Les gouvernements du Canada pavent la voie à des morts en masse alors que la troisième vague de COVID-19 s’intensifie

La troisième vague de la pandémie de COVID-19 déferle actuellement sur le pays. Malgré cela, les gouvernements du Canada, du régime conservateur de Doug Ford en Ontario jusqu’à l’administration soi-disant «progressiste» du Nouveau Parti démocratique de John Horgan en Colombie-Britannique, refusent de prendre les mesures d’urgence nécessaires pour arrêter la propagation de la pandémie.

Alors que les unités de soins intensifs atteignent leur capacité maximale et que les experts de la santé avertissent que les nouveaux variants de la COVID-19, plus contagieux et plus mortels propagent la maladie, les gouvernements à tous les niveaux poursuivent une politique de meurtre social. Privilégiant les profits commerciaux aux vies humaines, ils maintiennent ouverts pratiquement tous les lieux de travail et les écoles.

L’indifférence impitoyable de l’élite canadienne à l’égard de la santé et de la vie des travailleurs a été illustrée par l’annonce faite jeudi par le premier ministre de l’Ontario, Ford, d’une «fermeture complète» de quatre semaines qui n’en est pas une. Alors que Ford parlait d’appliquer un «frein d’urgence», il n’a fait que relâcher un peu l’accélérateur, la mesure la plus «audacieuse» étant l’interdiction de manger et de boire dans les commerces.

Un membre des Forces armées canadiennes travaillant dans une maison de retraite du Québec lors de la première vague du printemps dernier. (Ministère canadien de la Défense)

Même des sections des médias corporatifs se sont senties obligées d’admettre que pratiquement rien ne changera, en particulier dans les régions de cette province qui ont été les plus durement touchées par la flambée actuelle des infections: la grande région de Toronto, la région adjacente de Peel, Hamilton, Sudbury et Thunder Bay.

Les écoles de l’Ontario resteront ouvertes, même si des dizaines d’entre elles ont dû être fermées ces dernières semaines en raison d’importantes éclosions de COVID-19. Il en va de même pour les lieux de travail industriels, même s’ils sont ravagés par la COVID-19, comme en témoignent les nombreuses éclosions survenues dans les entrepôts et les usines de la région de Peel, notamment l’éclosion qui a rendu malades des centaines de travailleurs de l’usine Amazon de Brampton Heritage Road, qui compte 5000 employés, depuis janvier.

Le prix que les variants plus infectieux et mortels font payer à la classe ouvrière est illustré par l’âge moyen de plus en plus jeune des patients qui se retrouvent dans les unités de soins intensifs. Selon Maclean’s, le nombre de patients de moins de 60 ans dans les unités de soins intensifs en Ontario est 50 % plus élevé qu’il ne l’était le 26 décembre, au moment du pic de la deuxième vague.

Dans l’ensemble, les nouveaux variants s’avèrent être beaucoup plus dangereux. La Science Table de l’Ontario a récemment indiqué qu’ils représentent un risque 63 % plus élevé d’hospitalisation, un risque 103 % plus élevé d’admission aux soins intensifs et un risque 56 % plus élevé de décès.

La moyenne sur sept jours des nouvelles infections quotidiennes à la COVID-19 en Ontario a atteint 2340 jeudi, contre 1600 dix jours auparavant. Dans le même temps, le nombre de patients aux unités de soins intensifs a atteint le chiffre record de 421. Au cours de l’hiver, le gouvernement provincial a averti à plusieurs reprises que si le nombre de patients atteints du coronavirus dépassait 350, il serait extrêmement difficile de fournir des soins adéquats aux autres patients.

Répudiant directement les preuves scientifiques, qui indiquent que les écoles sont un vecteur majeur dans la transmission des nouveaux variants, le ministre de l’Éducation de Ford, Stephen Lecce, largement détesté, a affirmé jeudi que les écoles demeurent «sécuritaires». Il n’est pas prévu d’ordonner la fermeture des écoles dans toute la province, a-t-il ajouté, même si un nombre croissant d’experts médicaux préviennent que c’est la seule façon d’éviter un effondrement total du système de santé. Comme l’a carrément dit le Dr Nathan Stall, chercheur à l’hôpital Mount Sinai de Toronto et membre de la Science Table de l’Ontario, lors d’une interview accordée à CTV News: «Lorsque vous n’agissez pas pour contrôler la pandémie tôt et rapidement et que vous ne maîtrisez pas la situation, et que vous poussez votre système de soins de santé aussi loin et que vous essayez de compenser non pas en empêchant les gens de tomber malades, mais en construisant des hôpitaux de campagne et en ouvrant de nouveaux hôpitaux, vous allez vous retrouver dans cette situation prévisible qui sera finalement ingérable.»

