Québec: grève bidon de 90 minutes des syndicats enseignants pour noyer la colère des membres

Les conventions collectives de plus d’un demi-million de travailleurs de la santé, de l’éducation et du reste du secteur public québécois sont arrivées à échéance le 31 mars 2020. Depuis, le gouvernement de la CAQ (Coalition Avenir Québec) multiplie ses efforts pour imposer de nouveaux contrats de travail qui maintiennent les bas salaires et conditions précaires des dernières décennies, tout en accélérant le démantèlement des services publics.

Cette ligne dure du gouvernement est combinée à une campagne agressive de retour à l’école et au travail en pleine pandémie de COVID-19. Faisant passer les profits avant les vies humaines, cette campagne a permis au coronavirus de circuler librement et d’infecter des dizaines de milliers de travailleurs de la santé et de l’éducation, laissés sans protection et avec des charges de travail insupportables.

Voilà ce qui alimente une profonde colère parmi les travailleurs. Elle s’est exprimée par de nombreuses manifestations spontanées des travailleurs de la santé dans les premiers mois de la pandémie, et plus récemment, par des appels à la grève parmi les enseignants. C’est ce sentiment de révolte montante que les centrales syndicales cherchent à noyer dans des gestes futiles et des appels pathétiques au premier ministre de droite du Québec, François Legault.

Des travailleurs de la santé protestent le 9 juin 2020 contre les conditions pénibles de travail. (Crédit: Joëlle Bilodeau)

Les syndicats du secteur public ont pleinement soutenu Legault dans sa gestion désastreuse de la pandémie en relayant ses appels à garder ouvertes les écoles, même après qu’elles soient devenues des vecteurs majeurs de propagation du dangereux virus. Et ils participent depuis plus d’un an à un processus bidon de négociations, où leurs propres membres sont exclus et où ils complotent avec le gouvernement pour imposer de nouveaux reculs dans les conditions de travail.

La lâcheté politique des centrales syndicales face au gouvernement propatronal ne connait pas de bornes. Même la grève, outil historiquement développé par les travailleurs pour mener la lutte de classe à l’appui de leurs revendications, est vidée de son sens.

C’est ainsi que la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) et l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ-QPAT), qui représentent quelque 73.000 enseignants québécois au primaire et au secondaire, ont annoncé la tenue d’une grève «de courte durée» devant se tenir le 14 avril, de 0h01 à 9h30.

Ce que les syndicats appellent pompeusement une grève «innovante» aura une durée réelle d’à peine 90 minutes, étant donné que les écoles sont fermées la nuit. Ce simulacre de grève est une manœuvre de diversion pour cacher la collaboration syndicale avec le gouvernement dans la campagne pour garder ouvertes des écoles devenues des foyers de COVID-19.

Bien que les quelque 550.000 travailleurs du secteur public font face au même gouvernement-employeur qui cherche à les appauvrir et à privatiser les services publics, les syndicats isolent les enseignants des travailleurs de la santé et des autres secteurs. À l’intérieur même des écoles, les enseignants et le reste du personnel de soutien ne mèneront pas leurs actions conjointement.

La présidente de la FSE-CSQ, Josée Scalabrini, a déclaré que «ce n’est pas de gaieté de cœur que nous parlons de grève aujourd’hui». Ces propos démontrent à quel point les chefs syndicaux veulent empêcher une véritable mobilisation de leurs membres face au gouvernement Legault qui, lui, applique de manière implacable la brutale politique d’austérité capitaliste exigée par la classe dirigeante.

Même après que les centres de services scolaires (CSS), avec le soutien indéniable de la CAQ, se sont tournés vers les tribunaux pour bloquer l’action syndicale du 14 avril, les chefs syndicaux continuent d’implorer les CSS à entendre raison. «Si les employeurs avaient mis autant d’énergie à organiser cette journée avec 90 minutes de décalage plutôt que de contester le droit de grève légitime des enseignantes et des enseignants, nous n’en serions pas là», a écrit la CSQ sur sa page Facebook.

Dans les dernières décennies, la classe dirigeante a érigé un vaste arsenal de lois spéciales antigrève pour garder les travailleurs dans une camisole de force. Si elle conteste aujourd’hui même les gestes symboliques que posent les chefs syndicaux en tant que substituts à une véritable lutte de classe, c’est parce qu’elle craint que les syndicats perdent le contrôle de leurs membres dans le contexte social explosif créé par la pandémie de COVID-19.

