Le COVID-19 se répand de plus en plus vite en Europe dans un contexte de déploiement chaotique du vaccin

Les décès dus au coronavirus montent en flèche en Europe où on a dépassé les 900.000 morts à la mi-mars ; plus de 39 millions de cas ont été enregistrés. Le Royaume-Uni affiche le nombre de décès officiel le plus élevé d’Europe, soit 126.615, suivi de l’Italie (108.350), de la Russie (96.413), de la France (95.114), de l’Allemagne (76.139), de l’Espagne (75.199) et de la Pologne (51.932). Ces chiffres représentent un sous-dénombrement important, car les statistiques de surmortalité font état de chiffres nettement plus élevés.

Depuis la mi-février, presque tous les pays du continent ont connu une augmentation rapide du nombre de cas et de décès quotidiens. La semaine dernière, près de 25.000 personnes sont mortes du virus en Europe, ce qui représente le total le plus élevé sur sept jours en un mois. L’Europe est en passe d’atteindre le million de décès avant la fin du mois d’avril, devenant ainsi le premier continent à franchir ce cap.

La chancelière allemande Angela Merkel et le président français Macron lors du sommet européen à Bruxelles le 17 juillet [Crédit: Stéphanie Lecocq/Pool via AP].

Le bilan imminent d’un million de morts est une condamnation sans appel de toute la bourgeoisie européenne. Ouvertement ou non, les gouvernements de toute l’Europe ont poursuivi la même stratégie d’«immunité collective», forçant les travailleurs à retourner dans les usines et les bureaux et les enfants à retourner à l’école afin de maintenir les profits des grandes entreprises. Seule une infime partie de la population européenne a pu se faire vacciner. Des centaines de milliers de personnes vont mourir inutilement, l’élite dirigeante s’obstinant à rejeter les mesures de confinement qui permettraient de sauver les vies.

L’Europe centrale et orientale est actuellement la plus touchée. Vendredi dernier, la Pologne et la Hongrie ont toutes deux enregistré le plus grand nombre d’infections au COVID-19 en une journée: 35.145 et 11.265, respectivement. Samedi, l’Ukraine (29.458 nouveaux cas) et la Serbie (9.722) ont enregistré un nombre record d’infections quotidiennes.

La semaine dernière, l’Ukraine et la Hongrie ont connu leur plus grand nombre de décès dus au coronavirus, avec 2.057 et 1.710 décès enregistrés sur une période de sept jours. La Serbie, dont la population est inférieure à 7 millions d’habitants, a signalé samedi un nombre record de 76 décès.

La France elle aussi particulièrement touchée, l’explosion des cas submerge les hôpitaux du pays. Environ 90 pour cent des lits des unités de soins intensifs (USI) y sont désormais occupés. Lundi, 4.974 patients se trouvaient dans des unités de soins intensifs, un record depuis avril 2020. Par ailleurs, 28.322 personnes se trouvent actuellement hospitalisées en France en raison du coronavirus.

Les médecins en France exigent un confinement strict. Eric D'Ortenzio, un épidémiologiste à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), a déclaré au Parisien qu'un confinement devrait durer «un mois au minimum». Un autre épidémiologiste a déclaré au même journal que la France devait «confiner strictement, comme en mars 2020, pendant au moins six semaines». Le président Macron devrait annoncer de nouvelles restrictions cette semaine.

Une histoire tout aussi catastrophique se répète à travers l’Europe. L’occupation des unités de soins intensifs dans la capitale grecque d’Athènes a atteint 95 pour cent à la mi-mars.

Le système de santé polonais est poussé à son maximum, avec des hôpitaux tellement pleins que des lits supplémentaires sont installés dans les couloirs. Le 21 mars, la Pologne a atteint le chiffre record de 23.583 patients hospitalisés pour le COVID-19. Le Premier ministre Mateusz Morawiecki a déclaré lors d’une conférence de presse mercredi dernier que son gouvernement allait imposer de nouvelles restrictions avant Pâques.

En Hongrie, près de 12.000 personnes se trouvent hospitalisées avec le COVID-19, de loin le nombre le plus élevé depuis le début de la pandémie. «La majorité des services hospitaliers sont devenus des services COVID. Les services de [soins] intensifs sont surchargés de manière exponentielle. Les salles d’opération ont fermé. Leurs ventilateurs se trouvent occupés par des patients COVID qui luttent pour leur vie», écrit la Chambre hongroise des médecins. «Nous n’avons plus de personnel soignant disponible et les hôpitaux cherchent des volontaires pour les aider.»

La Bulgarie, la République tchèque et l’Estonie ont également connu un nombre record d’hospitalisations à la fin du mois de mars. L’Italie a également connu une forte hausse des hospitalisations, avec près de 31.000 patients atteints de coronavirus hospitalisés au 21 mars.

Pendant ce temps, le déploiement du vaccin se poursuit avec une lenteur extrême. Au 28 mars, seuls 15,79 vaccins par 100 personnes avaient été administrés en Europe, soit un total de 118,2 millions de doses. L’Europe est à la traîne derrière les États-Unis où, selon «Our World in Data», 42,9 vaccins avaient été distribués par 100 habitants.