Dans la province voisine du Québec, le premier ministre François Legault a imposé la poursuite de l’ouverture des écoles alors même que les cas de virus se multiplient. La semaine dernière, il a demandé aux commissions scolaires anglophones de la région métropolitaine de Montréal de faire revenir tous les élèves pour de l’enseignement en personne et cette semaine, le gouvernement a instauré un décret ordonnant aux commissions scolaires de forcer tous les élèves du secondaire à retourner en classe à temps plein.

La montée en flèche des infections a néanmoins contraint son gouvernement à annoncer la fermeture mercredi des écoles de trois régions, dont celles de Québec et de Gatineau. Or, Legault prévoit de les garder fermées pendant à peine 10 jours, soit moins longtemps que la durée de vie d’une seule infection.

L’Alberta a enregistré mercredi sa plus forte augmentation quotidienne de cas depuis la mi-janvier, lorsque le gouvernement du Parti conservateur uni (PCU) de Jason Kenney a été contraint d’ouvrir des hôpitaux de campagne à Edmonton et à Calgary pour faire face à l’engorgement des hôpitaux. Le taux de positivité des tests en Alberta était de 6,52 % mercredi, soit le dixième jour consécutif où il dépassait 5 %. Selon l’Organisation mondiale de la santé, un taux de positivité de 5 % ou plus indique qu’une pandémie est hors de contrôle.

L’Alberta, dont le gouvernement du PCU s’est maintes fois vanté d’être en faveur d’une «économie ouverte», a actuellement le taux d’infection par habitant le plus élevé de toutes les provinces. Bien que le gouvernement ait prétendu que son empressement à rouvrir les écoles et l’économie en janvier et février était lié à une baisse du nombre de patients aux soins intensifs en dessous de 300, ce chiffre a été dépassé cette semaine sans qu’aucune nouvelle restriction ne soit annoncée.

En Colombie-Britannique, les cas augmentent également de façon spectaculaire sous l’effet de près de 200 cas confirmés de variants de la COVID-19. Mercredi, la province a enregistré plus de 1000 infections quotidiennes pour la première fois depuis le début de la pandémie.

Le gouvernement néo-démocrate de John Horgan continue de refuser de fermer les écoles et utilise toujours un système frauduleux pour informer le public des infections dans les établissements d’enseignement. Ce système consiste à comptabiliser chaque éclosion dans une école comme une «exposition», quel que soit le nombre d’infections qu’il a provoquées. En raison de cette suppression d’informations essentielles, l’étendue de la propagation du virus n’est absolument pas claire. De nombreux reportages font état de parents qui ne découvrent que par hasard que leur enfant a été exposé au virus.

Illustrant l’augmentation rapide des infections à travers le pays, les cas actifs au Canada sont passés d’environ 36.000 le 23 mars à plus de 46.000 une semaine plus tard. Le pic de la première vague, qui a fait plus de 8.000 victimes, était d’environ 34.000 cas actifs à la fin mai 2020.

Le gouvernement libéral de Trudeau supervise et facilite cet état de fait désastreux. Il a été le fer de lance de la réouverture inconsidérée de l’économie, à partir d’avril 2020, et a incité les gouvernements provinciaux de droite, hostiles aux travailleurs, à démanteler les restrictions pour la COVID-19. L’année dernière, le gouvernement fédéral leur a accordé jusqu’à 19 milliards de dollars de financement supplémentaire qui étaient liés à la réouverture des écoles et de l’économie. Dans son discours du Trône de septembre, il a déclaré sans ambages que toute fermeture future devrait être «de courte durée» et mis en œuvre au «niveau local», c’est-à-dire totalement inefficace. Pendant ce temps, le gouvernement Trudeau a généreusement offert plus de 650 milliards de dollars en fonds de sauvetage d’urgence aux grandes banques et sociétés canadiennes pour assurer la protection de leurs profits et de leur immense richesse.

