Le Mexique fait état de 417.002 décès excédentaires pendant la pandémie

Samedi, le ministère mexicain de la Santé a publié un rapport qui reconnaît que le nombre de décès dus au COVID-19 est au moins 60 pour cent plus élevé que le nombre officiel de 201.623 décès. Le pays a confirmé 2,23 millions de cas, qui sont aussi largement sous-évalués.

Le ministère a constaté qu’entre le 20 décembre 2019 et le 13 février 2021, le Mexique a enregistré un total de 417.002 décès excédentaires, c’est-à-dire, un nombre de morts supérieur à ceux «attendus» sur la base des moyennes hebdomadaires de 2015 à 2019. L’étude a utilisé des «recherches de mots» dans les certificats de décès «lorsque cela est possible» qui «mentionnent des mots tels que COVID-19, SARS-Cov-2, Coronavirus, entre autres». Cela combiné avec une extrapolation algorithmique, le rapport estime que 294.287 de ces décès excédentaires sont «associés au COVID-19».

Sur cette photo d’archives du 29 avril 2020, Aurora Azamar réagit après avoir appris que sa mère est décédée, vraisemblablement de complications liées au coronavirus, devant un hôpital public du quartier d’Iztapalapa à Mexico. Alors que le Mexique approche les 200.000 décès officiellement confirmés par les tests de dépistage du COVID-19, le nombre réel de décès est probablement plus élevé en raison du taux extrêmement faible de dépistage dans le pays. (AP Photo/Fernando Llano)

Depuis le 13 février, le gouvernement a confirmé 28.419 décès supplémentaires, ce qui porte le total à 322.706. Cela fait du Mexique le deuxième pays au monde, après les États-Unis, où le nombre de décès est le plus élevé.

Bien que ce chiffre soit supérieur aux 312.206 décès confirmés dus au COVID-19 au Brésil, les hôpitaux et les morgues du pays sont débordés depuis des semaines et d’innombrables décès dus au COVID-19, en particulier dans les bidonvilles et les zones reculées, ne sont pas non plus enregistrés.

L’ingénieur mexicain, Alejandro Cano, a constaté que si le Mexique avait maintenu la même surmortalité par habitant que le Brésil – dont la population est supérieure de 60 pour cent – environ 232.000 personnes seraient encore en vie au Mexique.

Des centaines de milliers de vies ont été sacrifiées pour défendre les fortunes et les profits colossaux des oligarchies financières et des sociétés du monde entier. Cela est vrai aussi bien sous le gouvernement du président fasciste brésilien Jair Bolsonaro que sous le gouvernement prétendument de gauche du président Andrés Manuel Lopez Obrador (AMLO) au Mexique.

La reconnaissance d’un sous-dénombrement massif est un aveu de la classe dirigeante d’une préméditation criminelle dans ce que le British Medical Journal a défini avec justesse comme un meurtre social. Tout en refusant d’augmenter les niveaux de dépistage, l’élite dirigeante mexicaine a utilisé des chiffres officiels bidon pour justifier des réouvertures prématurées.

Malaquías López, membre du groupe de travail sur le coronavirus à l’Université autonome de Mexico (UNAM), a déclaré dans un interview avec le quotidien Reforma dimanche: «Nous ne savons pas quel est le véritable sous-dénombrement, car tous les rapports sont impossibles à interpréter… Nous pourrions même ajouter à ces cas les 182.301 enregistrements confirmés par le système de surveillance épidémiologique [mais non testés] qui n’ont pas été inclus dans le bilan excédentaire: nous pourrions parler d’un chiffre plus proche de 500.000 décès. Ce nombre est brutal».

La Dre Laurie Anne Ximénez-Fyvie, professeur à l’UNAM, a convenu que le nouveau rapport sous-estime encore le véritable bilan et a prévenu sur Twitter: «Maintenant, nous craignons qu’une troisième vague arrive bientôt. Si ce qui se passe au Brésil et dans d’autres parties du monde est un indicateur de ce qui nous attend – et il n’y a aucune raison de croire le contraire – nous avons des semaines et des mois difficiles devant nous».

Face à une vague potentiellement plus meurtrière, le Mexique dispose d’un niveau de protection négligeable des vaccins COVID-19. Il a administré 6.724.789 doses, ce qui signifie que moins de trois pour cent de la population a été entièrement vaccinée.

En comparaison, aux États-Unis on a injecté 143 millions de doses, où le président démocrate Joe Biden a poursuivi la maxime de «l’Amérique d’abord» de son prédécesseur fasciste Donald Trump. Le chef de l’Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a qualifié cette accumulation égoïste de vaccins de «scandale moral», car on laisse les travailleurs de la santé et les personnes âgées des pays pauvres tomber malades, propager le virus et mourir.

