Un décès de Covid, des dizaines infections à l’usine Stellantis à Poissy

Dans l’usine Stellantis (ex-PSA) de Poissy (Yvelines) les arrêts se multiplient depuis la semaine dernière suite au décès par le Covid-19 d’un employé de la chaîne de 48 ans, le troisième depuis le début de la pandémie. Une cinquantaine de travailleurs de Poissy seraient atteints du Covid-19 sur les 3.500 que compte l’usine.

Le site a reçu hier une visite de l’Inspection du travail. Les arrêt-maladie sur le site de Poissy se sont multipliés, les travailleurs craignant pour leurs vies. Depuis le début de la pandémie trois personnes sont décédées à Poissy, et ce chiffre risque de monter avec l’augmentation actuelle des cas de Covid-19 à travers l’Europe.

Sollicitée par le site 78actu, la direction dément l’existence d’un foyer épidémique: « Nous appliquons le protocole de mesures renforcées qui a été mis en place avec les organisations syndicales et qui a démontré son efficacité depuis le printemps dernier. La situation sanitaire régionale fait que certaines personnes sont concernées par la Covid, mais nous n’avons pas de cluster sur le site. Dans ce contexte et pour assurer la protection de nos salariés nous nous concentrons sur la poursuite de l’application rigoureuse de notre protocole de mesures renforcées au quotidien ».

Les mesures sanitaires limitées prises par la direction ont encouragé ce cluster. Il semblerait, selon les déclarations des syndicalistes, que le nombre de personnes contaminées puisse être bien plus important que celui donné par les syndicats et la direction. La CGT, qui parle d’un « cluster » et qui tient sa propre comptabilité des cas de Covid, dénombre actuellement cinquante salariés malades du Covid-19, principalement des ouvriers à la chaîne, et près de vingt cas contacts identifiés contre «30 cas positifs » sur la même période.

Selon Farid Borsali, délégué CGT à l’usine de Poissy, la direction «ne communique pas sur le nombre de malades. Cela permettrait pourtant aux cas contacts de se faire tester et de s’isoler. Mais elle a trop peur que la production s’arrête. Nous n’avons aucune information non plus sur les cas chez les intérimaires et les sous-traitants ».

Ceci pose des questions brûlantes sur la réelle exposition des travailleurs au Covid-19 dans cette usine: combien y a-t-il eu de personnes malades du virus depuis le début de la pandémie, mais aussi pourquoi la direction a-t-elle maintenu la production après le premier décès ?

La responsabilité de la direction du site est claire, mais celle des organisations syndicales est aussi engagée. Les syndicats ont participé à l’élaboration de la politique d’immunité collective de Macron et de l’UE, qui laisse les travailleurs et les jeunes face à un virus mortel par la reprise du travail et la réouverture des écoles. Le but de cette politique réactionnaire est d’assurer à l’aristocratie financière l’accumulation de profits réalisés sur le dos des travailleurs, et souvent au prix de leurs vies, après avoir obtenu des milliards d’euros de de l’UE à travers son plan de relance.

Les syndicats ont organisé et imposé la reprise du travail, dans des conditions sanitaires dangereuses qu’ils ont négociées dans le cadre du « dialogue social » avec l’entreprise. En échange du maintien de la compétitivité des entreprises, les syndicats touchent des fonds liés à la gestion paritaire de l’entreprise rendue possible par les fonds européens, dont ils ont approuvé la formation.

Au début de la pandémie, alors que la Chine était confinée et que les cas en Europe se multipliaient, les syndicats n’ont pas averti du danger imminent afin que l’économie continue de fonctionner. Des grèves sauvages éclataient à travers l’Italie et en Espagne ainsi qu’au Royaume-Uni, mais la CGT a isolé ces luttes et bloqué une lutte des travailleurs contre le gouvernement et les grandes entreprises pour que les ouvriers puissent se mettre à l’abri.

Cette politique d’immunité collective et le rôle joué par les syndicats pour leur application rencontre la colère des travailleurs en France et internationalement, alors que l’arrivée du variant britannique devenu majoritaire, bien plus contaminant et mortel, crée en chaos sanitaire.

A présent, une vague de grèves traverse le monde. Aux Etats-Unis et ailleurs, les enseignants et les autres travailleurs de l’éducation luttent contre le retour à l’enseignement en présentiel. Au Maroc, des affrontements ont eu lieu entre la police et des enseignants. En France et en Grande Bretagne, des manifestations ont éclaté contre les violences policières. Au Brésil, les travailleurs du pétrole ont débrayé et fermé les raffineries pour protester contre les conditions de travail dangereuses et la propagation du virus.

Craignant la montée de la colère sociale et discrédités auprès des travailleurs, les syndicats de l’usine de Poissy se sont sentis obligés de faire l’aveu d’un cluster dans cette usine. Cet aveu fait suite aux révélations faites au lycée Eugène-Delacroix sur Drancy où des enseignants ont réclamé la fermeture de leur établissement après que 20 élèves aient perdu un parent depuis le début de l’épidémie. Des droits de retrait dans l’enseignement se multiplient pour demander l’arrêt des cours en présentiel.

La demande à la direction d’un protocole renforcé dans l’usine n’est qu’une tentative de couvrir leur responsabilité dans ce cluster tout en maintenant le travail. La ligne de la CGT et des autres syndicats reste donc inchangée, et un nouveau protocole pour les travailleurs ne leur donnerait aucune garantie de travailler en sécurité. La CGT et les autres syndicats n’ont aucune intention de protéger les travailleurs mais d’assurer les intérêts du groupe détenant l’usine.

Le mouvement des « gilets jaunes » a souligné que de larges sections de travailleurs regardent avec méfiance les appareils syndicaux et veulent s’organiser indépendamment d’eux. C’est cette nécessité qui s’impose internationalement aux travailleurs de l’automobile. En 2015, les travailleurs de Poissy ont parlé au WSWS pour exprimer leur soutien au rejet du contrat Fiat-Chrysler soutenu par le syndicat United Auto Workers (UAW), les travailleurs de l'automobile aux États-Unis.

Questionné sur la nécessité de mener une lutte internationale indépendamment des syndicats, Karim a exprimé son accord: « C'est très important ce que vous me dites là », a-t-il dit. « A partir du moment où tu vois la CGT, FO, CFTC, tout ça, ils te donnent l'impression – ce n'est pas une impression, pour moi c'est une vérité – ils ne travaillent pas ces gens-là, ils défendent leur intérêt à eux. Ils sont là, ils se promènent dans l'usine boire le café et tout ça, ils ne sont pas là pour nous défendre nous, ils sont là pour défendre le patron ».

Le cluster souligne aussi la faillite des organisations de la pseudo gauche qui soutiennent que les travailleurs doivent se fier aux syndicats pour organiser la lutte et négocier des protocoles renforcés.

Les travailleurs de Poissy et plus largement les travailleurs en France et internationalement sont engagés dans une lutte pour se protéger d’un virus mortel, contre l’aristocratie financière et leurs serviteurs dans la bureaucratie syndicale. Les travailleurs doivent lutter pour un confinement et l’arrêt des secteurs non essentiels de l’économie, guidés par une politique sanitaire scientifique et financée publiquement. Pour cela les travailleurs ont besoin de créer leurs propres organisations de lutte, et un mouvement politique socialiste visant à transférer le pouvoir à la classe ouvrière.

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