Les gouvernements du Canada font passer les profits avant les vies, maintiennent les écoles et les lieux de travail ouverts alors que la troisième vague de la COVID-19 déferle

Les taux d'infection à la COVID-19 augmentent à nouveau de façon spectaculaire au Canada, sous l'effet de nouveaux variants plus contagieux et plus mortels. Pourtant, tous les niveaux de gouvernement privilégient les profits des sociétés au détriment des vies humaines et refusent catégoriquement de prendre les mesures urgentes de santé publique nécessaires pour éviter une troisième vague catastrophique de la pandémie et une mortalité de masse.

Jeudi dernier, le premier ministre conservateur de l'Ontario, Doug Ford, a ordonné un «confinement» de 28 jours totalement inefficace, dénoncé par les experts de la santé et même par une partie des médias bourgeois comme étant trop peu et trop tard. Des «confinements» similaires ont été annoncés la semaine dernière en Colombie-Britannique, au Québec et dans les provinces de l'Atlantique, tandis que les médecins de l'Alberta ont imploré sans succès le premier ministre Jason Kenney et son gouvernement du Parti conservateur uni d'appliquer un «frein d'urgence» à ses politiques de réouverture irresponsables.

Le point commun de toutes ces nouvelles annonces de «confinement» est qu'elles sont conçues pour que les lieux de travail industriels et l'enseignement scolaire – c'est-à-dire les principaux, ou du moins deux des principaux, vecteurs de la recrudescence actuelle des infections à la COVID-19 – restent pleinement opérationnels.

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, s'est catégoriquement opposé à la fermeture des écoles et des lieux de travail non essentiels. (Source: gouvernement de l'Ontario)

Contrairement aux deux vagues précédentes de la pandémie, au printemps 2020 et en décembre-janvier dernier, durant lesquelles les patients envoyés aux soins intensifs et les décès étaient surtout des personnes âgées et en moins bonne santé, le personnel hospitalier de l'Ontario a signalé une augmentation significative de patients plus jeunes, en meilleure santé, issus de quartiers ouvriers.

Le Canada a officiellement dépassé samedi le million de cas de COVID-19. Le nombre total de cas a été multiplié par plus de sept depuis septembre dernier, lorsque la campagne de relance de l'économie est passée à la vitesse supérieure avec la réouverture des écoles pour l'enseignement en classe. Les hôpitaux de l'Ontario traitent déjà 50 % de patients de moins de 60 ans de plus qu'au plus fort de la deuxième vague.

Le variant B.1.1.7, qui est au moins 75 % plus transmissible, est en train de devenir rapidement la version la plus courante du virus en Ontario. Le variant se propage alors que Ford a rouvert les écoles et continué à désigner comme essentielles pratiquement toutes les entreprises industrielles et logistiques. Dans la zone industrielle de la région de Peel, immédiatement à l'ouest de Toronto, les autorités sanitaires ont enregistré plus de 300 foyers sur des sites industriels. Des variants sévissent également en Colombie-Britannique et en Alberta, notamment le variant brésilien P1, potentiellement encore plus dangereux.

Un examen des foyers sur les lieux de travail ajoutés à la liste officielle de Toronto en une seule journée la semaine dernière illustre la politique brutale d'infection massive que soutiennent tous les niveaux de gouvernement et tous les partis politiques établis. Le 1er avril, 28 épidémies distinctes en milieu de travail ont été ajoutées à la liste de la ville, dont 16 infections dans un centre de distribution d'Amazon et huit dans un entrepôt de la Baie d'Hudson. Quatre cas chez Maple Leaf Foods et 11 parmi les employés de la ville de Toronto ont également été enregistrés. Cinq personnes ont été infectées dans un café Tim Hortons, et sept dans un magasin Metro et un magasin Real Canadian Superstore.

Cette situation fait suite à l'infection massive récente de plus de 900 travailleurs dans un entrepôt Amazon de Brampton (Ontario), à 300 infections (non signalées correctement) dans un centre de tri de Postes Canada dans la ville voisine de Mississauga, et à des épidémies dans 225 écoles du corridor industriel du Grand Toronto-Hamilton.

