de travail. «Je ne me sens pas en sécurité de me rendre chaque jour à mon travail d’enseignant», a déclaré un enseignant d’école primaire au site de nouvelles locales insauga.com. «Aucun d’entre nous ne l’est. Ce n’est plus seulement une question de santé ou d’éducation. Le ministère du Travail devrait enquêter pour savoir si certaines écoles sont des lieux de travail sécuritaires.»

Selon les chiffres officiels du gouvernement, près de 18 % des écoles de la province sont actuellement confrontées à des infections à la COVID-19, dont 202 à Toronto, 74 à Ottawa et 61 à Brampton.

Vingt-trois écoles ont officiellement été contraintes de fermer. Le 11 mars, l’école secondaire Woodbridge College, à Woodbridge, une cité-dortoir située juste au nord-ouest de Toronto, a été fermée jusqu’au 25 mars en raison de 20 cas confirmés ou probables de COVID-19. Il s’agit de l’une des sept écoles fermées dans la région de York en raison d’éclosion de COVID-19. Le 2 mars, l’école publique Mount Albert à East Gwillimbury, qui compte six cas, a été fermée jusqu’au 15 mars en raison de «contraintes opérationnelles».

Le Bureau de santé publique de Toronto a rapporté que huit écoles ont au moins un cas de COVID-19 qui a été dépisté positif pour l’un des nouveaux variants de coronavirus plus contagieux et probablement plus mortels. Il s’agit de la Beverley School, du Danforth Collegiate and Technical Institute, de l’école Yeshiva Yesodei Hatorah, de la Gulfstream Public School, du Toronto Cheder, de la St. Helen Catholic School, de la Dante Alighieri Academy et de la Our Lady of Lourdes Catholic School. Le 1er mars, l’école publique Donwood Park à Scarborough, un quartier ouvrier de Toronto, a été fermée «jusqu’à nouvel ordre» en raison d’une éclosion de COVID-19 avec 6 cas, dont quatre ont été testés positifs pour un variant.

La Dre Eileen de Villa, médecin hygiéniste de Toronto, a tenté de minimiser la responsabilité du gouvernement dans l’aggravation de la crise de santé publique en affirmant qu’il était «trop tôt pour dire» si l’augmentation du nombre de cas en milieu scolaire est liée à la réouverture des écoles de l’Ontario le 16 février. «Nous nous attendions certainement à ce que la reprise de l’enseignement en personne dans les écoles [...] entraîne l’apparition de cas dans ces milieux et, compte tenu du fait qu’il existe des variants préoccupants dans la communauté, nous nous attendons et nous devons nous attendre à ce qu’il y ait des variants préoccupants dans les écoles», a-t-elle déclaré.

La Dre de Villa a ensuite déclaré qu’étant donné la prévalence des «variants préoccupants» plus contagieux «dans notre communauté», les autorités traitent «chaque cas survenant dans un contexte scolaire» «comme un variant préoccupant jusqu’à preuve du contraire».

C’est un aveu accablant. Il prouve que les autorités savent pertinemment qu’elles jouent à la roulette russe avec la vie des enseignants et des élèves, en les renvoyant dans des écoles non sécuritaires, même si elles savent que le variant B.1.1.7 du virus, plus infectieux et plus mortel, identifié pour la première fois au Royaume-Uni, est en plein essor.

Cet état de fait ne peut pas simplement être imputé au scélérat Doug Ford et à ses collègues ministres conservateurs, comme tentent de le faire les syndicats. La réalité est que la catastrophe actuelle dans les écoles n’aurait pas pu se produire sans le rôle que les syndicats du secteur de l’éducation ont joué pour démobiliser et étouffer l’opposition généralisée des enseignants et des parents au retour meurtrier à l’enseignement en personne.

