Deuxième semaine du procès pour meurtre de Minneapolis : témoignage du chef de la police contre l’ex-agent Derek Chauvin

Le chef de la police de Minneapolis a témoigné lundi dernier que l’ancien policier Derek Chauvin, accusé du meurtre de George Floyd, avait «absolument» violé la politique de son département lorsqu’il s’est agenouillé sur le cou de Floyd pendant plus de neuf minutes le 25 mai dernier.

Dans cette image tirée d’une vidéo, Medaria Arradondo, chef de la police de Minneapolis, témoigne devant le juge Peter Cahill qui préside, lundi 5 avril 2021, le procès de l’ancien agent de police de Minneapolis, Derek Chauvin, au palais de justice du comté d’Hennepin à Minneapolis. Chauvin est accusé de la mort de George Floyd, survenue le 25 mai 2020. (Court TV via AP, Pool)

Le chef de la police Medaria Arradondo a déclaré à la cour que les agents qui avaient plaqué Floyd au sol jusqu’à ce qu’il ne réagisse plus auraient dû cesser de l’immobiliser dès qu’il fut en détresse et qu’il exprima son malaise.

«Et clairement, lorsque Floyd n’était plus réactif et immobile, continuer à appliquer ce degré de force à une personne allongée, menottée dans le dos. La politique [de la police] ne soutient pas cela. Notre formation ne le soutient pas. Ce n’est certainement pas notre éthique ou nos valeurs», a déclaré Arradondo.

S’il est rare qu’un policier soit jugé au pénal pour un meurtre commis dans l’exercice de ses fonctions – il y en a plus de 1.000 par an – il est encore plus exceptionnel qu’un chef de la police témoigne contre l’un de ses subordonnés.

«C’est une démarche assez remarquable de la part de l’accusation», a déclaré au Guardian le Dr Cedric Alexander, ancien chef de police et directeur de la sécurité publique du comté de DeKalb, en Géorgie. «C’est très rare de voir un chef se présenter soit pour la défense, soit pour l’accusation. Mais chacun de ces types d’événements apporte son propre ensemble de circonstances. Et dans ce cas particulier, où vous avez un genou sur le cou et où l’on demande si c’était une technique d’entraînement ? Pouvoir faire témoigner sous serment le chef de la police… va clairement être important.»

Arradondo, qui a parlé pendant plus de deux heures, a détaillé la formation annuelle que les officiers doivent suivre, qui peut inclure une formation à l’intervention, la RCP (Réanimation cardiopulmonaire) de base et les premiers secours. Il a déclaré que les agents étaient tenus d’appliquer leur formation et leurs compétences médicales pour donner une assistance médicale à une personne dans le besoin tant que les services médicaux d’urgence ne sont pas là. Ce que les agents impliqués dans la mort de Floyd n’ont pas fait.

Il a ensuite déclaré à la cour que Floyd ne résistait pas activement ou passivement lorsque les agents l’ont plaqué contre le trottoir. Il a ajouté qu’il n’était pas certain que Floyd fût encore vivant lorsque Chauvin a continué à presser son genou sur son cou après qu’il ait perdu connaissance.

Lorsque les procureurs ont interrogé Arradondo sur les usages autorisés de la force, il a expliqué que la politique du département autorisait les prises d’étranglement au moment de la mort de Floyd, mais il a fait la différence entre une prise d’étranglement ‘consciente’, juste destinée à contrôler quelqu’un, et une prise ‘inconsciente’, utilisée pour faire perdre connaissance à quelqu’un. Cette dernière n’était autorisée que lorsqu’un policier craignait «un préjudice corporel grave», a déclaré Arradondo.

Arradondo a déclaré que Chauvin semblait vouloir utiliser une prise d’étranglement consciente, qui implique une «pression légère à modérée» employée contre une personne résistant activement à la police. Mais il a déclaré que ce qu’il avait vu sur les images visionnées de l’incident constituait un degré de force déraisonnable et dépassait la quantité de pression autorisée par la politique du département.

«Je m’oppose avec véhémence à dire que c’est là l’usage approprié de la force dans cette situation», a-t-il déclaré.

Il a ajouté que les policiers étaient tenus d’être objectivement raisonnables dans leur emploi de la force. Ils étaient formés à évaluer et réévaluer continuellement une situation sur le terrain afin de s’assurer que tout usage de la force soit raisonnable pendant toute la durée de son application.

Lors du contre-interrogatoire d’Arradondo, l’avocat de la défense, Eric Nelson, a tenté de le discréditer en soulignant que le règlement permettait aux officiers d’improviser lors de l’utilisation de prises d’étranglement. Le chef de la police a répondu qu’il avait «certains problèmes» avec l’affirmation que quoi que ce soit ayant trait à la pression de Chauvin sur le cou de Floyd était conforme au règlement.

De plus, Arradondo a rejeté l’argument de la défense selon lequel les actions des passants avaient «distrait» les policiers. Il a déclaré que tout usage de la force dépendait «de la conduite du sujet, pas de celle de quelqu’un d’autre». Il a ajouté que le délit présumé de Floyd, la contrefaçon, n’était pas un crime pour lequel la police arrête généralement quelqu’un, car il ne s’agissait pas d’un crime violent, suggérant que les actions des policiers n’étaient pas du tout nécessaires.

Katie Blackwell, officier supérieur et ancienne directrice de l’école de formation de la police de Minneapolis, a également critiqué l’utilisation par Chauvin de son genou pour maîtriser Floyd.

«Je ne sais pas quel genre de position improvisée c’est. Ce n’est pas ce à quoi nous formons», a-t-elle déclaré. «Cela ne fait pas partie de nos formations. Ce à quoi nous formons c’est l’emploi d’un ou deux bras pour une prise d’étranglement».

Blackwell a ajouté que les officiers étaient formés pour éviter l’asphyxie positionnelle des personnes menottées et couchées sur le ventre. Elle a déclaré aux jurés que les policiers savaient que toute personne en position couchée devait être placée dans une «position de récupération latérale» dès que possible.

Le Dr Bradford Langenfeld a dirigé les soins de Floyd lorsqu’il était au Hennepin County Medical Center. Il a déclaré aux jurés qu’il avait passé environ 30 minutes à essayer de le réanimer avant de prononcer son décès. Il pensait que Floyd était mort d’un manque d’oxygène – connu en termes médicaux sous le nom d’hypoxie – plutôt que d’une overdose ou d’une crise cardiaque due à la drogue.

Lors du contre-interrogatoire, l’avocat de la défense s’est concentré sur le rapport de toxicologie de Floyd, amenant Langenfeld à reconnaître qu’une combinaison de fentanyl et de méthamphétamine pouvait provoquer une hypoxie. Les procureurs ont réfuté cette affirmation en précisant que Floyd avait déjà reçu des médicaments destinés à contrer les effets des surdoses d’opioïdes, suggérant qu’aucune drogue présente dans l’organisme de Floyd n’était en lien avec sa mort.

(Article paru d’abord en anglais le 6 avril 2021)

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