Alors que les unités de soins intensifs commencent à atteindre leur capacité, la distribution des vaccins en Ontario, comme dans tout le pays, continue d'accuser un retard considérable par rapport aux taux atteints dans de nombreux autres pays, en raison de pénuries de vaccins, de goulots d'étranglement dans l'approvisionnement et de réseaux de distribution insuffisants. Jusqu'à présent, la distribution des vaccins a ciblé les groupes d'âge plus élevés et les personnes souffrant de sérieux problèmes de santé. Les travailleurs travaillant dans des zones à haut risque viral, comme les usines, les entrepôts et les écoles, ainsi que les personnes vivant dans des logements publics à forte densité, ne sont pas prioritaires.

La gravité de la crise n'est pas la conséquence de la nature inattendue de la pandémie, qui était à la fois prévisible et prévue, mais de la réponse désastreuse des autorités gouvernementales. Elles ont refusé d'injecter les ressources nécessaires dans un système de soins de santé déjà ravagé par des décennies de coupes budgétaires, garantissant ainsi son incapacité à effectuer des tests de masse systématiques, à rechercher les contacts et à déployer les vaccins.

À cela s’ajoute le mépris criminel pour la vie humaine dont font preuve les gouvernements provinciaux, de concert avec les grandes entreprises et les syndicats. Avec la pleine bénédiction du premier ministre Justin Trudeau et de son gouvernement libéral fédéral, tous se sont concertés depuis avril dernier pour convaincre la population que la réouverture des entreprises, usines et écoles non essentielles est souhaitable, alors même que le virus continue de sévir.

Deux incidents survenus la semaine dernière montrent comment les institutions de la classe dirigeante appliquent le mantra du profit au détriment des personnes.

Dans les usines d'assemblage automobile Toyota de Cambridge et de Woodstock, les travailleurs ontariens ont reçu des lettres de l'unité de santé publique du sud-ouest indiquant qu'il y a une forte probabilité qu'ils aient été exposés au COVID-19 et qu'ils doivent s'isoler du 25 mars au 8 avril. Dans l'une des usines, un employé a déclaré à la presse qu'au moins 150 travailleurs pourraient avoir été exposés au virus.

Néanmoins, bien qu'ils aient été identifiés par la santé publique comme des «contacts étroits à haut risque» des employés infectés, les travailleurs ont été invités à continuer à se présenter au travail. «Pendant votre isolement, vous pouvez continuer à aller au travail, mais vous devez vous rendre directement au travail et rentrer chez vous. Pendant que vous êtes au travail, il est important que vous mainteniez votre isolement, c'est-à-dire que vous évitiez tout contact étroit (à moins de 1,80 m) avec vos collègues jusqu'à la fin de votre période d'isolement», indique la lettre. Les responsables de la santé publique continuent de «travailler en étroite collaboration» avec la direction de Toyota pour poursuivre la production dans les deux usines. Invoquant cyniquement des «questions de confidentialité», ils ont refusé de divulguer le nombre de travailleurs infectés et des détails sur les lieux où ils ont été infectés.

La semaine dernière également, la CBC a publié des centaines de pages de documents et un enregistrement audio détaillant la réponse désastreuse du gouvernement de l'Alberta à une épidémie massive survenue au printemps dernier dans une usine de transformation de viande Cargill à High River. Ces documents montrent qu'à l'occasion d'une réunion publique avec les travailleurs, destinée à discuter de la sécurité dans l'usine, le ministre provincial du Travail, Jason Copping, le ministre de l'Agriculture, Devin Dreeshan, et des responsables de la santé publique, dont la médecin en chef, Deena Hinshaw, ont délibérément caché aux travailleurs réunis le danger permanent.

«Si l'on considère l'ensemble de ces preuves, il est clair que le maintien de l'usine en activité est plus important que la sécurité des travailleurs», a déclaré Sean Tucker, professeur de santé et de sécurité au travail à l'Université de Regina. «Je pense qu'il y a suffisamment de preuves pour montrer qu'il y a eu une rupture de la réglementation dans le cas de l'usine de Cargill à High River, en Alberta, que les gens étaient au courant des problèmes, mais n'étaient pas habilités à en faire part aux travailleurs.»