La distribution des vaccins est très inégale sur le continent et l’on accuse les pays les plus riches d’accumuler les vaccins. En Albanie, l’un des pays les plus pauvres d’Europe, seulement 0,2 pour cent de la population a reçu une seule dose de vaccin.

D’autres pays plus pauvres d’Europe de l’Est et du Sud-Est — l’Ukraine, le Monténégro, la Bulgarie, la Lettonie et la Croatie — ont tous vacciné moins de 2 pour cent de leurs habitants. Si le Royaume-Uni a administré au moins un vaccin à 45 pour cent de sa population, la plupart des pays européens n’ont pas même vacciné un quart de leur population.

La répartition des vaccins entre l’Union européenne et les pays tiers, notamment le Royaume-Uni, suscite des conflits nationalistes croissants. La semaine dernière, les dirigeants de l’UE ont débattu d’une proposition visant à interdire l’exportation de vaccins COVID-19 vers des pays fortement inoculés hors de l’UE comme le Royaume-Uni.

Le différend entre l’UE et le Royaume-Uni tourne essentiellement autour du fabricant de vaccins britannique/suédois AstraZeneca. L’UE a accusé AstraZeneca de ne pas avoir honoré son contrat, le géant pharmaceutique n’ayant pas respecté ses promesses de livraison de vaccins à l’Union européenne. Le gouvernement britannique, quant à lui, a demandé aux dirigeants européens de ne pas empêcher les vaccins ou les composants de vaccins fabriqués dans les installations néerlandaises d’AstraZeneca d’entrer au Royaume-Uni.

Alors qu’un sommet des dirigeants européens a finalement reculé sur la proposition de bloquer les exportations de vaccin, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Emmanuel Macron ont tous deux soutenu le nationalisme en matière de vaccins. À l’issue du sommet, Angela Merkel a déclaré que l’UE devait «subvenir aux besoins de sa propre population».

«Nous sommes, a-t-elle poursuivi, en tant qu’UE, la partie du monde qui ne se contente pas de s’approvisionner elle-même, mais qui exporte aussi vers le reste du monde — contrairement aux États-Unis et à la Grande-Bretagne.»

Macron a été encore plus explicite, déclarant aux journalistes: «Tous les jours, quand je lis la presse d’outre-Manche, ils font un procès contre nous en disant que c’est l’UE qui est égoïste. C’est faux!»

Alors que le Figaro, un journal de droite, se plaint que l’UE participe au programme international de distribution de vaccins Covax et a exporté 21 millions de doses de vaccins vers la Grande-Bretagne sans en recevoir aucune en retour, Macron a déclaré: «C’est la fin de la naïveté… Je soutiens les mécanismes de contrôle des exportations mis en place par la Commission européenne. Je soutiens le fait qu’il faille bloquer toutes les exportations tant que certains laboratoires pharmaceutiques ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis des Européens».

Malgré le manque de vaccins disponibles, la classe dirigeante de toute l’Europe appelle à l’assouplissement des restrictions de confinement cet été, afin d’assurer de gros profits touristiques, quel que soit le coût en vies humaines.

Dimanche, le chef du Groupe de travail sur les vaccins de la Commission européenne, Thierry Breton, a dévoilé un «passeport vaccinal» qui sera délivré aux citoyens européens d’ici la mi-juin. Ce passeport certifiera que son détenteur s’est fait vacciner contre le virus ou qu’il s’en est déjà remis, ce qui lui permettra de voyager librement.

Breton a déclaré: «Ce sera le prix à payer pour avoir une saison touristique qui, je l’espère, sera comparable à celle de l’année dernière, qui n’était finalement pas si mauvaise dans le contexte que nous connaissons.»

En Allemagne, le chef de cabinet de Merkel, Helge Braun, a déclaré au groupe de presse Funke que s’il était «très sceptique» quant à la reprise du tourisme à Pâques, «nous pouvons parler de manière nettement plus détendue des voyages et des loisirs à partir de la Pentecôte [23 mai]». Braun a insisté sur le fait que l’Allemagne pourrait revenir à la normale d’ici l’été si les vaccinations se poursuivent et si aucune nouvelle mutation n’apparaît.

En Espagne, où les recettes du tourisme ont chuté de plus de 75 pour cent par rapport à 2019. L’élite dirigeante appelle à ouvrir le pays aux vacanciers, alors que des restrictions sont en place pour les mouvements des citoyens en Espagne. La semaine dernière, le maire de Malaga, Francisco de la Torre, a appelé les Espagnols à se «sacrifier» dans l’intérêt des bénéfices touristiques. «Nous sacrifions notre propre mobilité pour garantir un espace plus sûr à ceux qui nous rendent visite depuis l’étranger et revigorent notre économie», a-t-il dit.

Au milieu d’une colère généralisée en Espagne, la Commission européenne a été contrainte de demander à Madrid une «cohérence» entre ses restrictions de voyage nationales et internationales liées au coronavirus.

(Article paru d’abord en anglais le 31 mars 2021)

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