Ghebreyesus a expliqué que cette accumulation égoïste des vaccins est «du point de vue économique et épidémiologique vouée à l’échec», étant donnée la nécessité de lutter contre la pandémie à l’échelle mondiale et d’empêcher l’apparition de variants résistants aux vaccins.

Un nouveau variant, également présent aux États-Unis, en Europe et en Afrique, s’est déjà répandu comme une traînée de poudre au Mexique. Le pays a signalé que 87 pour cent de ses cas étudiés en février correspondaient au variant «B.1.1.222» du virus qui a été détecté pour la première fois dans le pays en octobre.

Après avoir refusé de partager ses vaccins avec le Mexique, le gouvernement Biden a accepté d’envoyer 2,7 millions de doses de son stock de vaccin AstraZeneca, qui n’a pas encore reçu l’approbation aux États-Unis. En échange, le gouvernement López Obrador a accepté d’augmenter le déploiement de la Garde nationale et des troupes de l’armée à sa frontière avec le Guatemala. Pour bloquer les réfugiés et les migrants d’Amérique centrale qui cherchent à atteindre les États-Unis.

Le gouvernement Lopez Obrador a refusé de faire des efforts sérieux pour contenir la pandémie. Un bref ordre d’arrêt des activités non essentielles entre avril et mai n’a été appliqué que par les travailleurs eux-mêmes qui ont mené une vague de grèves sauvages qui ont entraîné des milliers de licenciements dans les usines à capitaux majoritairement étrangers situées à la frontière avec les États-Unis.

Après la réouverture des usines américaines par le gouvernement Trump, AMLO a accepté de déclarer toutes les activités manufacturières «essentielles», tout en permettant aux sociétés et aux syndicats de dissimuler les épidémies dans les usines.

En conséquence, les exportations mexicaines – qui consistent principalement en produits manufacturés envoyés aux États-Unis – ont été plus élevées entre septembre et décembre 2020 que l’année précédente, et elles devraient faire un bond de 9 pour cent pour toute l’année 2021.

Le confinement non appliqué a été remplacé par un système sémaphore de niveaux d’alerte, mais le gouvernement López Obrador a été démasqué pour avoir communiqué de fausses données afin d’empêcher ou de reporter les arrêts de production.

Même lorsque des restrictions étaient appliquées, elles n’étaient accompagnées d’aucun programme d’aide économique. Cela a contraint les propriétaires de petites entreprises et les travailleurs informels à s’exposer eux-mêmes et d’autres personnes à des infections pour éviter de souffrir de la faim.

Les écoles publiques sont restées fermées, mais 56 pour cent des élèves n’ont pas eu accès aux cours en ligne. Le gouvernement a refusé d’investir pour fournir des ordinateurs et un accès à Internet aux étudiants.

Le manque d’aide est motivé, d’une part, par l’intérêt de la classe dirigeante à réduire les dépenses sociales afin d’assurer le service de la dette aux vautours financiers. D’autre part, la menace de perte de revenu ou d’aide est utilisée pour forcer les travailleurs à risquer leur vie sur des lieux de travail dangereux.

En conséquence, d’innombrables familles parmi les plus pauvres ont perdu des êtres chers, ainsi que leurs sources de revenus. Le ministère de la Santé a indiqué que l’âge moyen des victimes du COVID-19 est de 55 ans, soit environ 20 ans de moins qu’aux États-Unis.

Selon une étude récente de la «London School of Economics» pour la ville de Mexico – l’épicentre de la pandémie dans le pays – les quartiers, ou «colonias», où le nombre de cas par habitant est le plus élevé sont «Álvaro Obregón» et «Milpa Alta», deux des quartiers les plus pauvres. La prévalence du coronavirus était cinq fois plus élevée dans les «colonias» les plus pauvres.

Dans le même temps, l’agence gouvernementale Coneval rapporte qu’en 2020, le Mexique a vu 9,8 millions de personnes passer sous le seuil de pauvreté. Cela porte le nombre total de Mexicains officiellement définis comme pauvres à 70,9 millions de personnes, soit 56,7 pour cent de la population.

En avril dernier, le WSWS notait déjà que «l’alternative est le système capitaliste et la mort, ou le socialisme et la vie». Des centaines de milliers d’autres personnes mourront au Mexique et dans le monde si les travailleurs ne se libèrent pas de tous les partis et syndicats procapitalistes et nationalistes. Les travailleurs doivent lutter pour une réponse scientifiquement guidée pour contenir et éradiquer la pandémie.

(Article paru en anglais le 30 mars 2021)

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