L'épidémie d'avril 2020 chez Cargill était la plus grande épidémie localisée de COVID-19 en Amérique du Nord à l'époque. Près de 1000 des 2000 travailleurs de l'usine ont été infectés. Plus de six cents contacts proches des conditionneurs de viande ont également été testés positifs. Trois travailleurs sont décédés. Les infections se poursuivent dans toute l'industrie canadienne du conditionnement de la viande. En février, une épidémie à l'usine de transformation du porc d'Olymel à Red Deer, en Alberta, a infecté 515 travailleurs et en a tué trois.

La publication des documents accablants a été l'occasion pour les bureaucrates syndicaux de dénoncer le gouvernement provincial en termes tranchants. Le président de la section 401 des Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce (TUAC), Thomas Hesse, a décrit la gestion de l'épidémie par le gouvernement comme «non seulement de la négligence, mais pire que de la négligence».

C'est sans aucun doute vrai, mais le fait est que ces mêmes syndicats disent aux travailleurs depuis plus d'un an de compter sur ce même gouvernement «négligent» pour protéger leur santé et leur sécurité. Pendant l'épidémie de Cargill, les TUAC ont insisté à plusieurs reprises sur le fait que les commissions du travail et de la santé et de la sécurité de l'Alberta, favorables aux employeurs et supervisées par le gouvernement du Parti conservateur uni, un gouvernement propatronal ultraconservateur, protégeraient la santé et le bien-être des travailleurs sur leur lieu de travail. Hesse a parfaitement exprimé ce point de vue au printemps dernier, lorsqu'il a catégoriquement exclu toute action syndicale de la part des travailleurs, qui s'opposaient à un retour précipité à l'usine en raison de la mort de leurs collègues. «Nous examinons les options légales», affirmait alors Hesse. «Nous ne demandons pas un arrêt de travail. Un arrêt de travail ne serait pas légal».

La déclaration de Hesse illustre bien la perspective et le rôle des syndicats à travers le Canada et à l'échelle internationale. Ils donnent la priorité au maintien du cadre «légal» propatronal de la négociation collective et des relations de travail qui existe pour protéger les intérêts des patrons au détriment des travailleurs. Les syndicats sont farouchement opposés à toute remise en cause de ce cadre, car c'est ce système qui est à la base de leurs avantages et privilèges, notamment les salaires à six chiffres des hauts responsables et les postes prestigieux au sein de divers comités tripartites entreprises-gouvernement-syndicats.

L'argument selon lequel les travailleurs doivent se conformer à la «légalité» est utilisé par les syndicats dans chaque province pour saboter l'opposition des travailleurs à la réouverture des écoles et des lieux de travail, et à leur maintien en activité alors même que les infections montent en flèche. Lorsque l'indifférence flagrante de l'élite dirigeante et de ses structures étatiques à l'égard de la vie des travailleurs est révélée en chair et en os, comme dans le cas de Cargill, les bureaucrates comme Hesse cherchent à brouiller les pistes avec des fanfaronnades radicales et une colère hypocrite. Mais ils continuent d'enfermer les travailleurs dans des lieux de travail dangereux, mettant en danger leur santé et leur vie.

Comme le dit depuis longtemps le World Socialist Web Site, tant que la pandémie n'est pas terminée, «les écoles doivent être fermées et des millions doivent être investis dans l'apprentissage en ligne. Toute activité économique non essentielle doit être arrêtée. Les EPI (équipements de protection individuelle) doivent être mis à la disposition de tous les travailleurs qui doivent rester au travail pour assurer la production et les services essentiels. Et une compensation financière complète doit être accordée à tous les travailleurs et petites entreprises touchés par les mesures de confinement.

«Les ressources pour financer de telles mesures existent en abondance, mais elles sont monopolisées par les milliardaires et multimillionnaires, dont l'emprise sur la société ne peut être brisée que par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière.

«Pour lutter pour ces revendications, les travailleurs doivent créer des comités de sécurité de la base, indépendants des syndicats procapitalistes. Cela doit être combiné avec une lutte politique plus large armée d’une perspective socialiste, pour porter au pouvoir un gouvernement ouvrier et réorganiser la vie économique afin de répondre aux besoins sociaux de tous, et non aux intérêts de profit d'une infime minorité.»

(Article paru en anglais le 3 avril 2021)

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