L’Ukraine annonce des exercices militaires conjoints avec l’OTAN dans un contexte de tensions croissantes avec la Russie

Le Commandement opérationnel de l’est des forces armées ukrainiennes (AFU) a annoncé samedi, de manière provocante, qu’il organiserait des exercices militaires conjoints, connus sous le nom d’exercice «Cossack Mace» en collaboration avec les forces de l’OTAN dans le courant de l’année. Cette déclaration survient alors que la violence continue de s’intensifier entre les forces ukrainiennes et les séparatistes soutenus par la Russie dans la région du Donbass, dans l’est du pays.

Combattants SSO des forces armées ukrainiennes pendant un entraînement [Source: Wikipedia/ArmyInform]

Les exercices conjoints Ukraine-OTAN sont souvent annoncés en précisant qu’il s’agit d’opérations purement «défensives». Mais la déclaration de l’AFU diffère en ce qu’elle indique clairement qu’elle simulera une attaque offensive non seulement contre le Donbass contrôlé par les séparatistes, mais aussi contre les forces russes.

«En particulier, des actions défensives seront élaborées, suivies d’une offensive afin de restaurer la frontière et l’intégrité territoriale d’un État qui a fait l’objet d’une agression par l’un des pays voisins hostiles», indique la déclaration, faisant clairement référence à la Russie.

La déclaration de samedi a été suivie dimanche par la publication par l’état-major général des forces armées ukrainiennes d’une vidéo sinistre sur sa page Facebook, célébrant le 72e anniversaire de l’OTAN, accompagnée du mot clé #WeAreNATO.

Depuis plus de six ans, l’Ukraine est en proie à une guerre civile dans l’est du pays entre les forces gouvernementales et les séparatistes. Le conflit a fait environ 14.000 morts, 1,4 million de déplacés et 3,5 millions de personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire. Pendant la majeure partie de ces six années, les combats sont restés à un niveau relativement bas, avec des tirs d’artillerie et des échanges de coups de feu persistants, et la guerre totale a été évitée. Les récentes déclarations et actions du gouvernement ukrainien montrent qu’il se prépare désormais à un tel scénario et qu’il attend le soutien de l’OTAN.

L’OTAN a été fondée en tant qu’alliance militaire en 1949 par les États-Unis et onze autres pays européens pour mener une guerre contre l’armée de l’Union soviétique, numériquement supérieure. Malgré la dissolution de l’Union soviétique en 1991, l’alliance a continué d’exister en tant qu’instrument de l’impérialisme occidental visant à contrer la Russie désormais capitaliste.

Alors que la bureaucratie stalinienne se préparait à dissoudre l’Union soviétique et à restaurer pleinement le capitalisme, en travaillant main dans la main avec l’impérialisme américain, le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev a reçu l’assurance que l’OTAN n’étendrait pas ses frontières dans un monde postsoviétique. Or, c’est précisément ce qu’elle a fait, en ajoutant la Pologne, la Hongrie et la République tchèque à peine huit ans plus tard, en 1999. L’OTAN a continué à s’étendre vers l’est et a récemment ajouté le Monténégro et la Macédoine du Nord, qui faisaient tous deux partie de la Yougoslavie.

Avant le coup d’État de 2014, soutenu par les États-Unis, qui a installé le gouvernement de droite anti-russe de Petro Porochenko, l’Ukraine maintenait une position hors de l’OTAN. En 2014, elle s’est engagée dans la voie de l’intégration à l’OTAN. En février 2019, le gouvernement ukrainien a adopté un amendement constitutionnel qui affirme sa volonté de rejoindre à la fois l’OTAN et l’UE et en juin de cette année, il est devenu membre du programme de «Partenariat pour des opportunités accrues» de l’OTAN.

Bien que l’actuel président ukrainien Volodymyr Zelensky fut auparavant ambigu sur sa position à l’égard de l’OTAN pendant sa campagne électorale en 2019 – proclamant son soutien à l’adhésion à l’UE tout en disant peu de choses sur l’alliance militaire occidentale – désormais, il supplie régulièrement que son pays soit pleinement inclus dans l’OTAN. En 2020, l’Ukraine a obtenu un statut renforcé auprès de l’OTAN, obtenant «l’accès à des programmes et exercices d’interopérabilité, et un plus grand partage d’informations».

Interrogée par la chaîne américaine HBO plus tôt cette année, lorsqu’on lui a demandé ce qu’il dirait au président américain nouvellement élu, Joe Biden, s’il avait l’occasion de lui parler, Zelensky a répondu rapidement: «J’ai une question très simple: Monsieur le Président, pourquoi ne faisons-nous toujours pas partie de l’OTAN?»

