La classe ouvrière doit intervenir pour arrêter la catastrophe de la COVID-19 au Canada

Le Canada est rapidement en train de devenir un épicentre mondial du coronavirus, avec une recrudescence des cas due aux nouveaux variants, plus contagieux et plus mortels.

Les nouvelles infections quotidiennes ont plus que doublé par rapport au niveau déjà élevé de la mi-mars. Jeudi, 7984 nouveaux cas ont été recensés, et la moyenne quotidienne des nouveaux cas sur sept jours, qui n’a cessé d’augmenter au cours du mois dernier, a atteint 6873, son niveau le plus élevé depuis le sommet de la deuxième vague de la pandémie, au début janvier.

Des enseignants de l’école secondaire Westmount de Montréal ont manifesté le 18 janvier contre la politique irresponsable de réouverture des écoles du gouvernement du Québec. (Source: Robert Green)

Le taux de nouvelles infections quotidiennes par habitant au Canada est proche de celui des États-Unis, voire le dépasse, tout comme le nombre de patients gravement malades atteints de la COVID-19 pour 100.000 personnes.

En raison de l’augmentation rapide des cas et de la propagation fulgurante des variants, dont trois se répandent largement dans la population, les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont émis mercredi leur plus haut niveau d’avertissement contre les voyages au Canada.

Sans l’intervention politique de la classe ouvrière pour forcer la fermeture de toutes les industries non essentielles et des écoles, et la confiscation de la vaste richesse des super-riches pour fournir des milliards de dollars de financement aux hôpitaux débordés, le Canada se dirige vers une catastrophe.

En Ontario, la province la plus peuplée du pays, plus de 550 patients COVID-19 sont aux soins intensifs. Au cours de la deuxième vague à l’hiver, les autorités ont averti à plusieurs reprises que si le nombre de patients aux soins intensifs dans les hôpitaux ontariens dépassait 350, il serait impossible de maintenir des soins médicaux d’urgence pour tous. Selon CBC, l’agence de santé du gouvernement de l’Ontario a ordonné aux hôpitaux de la province de reporter toutes les opérations chirurgicales non urgentes à partir de lundi prochain [12 avril].

Des reportages commencent à apparaitre au sujet de certains médicaments, dont un qui s’est avéré très efficace pour traiter les patients gravement malades atteints de la COVID-19, qui sont rationnés dans les hôpitaux de l’Ontario, et de patients transférés dans d’autres régions en raison d’un manque de lits. Les taux d’occupation des unités de soins intensifs sont également à leur plus haut niveau depuis le début de la pandémie en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et au Nouveau-Brunswick.

Le Canada est l’un des rares pays où les trois nouvelles souches virales les plus infectieuses – le variant britannique B.1.1.7, le variant brésilien P.1 et le variant sud-africain B.1.351 – se propagent largement dans la communauté. Au Québec et en Ontario, le variant B.1.1.7 est déjà à l’origine de la majorité des nouveaux cas de COVID-19, tandis qu’en Alberta et en Colombie-Britannique, où l’on a enregistré jeudi le plus grand nombre de nouvelles infections depuis le début de la pandémie, c’est le variant P.1 qui sévit.

«Aucun autre pays n’est confronté à ce problème comme nous le sommes: nous les voyons tous apparaitre en même temps», a déclaré à CBC le Dr Zain Chagla, épidémiologiste au St Joseph’s Healthcare d’Hamilton.

Les nouveaux variants font payer un tribut beaucoup plus lourd à des patients plus jeunes, dans la force de l’âge, dont beaucoup sont des travailleurs de première ligne ou leur partenaire. La fin de semaine dernière, en Ontario, un enseignant de 47 ans sans antécédents médicaux a été intubé. Mercredi, les médias locaux de Montréal ont rapporté le décès d’un étudiant de 16 ans. Selon le comité consultatif scientifique du gouvernement de l’Ontario, les variants ont augmenté le risque d’hospitalisation de 103%, d’admission aux soins intensifs de 63% et de décès de 56%.