En septembre, les syndicats ont joué un rôle essentiel en ramenant les enseignants et les élèves dans les écoles dans un contexte d’une colère publique généralisée contre l’incapacité du gouvernement à mettre en place des mesures de sécurité adéquates. En réponse à une question sur l’action que les syndicats préparaient pour protéger la santé et la vie des enseignants, le président de la Fédération des enseignantes et enseignants des écoles secondaires de l’Ontario (FEESO), Harvey Bischof, a carrément déclaré: «Si la question est de savoir si nous planifions des moyens de pression illégaux, la réponse est non». (Voir: Un dirigeant d’un syndicat des enseignants de l’Ontario s’oppose à toute mobilisation visant à mettre fin à la réouverture imprudente des écoles)

Les syndicats de l’éducation ont plutôt adopté une stratégie consistant à plaider auprès de la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), notoirement hostile aux travailleurs, pour qu’elle examine de près la volonté du gouvernement Ford de rouvrir les écoles. L’intention de l’appel était de démobiliser les enseignants et de les empêcher de prendre des mesures militantes et indépendantes contre le gouvernement.

Montrant son manque d’intérêt pour la vie des élèves et des enseignants, la CRTO a attendu un mois entier avant d’annoncer qu’il rejetait l’appel des syndicats pour des raisons techniques, sans même examiner son contenu. Les syndicats ont répondu en ordonnant à leurs membres de se conformer à la décision de la CRTO, qui stipule que les enseignants doivent déposer des plaintes individuelles sur les conditions dangereuses dans des écoles individuelles et même dans des salles de classe individuelle. Et ce, face à un virus mortel qui pose la même menace partout au Canada et dans le monde. Le résultat final de cette farce a été que les écoles sont restées ouvertes, jouant un rôle central dans la deuxième vague mortelle de la pandémie, qui a fait plus de 10.000 victimes au Canada.

En janvier, les syndicats ont commencé à publier des déclarations soutenant les efforts de Ford et du ministre de l’Éducation Stephen Lecce pour rouvrir les écoles de la province, après que l’augmentation massive des infections en décembre ait obligé le gouvernement à retarder leur réouverture après les vacances des fêtes. Dans un communiqué de presse, la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario (FEEO) s’est plainte que le gouvernement Ford n’ait pas rendu obligatoire le port du masque pour les élèves de la première à la troisième année, avant d’entrer dans le vif du sujet: «Pour rouvrir les écoles en toute sécurité, et pour qu’elles restent ouvertes, ce qui est l’objectif de tous, la province doit donner la priorité à la sécurité plutôt qu’à la démagogie politique». En d’autres termes, même si le syndicat savait pertinemment que la reprise de l’enseignement en personne risquait d’entraîner une augmentation catastrophique du nombre de cas, il s’est rangé du même côté que le gouvernement de droite de Ford en exigeant non seulement la réouverture des écoles, mais en insistant sur le fait que le maintien de leur ouverture au milieu d’une pandémie dévastatrice devait être l’«objectif».

Pour sa part, la FEESO a concentré ses critiques non pas sur la réouverture téméraire des écoles par le gouvernement Ford, mais sur son incapacité à présenter les indicateurs et les données utilisés pour justifier un retour à l’enseignement en personne. Le 4 février, elle a publié une déclaration proposant un «retour complet et sécuritaire à l’apprentissage en personne», ce qui est une tâche impossible pendant une pandémie qui fait rage.

Le rejet cavalier des avis scientifiques par l’élite dirigeante est motivé par sa détermination à protéger les profits corporatifs à tout prix, même si cela exige de sacrifier des milliers de vies supplémentaires. Le gouvernement libéral fédéral et les gouvernements provinciaux de toutes tendances politiques ont injecté des sommes pratiquement illimitées dans les marchés financiers, les banques et les grandes entreprises, tout en privant le système de santé de ressources et en refusant de fournir aux travailleurs non essentiels et à leurs familles le soutien dont ils ont besoin pour s’abriter chez eux jusqu’à ce que la propagation du virus soit freinée.

Une réponse à la pandémie basée sur la science et l’évitement d’une troisième vague et de nouvelles morts en masse dépend de la mobilisation de la classe ouvrière. Les travailleurs doivent intervenir de manière indépendante pour lutter en faveur d’un programme politique qui place les vies humaines avant le profit privé.

Afin de lutter pour ce programme parmi les enseignants, le World Socialist Web Site a contribué à la création du Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base, indépendant des syndicats procapitalistes et en opposition à eux. Ce comité lutte pour la fin de tout enseignement en personne jusqu’à ce que la pandémie soit maîtrisée, pour la fermeture de toutes les entreprises non essentielles et le versement d’un salaire complet à tous les travailleurs et parents.

(Article paru en anglais le 19 mars 2021)

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