La chancelière allemande Angela Merkel: les intérêts économiques priment sur les vies

La présence de la chancelière Angela Merkel au talk-show télévisé «Anne Will» a confirmé que la seule solution à la crise du coronavirus est la mobilisation de larges sections de la classe ouvrière.

Merkel au bureau de la chancelière le mois dernier (Photo AP / Markus Schreiber)

L’émission télévisée d’une heure consistait en une série d’excuses, de paroles rassurantes et de tentatives de faire porter la responsabilité de la crise actuelle aux 16 Länder (provinces) différents de l’Allemagne. La journaliste de télévision Anne Will a donné docilement les signaux appropriés à la chancelière, qui était le seul invité. Au cours du programme, Will s’est abstenu d’aborder la question clé: quels intérêts économiques et sociaux bénéficieraient des politiques pour la pandémie de la chancelière?

À chaque étape de la crise, les politiques des gouvernements fédéral et des Länder allemands ont été caractérisées par un principe: les profits priment sur les vies, les intérêts économiques sont plus importants que la santé de la population. Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU) s’en tient à ce principe dans des conditions où la crise s’aggrave de façon dramatique.

Même les plus proches conseillers de la chancelière mettent désormais en garde contre une catastrophe. «Il y a des signaux très clairs que cette vague pourrait être encore pire que les deux premières vagues», a déclaré Lothar Wieler, président de l’Institut Robert Koch (RKI), l’agence gouvernementale allemande et institut de recherche responsable du contrôle et de la prévention des maladies. Wieler considère qu’une augmentation des nouvelles infections allant jusqu’à 100.000 par jour est possible. D’autres prévisions anticipent 200.000 infections par jour. Cela nécessiterait un confinement strict, a-t-il déclaré. «Nous avons eu un confinement digne de ce nom au printemps de l’année dernière.»

L’expert en santé du Parti social-démocrate (SPD), Karl Lauterbach, a mis en garde contre une augmentation du nombre de décès dus au COVID-19 de 76.000 actuellement à plus de 100.000 en l’absence de contre-mesures immédiates. «Cela ne fonctionnera pas sans un confinement strict», a souligné Lauterbach au journal Tagesspiegel. Il a également critiqué le fait que les milieux politiques berlinois accordaient trop peu d’attention aux conséquences à long terme du virus. Cela affecte «jusqu’à dix pour cent des personnes infectées, c’est-à-dire jusqu’à 250.000 personnes actuellement». «La troisième vague est sous-estimée politiquement et médicalement», a-t-il ajouté.

De son côté, Merkel tentait de gagner du temps. «J’y pense encore»; «Je n’ai pas fini d’y réfléchir jusqu’au bout»; «Nous allons l’examiner maintenant, puis, si nécessaire, nous devrons équilibrer toutes les options d’action»; si quelque chose n’arrive pas «dans un avenir proche», elle «devra réfléchir à la manière dont cela pourrait peut-être être réglementé à l’échelle nationale»: c’est la formule qu’elle répète.

Merkel a promis aux entreprises, qui n’ont jamais fait l’objet d’un confinement et peuvent décider elles-mêmes si elles testent ou non les employés, qu’elle évaluerait leur conduite pendant quelques jours encore. Si elle n’était toujours pas satisfaite, elle envisagerait de réviser la réglementation du pays en matière de protection dans le droit du travail.

Traiter la vie des travailleurs comme des animaux envoyés à l’abattoir: c’est le modèle qui a déterminé la politique de coronavirus du gouvernement allemand depuis le début. Le gouvernement n’a vraiment changé de stratégie qu’après avoir injecté des centaines de milliards de dollars dans les grandes entreprises et les marchés financiers. D’innombrables travailleurs ont perdu leur emploi et leurs revenus, les travailleurs indépendants, les artistes et les petites entreprises ont été ruinés tandis que les marchés boursiers ont enregistré des sommets historiques. Les grandes entreprises allemandes telles que Daimler, VW et BMW ont versé des milliards de dividendes.

Pour que les entreprises réalisent des profits, les écoles et les crèches ont été maintenues ouvertes pour «permettre» aux parents de travailler. Pendant près d’un an, les médias, les politiciens et quelques universitaires douteux ont répandu le mythe selon lequel les enfants et les jeunes ne pouvaient pas propager le virus, bien que des scientifiques sérieux aient depuis longtemps prouvé le contraire. Le journal Bild a organisé une violente campagne de dénigrement contre le virologue de l’hôpital de la Charité Christian Drosten, qui avait publié une étude à cet effet.

Entre temps, on ne peut plus nier que les écoles et les crèches comptent parmi les plus importants vecteurs de virus. Un article dans le dernier numéro du magazine Der Spiegel commence par les mots: «Lorsque l’histoire de la pandémie de coronavirus sera écrite, l’une des pires omissions qui seront citées dans les annales parlera de ce que nous avons fait aux enfants – et à leurs parents – en ne garantissant pas la sécurité sanitaire des écoles et des garderies.»

Bien que maintenant «le variant B.1.1.7 beaucoup plus contagieux et dangereux» traverse le pays, l’article de Spiegel continue, au lieu de limiter drastiquement les contacts, en particulier dans les écoles, il y a un assouplissement des mesures de protection. En fait, «l’incidence de l’infection chez les enfants jusqu’à l’âge de 14 ans est en train d’exploser». Le nombre de cas a presque triplé au cours des cinq dernières semaines.

«Les conséquences de cette propagation rapide deviennent déjà apparentes, certaines de manière horrible», a observé le magazine. «Le virus affecte violemment certains enfants en raison d’une réaction inadaptée de leur système immunitaire […] Les enfants à leur tour infectent leurs parents, qui tombent malades, certains tombant très malades».

