Une catastrophe sanitaire se profile alors que les cas de COVID-19 se multiplient au Canada

Les experts en santé et même les représentants du gouvernement admettent maintenant que la pandémie de COVID-19 au Canada est à son stade le plus dangereux, la troisième vague de la pandémie menaçant d’être la plus meurtrière à ce jour.

Une infirmière tient un téléphone pendant qu’un patient atteint du COVID-19 parle avec sa famille depuis l’unité de soins intensifs. (Source: AP/Daniel Cole)

Conséquence directe des politiques criminelles de tous les niveaux de gouvernement, qui donnent la priorité aux profits des sociétés plutôt qu’aux vies humaines, la COVID-19 a déjà tué plus de 23.400 Canadiens et en a infecté 1,08 million.

Avec des variants plus contagieux et mortels du COVID-19 qui deviennent prévalents en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique et dans les provinces des Prairies, le nombre d’infections et d’hospitalisations monte en flèche.

Vendredi dernier, pour la première fois depuis les premiers jours de la pandémie, le taux de nouvelles infections quotidiennes par habitant au Canada a dépassé celui des États-Unis, longtemps l’épicentre de la pandémie mondiale. Les nouveaux variants sont si virulents que certains experts qualifient la troisième vague d’infections par le COVID-19 au Canada de «nouvelle pandémie».

En Ontario, où il a fallu plus de trois mois pour que la deuxième vague atteigne le seuil de 2.500 cas par jour, cette marque a été atteinte en seulement 30 jours pendant la troisième vague en cours. La province a enregistré en moyenne plus de 3.500 cas par jour au cours de la dernière semaine, avec un record de 4.456 cas dimanche.

Actuellement, un nombre record de 605 patients atteints de la maladie COVID-19 sont traités dans les services de soins intensifs de la province, soit une augmentation de plus de 40% en deux semaines seulement. La table consultative scientifique sur le COVID-19 de l’Ontario prévoit que d’ici la fin du mois, ce nombre pourrait dépasser les 800. Alors que la deuxième vague atteignait son pic au début de l’année, les autorités ontariennes ont prévenu que si le nombre de patients en soins intensifs dépassait 350, il serait impossible pour les hôpitaux de la province de continuer à fournir des soins réguliers à tous les patients.

La situation n’est guère meilleure ailleurs dans le pays. Au Québec voisin, l’accélération des infections est également notable. Dans la grande région de Québec, le nombre moyen de cas quotidiens est passé de 100 à 400 en seulement deux semaines, avec un pic de 630 nouvelles infections en une seule journée.

Dans tout le pays, on constate une augmentation exponentielle des nouvelles infections, avec de multiples records battus dans les provinces de l’Ouest. La Colombie-Britannique a signalé 1.293 nouvelles infections le mercredi 7 avril, tandis que l’Alberta voisine a signalé 876 nouveaux cas variants samedi dernier, ce qui constitue également un record. Si l’on considère que le taux de positivité des tests en Alberta était de 9,9% vendredi dernier, la gravité de la situation dans la province et dans l’ensemble du pays est sans aucun doute sous-estimée.

Les nouveaux variants ont certainement contribué à l’accélération de la troisième vague. Mais c’est la volonté mercenaire de l’establishment politique de maintenir ouvertes les écoles et les entreprises non essentielles qui a permis aux variants de se déchaîner.

Lorsque le nombre de nouvelles infections a commencé à diminuer dans la seconde moitié de janvier en raison des fermetures limitées instituées à la hâte à la fin de 2020, tous les niveaux de gouvernement se sont précipités pour rouvrir les entreprises et les écoles, créant ainsi les conditions d’une résurgence de l’infection de masse. Plutôt que de poursuivre des mesures visant à mettre fin à la pandémie en ramenant à zéro le nombre de nouvelles infections, l’élite dirigeante capitaliste a donné la priorité au fait de «garder l’économie ouverte», c’est-à-dire de maintenir l’accumulation des profits. Les «écoles ouvertes» sont au cœur de cette politique mercantile, car si les enfants sont rassemblés dans les salles de classe, leurs parents peuvent être contraints de travailler, générant des bénéfices pour les sociétés, en pleine pandémie.

Par conséquent, les nouveaux variants représentent maintenant 40 à 50 pour cent des nouvelles infections, et jusqu’à 70 pour cent en Ontario. Le variant B.1.1.7, identifié pour la première fois au Royaume-Uni, représente 94% des 25.000 cas de variants séquencés dans le pays. Mais deux autres variants, le B.1.351, identifié pour la première fois en Afrique du Sud, et surtout le P1, observé pour la première fois au Brésil, sont également responsables de nombreuses épidémies.

Le Canada est probablement le seul pays où les trois principaux variants du COVID-19 sont transmis dans la communauté, ce qui explique sans doute en grande partie pourquoi les Centers for Disease Control américains ont émis la semaine dernière l’avis le plus élevé contre les voyages au Canada.

Les variants envoient de plus en plus de jeunes patients à l’hôpital. Selon l’Institut national de la santé du Québec (INESSS), alors que les personnes de 70 ans et plus représentaient plus de 70% des hospitalisations en janvier, elles ne représentent plus que 30%. Les quinquagénaires et les quadragénaires, et même certains jeunes de 20 ans, doivent maintenant être systématiquement placés sous respirateur et intubés.