Dimanche, Zelensky a également félicité l’OTAN pour son anniversaire en tweetant «Félicitations aux partenaires de l’OTAN pour l’anniversaire du Traité de l’Atlantique Nord! Nous sommes impatients d’étendre notre coopération pratique pour renforcer la sécurité euroatlantique. Nous comptons sur le soutien des Alliés pour accorder le MAP à l’Ukraine. L’armée ukrainienne est forte et poursuit les réformes nécessaires.»

Tout au long de l’année 2021, un cessez-le-feu négocié entre la Russie, l’Ukraine et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s’est effondré à cause d’une augmentation des attaques et des morts des deux côtés.

Dans le même temps, le gouvernement Zelensky intensifie progressivement l’hystérie anti-russe en sanctionnant les dirigeants de l’opposition prorusse, censurant les médias prorusses et adoptant une loi linguistique controversée qui vise à limiter l’usage de la langue russe dans le pays. Plus récemment, le gouvernement ukrainien a annoncé une stratégie qui vise une mobilisation totale du pays pour la guerre et la reprise de la Crimée.

Pour sa part, le gouvernement capitaliste oligarchique de Moscou, issu de la destruction stalinienne de l’URSS, a continuellement cherché à conclure un accord avec l’impérialisme occidental. La semaine dernière, Poutine s’est entretenu avec les chefs d’État français et allemand sans la participation notable de Kiev ou de Washington.

Toutefois, à court d’un accord avec les membres de l’OTAN que sont la France et l’Allemagne, le gouvernement Poutine a maintenant recours à la guerre des nerfs et se prépare à une guerre potentielle. Ce week-end, des vidéos ont montré des chars qui se rapprochent de la frontière entre le pays et l’Ukraine, augmentant ainsi le risque d’un déclenchement accidentel des hostilités entre les forces ukrainiennes de l’autre côté de la frontière.

Berlin et Paris ont publié une déclaration commune samedi soir: «Nous suivons de près la situation et en particulier les mouvements de troupes russes. Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et à œuvrer à la désescalade immédiate des tensions.» Samedi également, Boris Ruge, vice-président de la Conférence de Munich sur la sécurité, a déclaré de manière menaçante qu’«il y aura un prix à payer» en cas d’escalade de la part de la Russie, faisant allusion aux «conséquences» pour le gazoduc Nord Stream 2, qui doit acheminer le gaz de la Russie vers l’Allemagne.

Les États-Unis, quant à eux, continuent à soutenir leur protégé militaire à Kiev et le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, a rassuré son homologue ukrainien, le ministre de la Défense Andrii Taran, en lui disant que Washington n’abandonnerait pas l’Ukraine en cas de guerre lors d’un appel téléphonique tenu le 1er avril à l’initiative de la partie américaine. Lors d’une rencontre le 2 avril, Joe Biden a promis à Zelensky un «soutien indéfectible» contre la Russie.

La presse bourgeoise occidentale a accordé peu d’attention au danger croissant de guerre en Ukraine orientale. Dans les quelques reportages qui ont vu le jour, la Russie est universellement accusée d’«agression», ce qui est contraire à la réalité.

En même temps, les médias décrivent la crise de plus en plus comme un «test» pour le gouvernement Biden, qui a signalé depuis l’investiture qu’il poursuivrait une politique extrêmement agressive contre la Chine et la Russie. S’adressant à Foreign Policy, Jim Townsend, ancien secrétaire adjoint américain pour l’Europe et l’OTAN, a minimisé l’escalade des tensions, le qualifiant de simples stratagèmes entre le président russe Vladimir Poutine et le président américain Joe Biden.

«Ils sondent, ils essaient de voir ce que [les États-Unis] vont faire, ce que l’OTAN ferait, ce que les Ukrainiens feraient. S’agit-il d’un gouvernement nerveux, ou d’un gouvernement qui va agir avec détermination? Ils font toutes ces choses pour évaluer où en est notre nouveau gouvernement.»

Anne Applebaum, une spécialiste des médias de droite, mariée à un ancien ministre des Affaires étrangères polonais, a décrit la situation en Ukraine, ainsi qu’une éventuelle «invasion chinoise de Taïwan», comme l’une des «deux crises auxquelles le gouvernement Biden doit être préparé».

Aux discours belliqueux et à l’hystérie nationaliste de la classe dirigeante, la classe ouvrière doit opposer un programme d’internationalisme socialiste. Afin d’empêcher le déclenchement d’une guerre qui a le potentiel de se transformer en une guerre mondiale et de se terminer par la mort de millions de personnes et la ruine de la vie de millions d’autres, les travailleurs en Ukraine, en Russie et au niveau international doivent lutter sur une base indépendante, pour la construction d’un mouvement socialiste antiguerre.

(Article paru en anglais le 5 avril 2021)

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