Malgré l’emballement de la contagion, Macron rejette les appels à un confinement strict

Lors d’une allocution télévisée hier soir, Emmanuel Macron a rejeté des appels urgents des autorités sanitaires à un confinement strict, alors que la pandémie explose hors de contrôle en France. Il a annoncé quelques mesures limitées de distanciation sociale qui seront totalement inadéquates alors que les variants du coronavirus se propagent à travers la France et l’Europe.

Pendant une semaine, lundi, les écoles fermeront et l’enseignement se fera en distanciel, puis il y aura deux semaines de vacances. Après ces vacances, les écoliers reviendront en présentiel, les collégiens et lycéens continueront en distanciel pendant une semaine. Les travailleurs qui devront rester chez eux garder les enfants pendant cette période recevront une aide financière de l’État.

Macron étend aussi à l’ensemble du territoire français des mesures imposées il y a deux semaines dans 20 départements, dont Paris: fermeture des magasins vendant des produits non-essentiels et interdiction de s’éloigner de plus de 10km de son domicile, sauf pour aller au travail ou à l’école.

Ainsi, avec un mépris caractérisé pour les vies humaines, Macron a rejeté les avertissements des scientifiques que seul un confinement strict empêcherait le débordement des hôpitaux à Paris et ailleurs. Il y a entre 30.000 et 45.000 cas journaliers en France, et moins de 5 pour cent des Français sont entièrement vaccinées contre le coronavirus. Ceci imposera aux médecins la nécessité barbare de faire le tri entre les patients qu’ils tenteront de sauver et ceux que, faute de place, ils laisseront à leur sort. Il y aura des milliers de morts évitables.

Le jour avant l’allocution de Macron, Patrick Bouet, chef du Conseil national de l’Ordre des médecins, a adressé une lettre à Macron publiée dans Libération. Il a écrit, «face à une situation terriblement grave, s’impose à nous la nécessité de mesures plus strictes, et donc d’un vrai reconfinement partout où c’est nécessaire.» Il a ajouté: «nous avons perdu le contrôle de l’épidémie. Les patients de plus en plus jeunes, la contamination dans les écoles sont autant d’indicateurs marquants de cette dégradation continue de la situation depuis plusieurs semaines.»

Bouet a cité les avertissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). 1.484 lits en réanimation, soit 90 pour cent, sont occupés. Mais selon l’AP-HP, sans un confinement strict à partir d’aujourd’hui, il y aurait plus de 3.400 patients en réanimation en Île-de-France d’ici trois semaines. L’AP-HP a ajouté qu’attendre une semaine de plus avant le confinement ajouterait 1.000 patients de plus en réanimation avant la fin avril.

«La vie ne peut plus aujourd’hui supporter aucun arbitrage, aucune hésitation, aucun pari», a écrit Bouet, pour conclure: «je vous demande solennellement de renforcer sans attendre et clairement, nettement, sans détour, les mesures sanitaires. Elles peuvent encore permettre de limiter un embrasement général sur tout le territoire. Monsieur le Président, en attendant que nous soyons massivement vaccinés, partout où la situation est grave, il nous faut nous confiner.»

Mais Macron a adopté des mesures permettant au virus de se propager, faisant fi des conseils scientifiques.

Le 17 mars 2020, après des débrayages spontanés en Italie qui se sont répandus à travers l’Europe et l’Amérique, les autorités françaises ont dû approuver un confinement strict pendant 2 mois. Il y avait moins de 8.000 cas confirmés et 175 morts de COVID-19 en France. Aujourd’hui, il y a eu plus de 4,3 millions de cas et plus de 95.000 morts.

Mais Macron impose non pas un confinement strict mais un autre vrai-faux confinement, sans fermeture totale de la production industrielle non-essentielle ou des écoles, pour moins d’un mois.

Tout en ignorant la parole des autorités sanitaires, le gouvernement Macron anticipe une vaste vague de morts qui traversera la France et l’Europe. Il compte doubler le nombre de lits en réanimation en France pour le faire passer à 10.000, tout en formant de nouvelles infirmières. En même temps, il se prépare à distribuer de l’oxygène aux malades graves à domicile et les laisser à leur sort, à part ceux que des visites ponctuelles d’infirmières libérales surmenées pourront sauver.