Cela n’a cependant pas empêché le gouvernement fédéral et ceux des Länder d’Allemagne de continuer à rouvrir les écoles. Merkel a tenté en toute transparence pendant l’émission «Anne Will» de transférer la responsabilité sur les premiers ministres des Länder, qu’elle a accusés de ne pas avoir appliqué le frein d’arrêt d’urgence décidé le 3 mars. Cela prévoit que certaines mesures rentrent automatiquement en vigueur une fois qu’un certain taux d’incidence des infections est atteint.

Cependant, ce n’est qu’un écran de fumée. En réalité, Merkel et les premiers ministres des Länder de tous les principaux partis allemands – Bodo Ramelow du Parti de gauche, Winfried Kretschmann du Parti vert, Michael Müller et Malu Dreyer du SPD, Armin Laschet et Volker Bouffier de la CDU et Markus Söder de l’ Union chrétienne-sociale – tous conviennent en principe de la nécessité de subordonner la politique COVID-19 aux intérêts des grandes entreprises et de la finance. Ils ont décidé ensemble de cette politique au début de la pandémie et la mette en œuvre en conséquence depuis lors.

Il y a seulement quelques jours, après tout, Merkel s’est publiquement excusée pour le fait que lors d’une réunion avec les premiers ministres des Länder, ils avaient décidé d’un jour de congé supplémentaire à Pâques afin de réduire les infections. Dans ses excuses humiliantes, elle a annulé la décision. Elle ne s’est pas excusée auprès des proches des 76.000 morts de coronavirus, ni auprès des enseignants et des infirmières qui ont risqué leur vie, mais auprès des représentants du monde des affaires qui avaient déclenché une tempête de protestation contre cette mesure tout à fait inadéquate et pathétique.

La participation de Merkel à l’émission «Anne Will» n’est que le dernier maillon d’une longue chaîne d’événements qui confirment que le gouvernement fédéral et ceux des États et les partis derrière eux sont complètement incapables de répondre aux besoins les plus élémentaires de la population.

La débâcle actuelle de la vaccination est également le résultat de leur indifférence totale à l’égard des vies humaines. Les experts ont souligné l’importance de mettre en place des capacités de production suffisantes à un stade très précoce, lorsque les premiers vaccins avaient été mis au point mais pas encore testés.

Lauterbach, qui est lui-même immunologiste, appela à la mise en place d’une production de masse dès mai 2020. Sa proposition a été rejetée. Si le gouvernement avait suivi sa proposition, a déclaré Lauterbach, cela aurait coûté 24 milliards d’euros et la population aurait pu être complètement vaccinée avant la fin du mois d’avril. Au lieu de cela, le gouvernement, dans lequel le SPD occupe le poste de ministre des Finances, a préféré donner plusieurs fois ce montant aux grandes entreprises et aux banques.

L’échec des élites dirigeantes face à la pandémie est un phénomène international. En France, où le président Macron a ignoré tous les avertissements des experts, le taux d’incidence à sept jours a dépassé les 400. En région parisienne, la capacité des unités de réanimation a déjà été dépassée. Les États-Unis ont le plus grand nombre de décès de coronavirus au monde avec 564.000, tandis que le Royaume-Uni est en tête en Europe avec 127.000 décès.

Ce nombre énorme de décès en grande partie évitables est le résultat d’un système social en faillite. Après des décennies de redistribution des revenus qui ont doté une infime minorité d’une richesse princière et la poursuite d’une série interminable de guerres en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie, qui ont dévasté des sociétés entières, les vies humaines ont peu de valeur aux yeux des élites dirigeantes.

Alors que l’électorat est matraqué de la rengaine qu’il n’y a pas d’argent pour financer un confinement complet et fournir les vaccins nécessaires, des milliards sont investis dans le réarmement militaire et des préparatifs de guerre nucléaire.

Au tout début de la pandémie, le World Socialist Web Site a averti que cela exacerberait toutes les contradictions de la société capitaliste. Le Parti de l’égalité socialiste et ses organisations affiliées au Comité international de la Quatrième Internationale ont pris l’initiative de créer des comités d’action de la base pour des lieux de travail sûrs et une éducation sûre, préconisant la fermeture immédiate de toutes les écoles et productions non essentielles et la mobilisation pour une grève générale à travers l’Europe et à l’international.

L’opposition aux politiques gouvernementales sur le coronavirus est énorme. Sondage après sondage démontre que la grande majorité des gens réclame des mesures de protection plus strictes ou approuve celles déjà en place. Mais ils ne trouvent aucun soutien à leurs revendications de la part des principaux partis politiques ou des syndicats, qui soutiennent tous la politique d’ouverture de la société dans l’intérêt du profit.

La lutte contre la pandémie nécessite un programme socialiste international qui fait passer la vie avant les profits, les besoins humains avant la richesse des milliardaires. La défense de la vie, de la santé et des revenus de la grande majorité de la population nécessite l’expropriation de l’oligarchie financière et la fin de la propriété privée des moyens de production. Il faut une économie mondiale guidée scientifiquement, organisée rationnellement et contrôlée démocratiquement.

Le Sozialistische Gleichheitspartei, (SGP, Parti de l’égalité socialiste) participe aux élections fédérales allemandes pour construire un nouveau parti socialiste dans la classe ouvrière. Nous lançons un appel à tous les lecteurs du WSWS: soutenez notre campagne électorale avec votre signature! Étudiez le programme du SGP et adhérez au parti!

(Article paru en anglais le 1er avril 2021)

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