L’éruption d’une troisième vague alimentée par ces variants plus transmissibles est due en grande partie à la mise en œuvre désordonnée de la campagne de vaccination par l’élite dirigeante. Le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau a annoncé en grande pompe à la fin de l’année dernière qu’un général de l’armée superviserait la distribution des vaccins: un aveu tacite que les décennies d’austérité imposées aux soins de santé par tous les partis politiques, des néo-démocrates aux conservateurs, ont décimé l’infrastructure des soins de santé du Canada. Les derniers mois ont démontré que les conséquences de cette politique de guerre de classe, poursuivie pour assurer l’enrichissement de l’élite financière fabuleusement fortunée du Canada, ne pouvaient pas être surmontées par un commandement militaire, peu importe combien de fois les politiciens bourgeois et les grands médias invoquent les forces armées comme le sauveur national du pays.

Cependant, la principale cause de la catastrophe du coronavirus qui se déroule au Canada est le soutien inconditionnel de l’élite dirigeante à une politique criminelle d’infection massive qui fait passer les profits avant les vies. Pour garantir que les profits des grandes entreprises, des banques et de l’oligarchie financière continuent d’augmenter, les gouvernements à tous les niveaux ont refusé d’imposer les restrictions nécessaires sur les lieux de travail et dans les écoles, les deux principaux vecteurs de transmission.

Depuis septembre, les écoles sont restées ouvertes presque sans interruption dans tout le pays, car la classe dirigeante insiste sur le fait que les parents doivent être libérés de leurs responsabilités en matière de garde d’enfants afin d’aller travailler et de produire des profits pour les capitalistes. Des études scientifiques ont prouvé que l’insistance des autorités sur l’enseignement en classe a joué un rôle essentiel dans le déclenchement de la deuxième vague meurtrière au Canada, qui a fait plus de 10.000 victimes. Et, comme l’ont explicitement déclaré les responsables de la santé publique de Montréal et de la région de Peel en Ontario, deux des plus grands foyers de COVID-19 au pays, les écoles sont des vecteurs majeurs dans la transmission de la troisième vague actuelle.

La stratégie de retour au travail et à l'école de l'élite dirigeante a été menée par le gouvernement libéral de Justin Trudeau, qui a commencé la pandémie en canalisant plus de 650 milliards de dollars de fonds de sauvetage d'urgence vers les grandes banques et les oligarques financiers, sans aucune condition.

Après le confinement du printemps dernier – qui n’a été imposé que parce que des travailleurs, y compris des travailleurs de l’automobile à Windsor et dans toute l’Amérique du Nord, ont lancé des moyens de pression pour fermer leurs usines dangereuses – le gouvernement Trudeau, avec le soutien des groupes de pression des entreprises et des syndicats, a mis en œuvre une dangereuse campagne de retour au travail. Les employeurs ont eu le champ libre pour ignorer les ordonnances de santé publique et les mesures élémentaires de protection contre le virus, alors qu’Ottawa et les provinces refusaient d’appliquer même leurs propres réglementations inadéquates en cas de pandémie. Les syndicats ont participé à cette union contre les travailleurs en sabotant toutes leurs luttes contre le travail dangereux et en ordonnant aux enseignants et au personnel scolaire de reprendre le travail malgré une opposition généralisée.

Dans son discours du Trône de septembre dernier, le gouvernement Trudeau a envoyé un message clair aux grandes entreprises: absolument rien ne sera fait pour les empêcher de faire des profits. Selon le discours, tout confinement ou toute autre restriction en matière de santé publique devrait être mis en œuvre au «niveau local» et être «à court terme», c’est-à-dire de façon totalement inefficace. Le discours du Trône du gouvernement minoritaire n’a été adopté par le Parlement que grâce aux votes des députés néo-démocrates, dont le chef Jagmeet Singh a juré qu’il continuerait à soutenir le gouvernement Trudeau jusqu’à ce que la pandémie soit terminée.