Trudeau s’est pratiquement lavé les mains de toute responsabilité directe dans la réaction désastreuse de la santé publique aux deuxième et troisième vagues du virus, qui ont entraîné plus de 23.000 décès. Son gouvernement a refusé d’éliminer le plafond d’austérité imposé par Stephen Harper aux transferts de soins de santé aux provinces, qui a privé les hôpitaux de financement pendant des années, contribuant ainsi à créer les conditions épouvantables auxquelles sont confrontés les travailleurs de la santé.

Comme les provinces, le gouvernement libéral compte sur les différents vaccins pour étouffer la troisième vague – dans quelques semaines, voire quelques mois – et demande à la population, surtout à la classe ouvrière, de se débrouiller seule d’ici là. Et ce, dans des conditions où le déploiement des vaccins au Canada est marqué par la désorganisation et les pénuries. Selon Our World in Data, au 1er avril, seuls 13,8 % des Canadiens avaient reçu une première dose et moins de 2 % étaient complètement vaccinés.

La criminalité de l’élite dirigeante est confrontée à une opposition croissante de la classe ouvrière.

Six des neuf écoles de la Commission scolaire Sir-Wilfred-Laurier, dans le Grand Montréal, ont rejeté l’ordre de Legault de revenir à un apprentissage complet en personne. Les élèves de l’école secondaire Westmount à Montréal ont arboré des messages sur leurs vêtements cette semaine pour dénoncer la politique irréfléchie du gouvernement.

À l’école Heritage, sur la Rive-Sud de Montréal, les élèves ont débrayé mercredi pour protester contre le plan du gouvernement. «Nous ne sommes pas les pièces d’un jeu, nous ne sommes pas des rats de laboratoire. Nos vies comptent», a fait remarquer Desreen Howell, dirigeante de la manifestation. «Nous pourrions attraper la COVID et n’avoir pas le choix. Et le gouvernement, plutôt que de faire ce qu’il y a de mieux pour les étudiants ou les enseignants, fait ce qui va lui remplir les poches.»

Un enseignant de l’Ontario a contacté le World Socialist Web Site pour décrire ses récentes expériences à Brampton, l’épicentre de la pandémie dans la province la plus peuplée du Canada. «L’école primaire de mes enfants a connu une éclosion mardi, mais ils n’ont pas fermé l’école», a-t-il déclaré. «Nous les avons gardés à la maison hier et aujourd’hui. Un des élèves de ma classe a demandé un délai supplémentaire pour son devoir hier. Quand j’ai demandé pourquoi, il a dit que lui et toute sa famille avaient contracté la COVID: une famille de cinq personnes à Brampton. Le père est mal en point. Comment les écoles sont-elles sécuritaires ?»

«La stratégie du gouvernement qui consiste à garder les écoles ouvertes pour que les parents puissent aller travailler et maintenir les profits des entreprises ne fonctionne pas pour nous», a ajouté Michael, concierge pour le Toronto District School Board. «La résurgence mérite un confinement mais les gouvernements fédéral et provincial restent dans le statu quo. Ils auraient dû fermer tous les lieux de travail non essentiels et les gros moteurs du taux d’infection: les centres de distribution d’Amazon et les grandes usines. C’est une bataille perdue d’avance parce qu’ils ne feront pas les grands confinements qui sont nécessaires. Les géants, les Amazon, les entrepôts du Choix du Président, en profitent largement. Il y a un manque de soutien financier pour que les gens restent à la maison pour faire diminuer les cas.»

La seule façon d’éviter la catastrophe imminente produite par les politiques désastreuses de l’élite dirigeante est l’intervention politique de la classe ouvrière.

Les travailleurs doivent se battre pour un confinement digne de ce nom, y compris la fermeture de toutes les écoles pour l’enseignement en personne, l’arrêt de toute production non essentielle et le paiement des salaires complets à tous les travailleurs et à toutes les familles touchés jusqu’à ce que la pandémie soit terminée. Les ressources permettant de financer ces mesures urgentes, y compris l’apport de milliards de dollars au système de santé, doivent être saisies aux super-riches et redistribuées pour répondre aux besoins sociaux.

Afin de lutter pour un tel programme, les travailleurs doivent former des comités de sécurité de la base dans chaque lieu de travail et chaque quartier, indépendamment des syndicats procapitalistes, qui se sont rangés du côté de la politique de réouverture de l’économie de la classe dominante et étouffent les luttes des enseignants et d’autres sections de travailleurs qui se battent pour obtenir des conditions de travail sécuritaires.

(Article paru en anglais le 2 avril 2021)

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