La police et le gouvernement britanniques intensifient la répression envers les manifestations contre le projet de loi sur la police

Des manifestants ont été brutalement attaqués par la police lors des manifestations de milliers de personnes qui se sont tenues pour le deuxième week-end consécutif dans des villes du Royaume-Uni contre le projet de loi draconien sur «La police, la criminalité, les peines et les tribunaux».

Le projet de loi doit passer en troisième lecture au Parlement lundi et devrait revenir au Parlement en juin pour les dernières étapes avant de devenir une loi. Compte tenu de la majorité de 80 sièges des conservateurs, le Parlement adoptera le projet de loi.

Les manifestations et les manifestants sont régulièrement qualifiés de «violents», mais c’est la police qui exerce la véritable violence contre ceux qui défendent leur droit de manifester: un droit qui risque d’être supprimé si la loi est promulguée.

La police attaque des manifestants et la presse à Bristol, le 26 mars 2021

Jeudi, on a découvert que les affirmations de la police selon lesquelles des policiers avaient été blessés par des manifestants, principalement jeunes, lors des manifestations de la semaine dernière, étaient des mensonges. Lundi dernier, la police d’Avon et Somerset, qui supervise le maintien de l’ordre à Bristol, a publié une déclaration affirmant que «20 agents au total ont été agressés ou blessés et deux d’entre eux ont été emmenés à l’hôpital après avoir subi des fractures. L’un d’entre eux a également eu un poumon perforé».

Cette déclaration a été utilisée par le gouvernement et les médias, qui s’en font l’écho, pour exiger que les manifestants soient confrontés à la pleine force de la loi, la police promettant des arrestations en masse.

Mercredi, une autre déclaration d’Avon et Somerset a admis que «suite à une évaluation médicale complète des deux policiers emmenés à l’hôpital, aucun n’a souffert de fractures confirmées.» Le chef de l’Avon et du Somerset, Andy Marsh, a admis qu’aucun policier n’avait eu de poumon perforé.

Bristol est au centre des protestations, avec une troisième manifestation organisée vendredi soir. Environ 1.000 personnes, principalement des jeunes, se sont rassemblées à College Green et ont manifesté pacifiquement dans le centre-ville.

Après qu’une phalange de policiers antiémeute munis de boucliers et de matraques a empêché la manifestation d’aller devant le poste de police de Bridewell, les manifestants ont organisé une protestation assise dans le quartier de Haymarket. Une ligne de quatre rangs de policiers antiémeute se tenait entre eux et le commissariat. Vers 22 h, des escadrons de la police antiémeute, y compris des policiers à cheval et avec des chiens, ont dispersé la foule. Face aux assauts répétés de la police, ils ont scandé «nous sommes pacifiques, et vous, qu’est-ce que vous êtes?».

L’opération brutale qui a duré bien plus de deux heures a inclus l’utilisation de charges de la police montée et la police a procédé à 10 arrestations. Les images de téléphones portables diffusées sur les médias sociaux montrent des policiers qui attaquent des personnes sans défense avec des boucliers antiémeute et frappant d’autres personnes avec des matraques. Une manifestante a reçu le coup de poing d’un policier au visage. Un homme allongé dans un caniveau, qui semblait être à peine conscient, a été attaqué et traîné dans la rue par la police.

Une jeune femme, Jasmine York, a été attaquée quelques jours seulement après avoir été blessée par la police le dimanche précédent, notamment par un chien policier et un coup de matraque. Jasmine York a déclaré au Guardian: «Une policière m’a bousculée avec son bouclier et j’ai trébuché. Je suis tombée sur le sol et je me suis retrouvée sur le dos. Mon téléphone et mes clés sont sortis [de ma poche]. J’avais les genoux jusqu’à la poitrine et les bras au-dessus de la tête. J’avais deux femmes policières à ma gauche qui utilisaient leurs boucliers pour me frapper, et deux hommes à ma droite et ils me frappaient avec des matraques.»

Des policiers antiémeute se déchainent à Bristol, le 26 mars

Un journaliste du Daily Mirror, Matthew Dresch, a subi une attaque brutale dont il publié la vidéo sur Twitter avec le commentaire suivant: «La police m’a agressé lors de la manifestation de Bristol alors que je leur avais dit que j’étais de la presse.» La séquence a été visionnée près de 2 millions de fois.

Vendredi soir, le premier ministre Boris Johnson et la ministre de l’Intérieur Priti Patel ont encouragé la police. Boris Johnson n’a pas manqué de mentionner le seul feu d’artifice qui avait été lancé contre les rangs de la police pendant les troubles, tout en dénonçant «une foule décidée à faire preuve de violence et à causer des dommages matériels. La police et la ville ont mon soutien total».