Trudeau s’est également retranché derrière la séparation des pouvoirs entre les gouvernements fédéral et provinciaux pour rejeter la responsabilité de l’omission de fermer toutes les entreprises, sauf celles qui sont essentielles, et de la réaction généralement désastreuse à la pandémie sur les premiers ministres provinciaux ultraconservateurs, comme Doug Ford en Ontario, Jason Kenney en Alberta et François Legault au Québec.

Bien que ceux-ci et leurs gouvernements sont sans aucun doute complices de meurtre social, la réalité est que les conspirateurs en chef sont assis autour de la table du cabinet libéral à Ottawa. Déjà au début d’avril 2020, la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, a brutalement déclaré que l’«immunité collective» était une politique viable parce que «le fait que 70% des gens contractent la COVID n’est pas la fin du monde.» Trudeau a fourni des milliards de dollars de financement supplémentaire aux provinces qui ont été rendus conditionnels à l’application des politiques meurtrière de réouverture.

L’ensemble de l’establishment politique canadien, des conservateurs de la droite dure aux néo-démocrates apparemment «de gauche», est d’accord avec la politique d’infection massive et de mort visant à protéger les profits des sociétés. Pas plus tard que la semaine dernière, le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, John Horgan, a dénoncé avec arrogance les jeunes en âge de travailler pour avoir propagé le virus, en disant: «Ne gâchez pas tout pour le reste d’entre nous.» Cela de la part d’un premier ministre dont le gouvernement n’a absolument rien fait pour arrêter des centaines d’épidémies sur les lieux de travail dans la province, et qui a délibérément dissimulé l’étendue des infections dans les écoles au moyen d’un système de suivi byzantin. Pendant ce temps, le premier ministre de l’Ontario, Ford, continue de refuser d’accorder des congés de maladie payés aux travailleurs, alors qu’il est généralement admis que cela freinerait la propagation du virus en permettant aux travailleurs de s’isoler chez eux lorsqu’ils ne se sentent pas bien.

Ces criminels politiques ne s’en sortiraient jamais avec de telles politiques sans l’aide des syndicats. Ces derniers ont appliqué le programme de retour au travail et à l’école de l’élite dirigeante, élargi leur partenariat corporatiste avec les grandes entreprises et le gouvernement libéral, et dénoncé comme «illégaux» les appels à la grève pour protester contre les risques à la santé et à la vie des travailleurs. Dans des conditions où même des sections des médias corporatifs ont dû concéder que la classe ouvrière porte le poids de la pandémie en tant que crise sanitaire et socio-économique, le site internet du Congrès du travail du Canada proclame en haut de sa page d’accueil: «Au Canada, nous avons résisté à la pandémie en nous serrant les coudes et en nous appuyant les uns les autres.»

Si l’on veut éviter la catastrophe imminente d’infections massives et de décès à une échelle encore plus grande que durant les première et deuxième vagues de la pandémie, la classe ouvrière doit intervenir de toute urgence avec son propre programme pour arrêter la propagation de la COVID-19. Toute production non essentielle et tout apprentissage en personne dans les écoles doivent être immédiatement arrêtés, avec pleine compensation pour tous les travailleurs et toutes les familles afin qu’ils puissent se confiner chez eux. Les gains mal acquis des super riches, y compris le plan de sauvetage de 650 milliards de dollars et les plus de 50 milliards de dollars accumulés par les 40 milliardaires du Canada depuis le début de la pandémie, doivent être expropriés et utilisés pour financer les besoins sociaux urgents, qu’il s’agisse de consolider le système de soins de santé qui s’effrite, de fournir un enseignement à distance efficace à tous les étudiants et des lieux de travail sûrs à tous les travailleurs essentiels.

Pour que la vie humaine soit privilégiée par rapport au profit privé, les travailleurs doivent construire de nouvelles organisations de lutte – y compris des comités de sécurité de la base, établis indépendamment des syndicats procapitalistes et en opposition à eux – afin de lutter pour un gouvernement de la classe ouvrière et la réorganisation socialiste de la vie économique

(Article paru en anglais le 9 avril 2021)

Loading