Le nombre de classes fermées pour cause d’infection explose. Vendredi, l’Éducation nationale rapportait 3.256 classes de fermées, 1.238 de plus qu’il y a une semaine. La maire PS de Paris, Anne Hidalgo, a rapporté que l’incidence du virus parmi les jeunes d’entre 15 et 18 ans est de 800 par 100.000, bien plus que celle dans la population générale.

En Seine-Saint-Denis, sans initiative des syndicats, des professeurs individuels ont fait valoir leur droit de retrait pour refuser d’aller travailler et ainsi fermer des écoles, notamment au lycée Eugène Delacroix, où au moins 20 parents d’élève sont morts de COVID-19.

Macron n’a même pas tenté de réconcilier sa décision de fermer brièvement les écoles avec les déclarations répétées par ses ministres que fermer les écoles ne limite pas la propagation du virus. Vendredi, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer refusait d’avancer les vacances scolaires «parce qu’il n’est pas démontré que ça améliore la situation sanitaire.»

Comme l’empereur Néron qui jouit du violon pendant que Rome brûlait, Macron s’est félicité pendant son allocution de sa gestion, en fait désastreuse, de la pandémie: «Depuis le début de cette année nous avons opté pour une réponse qui visait à freiner l’épidémie sans nous confiner.» Il a salué son propre gouvernement pour avoir pris «en compte les conséquences des restrictions sur nos enfants, et leur éducation, sur l’économie, la société, la santé mentale...».

En fait, la politique de Macron et de toute l’Union européenne (UE) fait passer les profits avant la vie, avec des conséquences désastreuses. En janvier, les deux-tiers des Français s’attendaient à un confinement pour casser la transmission du virus, et les médecins appelaient à une politique stricte de distanciation sociale. Mais Macron a insisté pour rejeter un confinement strict.

Le cours des événements ont depuis démasqué les excuses de Macron pour cette politique de garder les travailleurs au travail, et les jeunes à l’école pour faire croître les profits des banques. Cette politique, prônée et mise en œuvre par tous les gouvernements européens, n’a pas «freiné» le virus. La contagion en France est passée d’environ 10.000 cas par jour fin décembre au triple aujourd’hui.

L’argument que cette politique d’«immunité collective» sauve l’économie est un mensonge. Des pays dont la Chine, Taïwan et le Vietnam ont utilisé des procédures scientifiques strictes, avec confinements et traçage des cas, pour limiter la propagation du virus. Le Viet-nam, avec 96 millions d’habitants, a vu 35 morts et a vu une croissance économique de 2 pour cent en 2020.

La France, avec 67 millions d’habitants, pleure presque 100.000 morts et, avec le reste de l’Europe, est enfoncée dans sa plus grande crise sociale et économique depuis la dépression des années 1930. L’UE s’est servie de la pandémie pour accorder un sauvetage de €1.250 milliards pour les banques et de €750 milliards aux États et aux grandes entreprises. Une aristocratie financière parasitaire se gave de sommes massives d’argent public, tout en laissant mourir des masses de gens.

Le désastre en France dévoile la faillite du capitalisme européen. Il faut regarder la situation en face: non seulement les banques et le gouvernements, mais aussi les appareils syndicaux et leurs alliés politiques petit-bourgeois, les partis de pseudo-gauche, ont servi d’alliés à Macron dans sa politique de garder les écoles ouvertes. Ayant signé le sauvetage européen des banques, les syndicats ont isolé les grèves des enseignants l’automne passée contre la reprise en présentiel, permettant aux CRS d’écraser la grève. 

Le discours de Macron est un avertissement: empêcher une montée horrifiante de la mortalité en France et à travers l’Europe nécessite une mobilisation internationale des travailleurs. La situation n’est pas désespérée: on peut fermer les écoles et la production non-essentielle et fournir un revenu décent aux travailleurs et aux petits entrepreneurs jusqu’à ce que la population soit vaccinée et la circulation du virus retombée. Un investissement de masse permettrait aux enseignants de fournir un programme performant d’études en distanciel aux jeunes.

Une lutte pour de telles politiques ne peut pourtant être organisée qu’indépendamment des appareils syndicaux, en tant que mouvement politique international pour exproprier l’aristocratie financière et transférer le pouvoir, y compris le contrôle de la politique sanitaire, aux travailleurs.

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