L’offensive frénétique de la loi et de l’ordre a été, une fois de plus, soutenue par le maire de Bristol, Marvin Reesdu du Parti travailliste. Il a affirmé à nouveau que des étrangers étaient venus d’autres villes «pour protester ou provoquer des conflits», et a déclaré: «La police d’Avon et Somerset à Bristol a montré qu’elle était capable de bien gérer les protestations et de faire preuve de sensibilité. Elle a développé une forte culture de collaboration avec nos communautés.»

Samedi, les protestations se sont poursuivies avec des manifestations à Sheffield, Manchester, Nottingham, Bradford, Brighton, Bath, Falmouth et Cardiff. Jusqu’à 1.000 personnes ont manifesté à Sheffield. Ils se sont rassemblés d’abord à Devonshire Green avant de défiler dans le centre-ville et de s’asseoir dans la rue devant le poste de police principal de Snig Hill et l’hôtel de ville de Pinstone Street.

À Manchester, des centaines de personnes ont manifesté sur la place St-Peter de la ville, s’asseyant et bloquant les trams à cet endroit et dans le quartier de Piccadilly Gardens. La police du Grand Manchester a expulsé les manifestants par la force et arrêté 18 personnes âgées de 17 à 27 ans. L’observatrice juridique Ciara Bartlam, avocate, a déclaré au Manchester Evening News: «Ils [la police] ont dit aux manifestants de bouger et à ce moment-là, dès que l’ordre a été donné de bouger, les agents ont commencé à agir brutalement et ont poussé les manifestants assez violemment: en les attrapant, en les soulevant, en les jetant hors des voies…»

Comme il l’a fait la semaine dernière lorsque la police a affronté des manifestants opposés au projet de loi sur la police et lorsqu’il s’est prononcé en faveur de la dispersion par la police d’une petite manifestation de travailleurs du National Health Service au début du mois, le maire travailliste du Grand Manchester, Andy Burnham, a déclaré: «La GMP a dû gérer une situation difficile avec prudence et nous n’avons pas assisté à une répétition des scènes observées dans d’autres parties du pays récemment».

Parmi les cercles dirigeants, on s’inquiète du recours aussi transparent à des mesures autoritaires de crainte que cela n’enflamme les tensions sociales et politiques et ne mette à nu le rôle de la police en tant qu’instrument de répression étatique dirigé contre la classe ouvrière.

Michael Barton, responsable des opérations de lutte contre la criminalité sur le plan national et chef de la police de Durham jusqu’en 2019, a déclaré au Guardian que les nouvelles lois pourraient donner lieu à une «police paramilitaire». Il a ajouté: «Je ne suis pas favorable à des mesures encore plus restrictives. Après un couvre-feu d’un an sans précédent dans l’histoire, en temps de paix, le gouvernement pourrait certainement faire preuve d’un peu de bon sens voire de gratitude pour cette incroyable tolérance, afin de permettre aux libertés civiles de s’épanouir à nouveau. Ou bien sont-ils heureux d’être liés aux régimes répressifs qui font l’étalage de leur force à travers leur police?»

Les pouvoirs prévus par le projet de loi sur la police «vont dangereusement dans le sens» d’une «force de police de type paramilitaire». S’il est adopté, «les chefs de la police seront considérés comme les arbitres de ce qui est autorisé ou non en matière de protestation».

Sir Peter Fahy, l’ancien chef de la police du Grand Manchester, a évoqué le cas de Ricky Tomlinson, l’un des 24 ouvriers du bâtiment de Shrewsbury piégés par la police pour leur rôle dans une grève nationale en 1972, au milieu d’une période d’énormes luttes de la classe ouvrière qui s’est terminée par la chute du gouvernement conservateur de Heath. La semaine dernière, après presque 50 ans, les 24 travailleurs ont vu leur condamnation annulée. Fahy a déclaré que le projet de loi sur la police était «à court terme et motivé par des considérations politiques», ajoutant: «Il s’agit d’une réaction à ce qui s’est passé avec [les manifestations] Extinction Rebellion et Black Lives Matter, de la même manière que le cas Ricky Tomlinson était une réaction aux conflits industriels des années 1970. La police a dû adopter une certaine attitude et une certaine image».

«Cela me rappelle la grève des mineurs [de 1984-1985], lorsque la police a été mobilisée pour une raison politique. Il a fallu beaucoup de temps à la police pour s’en remettre… Le maintien de l’ordre dans les manifestations peut causer des dommages à long terme.»

(Article paru en anglais le 29 mars 2021)

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