Effectivement, toute action unifiée du demi-million d’employés de l’État pourrait rapidement se développer en un vaste mouvement d’opposition de toute la classe ouvrière contre l’austérité capitaliste et la réponse désastreuse de l’élite dirigeante face à la pandémie. Et, comme l’élite dirigeante, c’est ce que craignent les chefs syndicaux, dont le rôle est d’imposer les reculs aux travailleurs et d’étouffer l’opposition ouvrière pour maintenir la «paix sociale» pour le compte de la classe dirigeante.

Comme lors de la lutte du secteur public de 2015, les syndicats suivent un scénario préétabli selon lequel ils confinent les travailleurs dans un long processus de négociations collectives dont le cadre financier et légal est entièrement défini par la partie patronale.

Dans tous les pays, les gouvernements font passer les profits de l’élite financière avant la santé des travailleurs et les vies humaines. Au Canada, pendant que les travailleurs de la santé et de l’éducation sont envoyés au front, sans mesures ni équipements de protection adéquats face à un virus potentiellement débilitant et mortel, les banques et les grandes entreprises reçoivent des centaines de milliards de dollars en plans de sauvetage supervisés par le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau. Ces dettes massives seront remboursées par des attaques accrues contre les salaires, les emplois et les services publics.

La réouverture des écoles en pleine pandémie a toujours servi à renvoyer les parents au travail pour qu’ils génèrent des profits pour la grande entreprise. Le résultat de cette politique est la contamination de plus d’un million de Canadiens, dont 315.000 Québécois, et 23.000 décès évitables. Plus de 30.000 élèves et travailleurs scolaires ont été infectés par le coronavirus rien qu’au Québec, et le nombre augmente quotidiennement alors que les écoles demeurent ouvertes en pleine troisième vague.

Au nom de «l’unité nationale», les bureaucrates syndicaux ont collaboré étroitement avec Legault pour orchestrer le retour à l’école en sabotant toute opposition des travailleurs.

Quant aux dites «négociations», elles ont été marquées par la capitulation continuelle des syndicats. Autant en santé qu’en éducation, les différents syndicats ont réduit leurs demandes au point où elles sont à peine discernables des offres patronales pourries.

Montrant sa détermination à mettre la hache dans les salaires et les emplois et à privatiser les services publics, la dernière offre de la CAQ ne contient aucun changement réel. Le gouvernement propose entre autres une augmentation salariale de 5% sur trois ans avec une possible majoration de 1% si et seulement si le «taux d’inflation dépasse le seuil de 5%». Cela revient à un appauvrissement en termes réels, et ce, alors que les employés de l’État ont subi des décennies de reculs dans leurs salaires et conditions de travail.

Il est urgent que les enseignants prennent le contrôle de leur lutte en formant des comités de grève de la base, indépendants des syndicats procapitalistes.

Rejetant l’alliance corporatiste et nationaliste des centrales syndicales avec la classe dirigeante, ces comités doivent lancer un appel énergique aux travailleurs de tout le secteur public et de l’industrie, aux parents et aux étudiants.

Les travailleurs du Québec doivent s’unir à leurs frères et sœurs de classe dans le reste du Canada autour d’une revendication commune: la fermeture immédiate des écoles et des lieux de travail non essentiels, avec pleine compensation financière pour les travailleurs concernés et les parents forcés de rester à la maison pour garder les enfants!

Cette revendication doit être associée à une mobilisation politique de toute la classe ouvrière, y compris la préparation d’une grève générale, contre la gestion meurtrière de la pandémie par l’élite dirigeante et les mesures d’austérité capitaliste qui mettent en péril les emplois, les conditions de travail et les services publics.

C’est sur la base d’un tel programme de lutte qu’a été formé le Comité de sécurité pancanadien du personnel scolaire de la base (CSPPB), qui a tenu sa première réunion publique dimanche dernier. Nous exhortons tous les enseignants et les autres travailleurs de l’éducation à contacter et rejoindre ce comité en écrivant à l’adresse courriel suivante: cersc.csppb@gmail.com.

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