Cet afflux massif de patients dans les hôpitaux et les unités de soins intensifs menace de submerger le système de soins de santé. Le triage, qui décrit une situation dans laquelle les médecins doivent déterminer qui soigner et qui laisser mourir, est ouvertement discuté.

En raison de la «pression extrême» exercée sur le système de soins de santé, l’Agence de santé publique de l’Ontario a envoyé une note de service à la grande majorité des hôpitaux de la province à la fin de la semaine dernière, leur ordonnant de cesser de pratiquer toutes les interventions chirurgicales, sauf celles qui sont urgentes et vitales, à partir de ce lundi.

Le gouvernement provincial de droite dure dirigé par Doug Ford s’est vanté de son intention d’ajouter 1.000 lits de soins intensifs supplémentaires pour faire face à l’afflux de patients désespérément malades du COVID-19. Cependant, les experts médicaux soulignent qu’en raison du manque de personnel qualifié – produit de décennies de coupes dans les soins de santé et les services sociaux – ces promesses sont pratiquement dénuées de sens.

«Nous pouvons aligner tous les lits du monde, mais si vous n’avez pas quelqu’un qui est en bonne santé, capable de vous aider et de vous fournir des soins lorsque vous êtes dans ce lit, le lit n’a aucune importance», a déclaré à CBC la Dre Shelly Dev, médecin en soins intensifs au Sunnybrook Health Sciences Centre à Toronto. Faisant référence au personnel médical qui a déjà enduré plus d’un an de soins liés à la pandémie, elle a ajouté: «Ils sont complètement épuisés par l’intensité de leur travail. L’inquiétude de tous les travailleurs est que notre capacité à fournir ce genre de soins haut de gamme – que nous sommes si fiers de fournir dans notre système de santé – s’amenuise.»

Au Québec, selon l’INESS, «la capacité hospitalière dédiée, notamment en soins intensifs, pourrait être atteinte d’ici trois semaines» en dehors de Montréal. En Alberta, les responsables de la santé s’attendent à voir plus de 1.000 hospitalisations d’ici la fin avril.

Malgré l’accélération de la crise, rien n’est vraiment fait pour empêcher une nouvelle vague massive de décès. Les écoles restent en grande partie ouvertes et, hormis quelques fermetures localisées, les industries et les usines continuent de fonctionner comme si de rien n’était. En Ontario, le gouvernement Ford a dû faire volte-face lundi et annoncer le passage temporaire de toutes les écoles à l’apprentissage en ligne. Mais rien n’indique combien de temps cela va durer, et aucun soutien n’est apporté aux familles qui se battent maintenant pour gérer la garde des enfants et les responsabilités professionnelles.

Si les vaccins démontrent le potentiel de la science pour aider à stopper la pandémie, leur déploiement ne pourrait pas être plus chaotique. Dans ce qui ne peut être décrit que comme un désordre total, la vaccination au Canada a été marquée par des problèmes logistiques, un manque de doses et un manque d’accès pour de nombreux groupes vulnérables. Comme si cela ne suffisait pas, la classe dirigeante invoque la perspective que la population puisse être inoculée contre le COVID-19 comme un argument de plus pour se débarrasser immédiatement de pratiquement toutes les restrictions de santé publique restantes.

En date du 13 avril, soit quatre mois après le début de la campagne d’inoculation du Canada, seulement 20,79% de la population avaient reçu au moins une dose de vaccin, et seulement 2,2 % étaient complètement vaccinés. Bien que le premier ministre Ford ait annoncé en grande pompe la semaine dernière que les personnes âgées de 18 à 49 ans vivant dans les zones sensibles du COVID-19 pouvaient désormais se faire vacciner, elles ne peuvent actuellement pas s’inscrire pour le faire. Mercredi, les autorités sanitaires de Scarborough, un arrondissement de Toronto, ont dû annuler 10.000 rendez-vous de vaccination en raison d’un manque de vaccins.

Face à l’inaction des gouvernements, plusieurs groupes de médecins et de scientifiques prennent la parole. Au Québec, le collectif Stop COVID, qui regroupe près d’une trentaine de spécialistes de la santé, appelle à un confinement avant que la crise ne s’aggrave. «Nous sommes vraiment en retard», a déclaré la Dre Marie-Michelle Bellon, spécialiste en médecine interne affectée à l’unité COVID-19 de l’hôpital Notre-Dame de Montréal. «C’est pourquoi un confinement doit être mis en place dès maintenant».

La fermeture de toutes les écoles fait partie des mesures essentielles qui doivent être prises pour arrêter la propagation du virus. Non seulement les écoles sont responsables d’un quart des infections, des études ont montré que les enfants ont joué un rôle essentiel dans la propagation des deuxième et troisième vagues du virus au Canada, en infectant leurs parents. Et contrairement à ce que prétendent l’élite dirigeante et les médias corporatifs, les enfants sont eux-mêmes très exposés au COVID-19, puisqu’ils représentent deux pour cent des hospitalisations. Chaque vague de la pandémie s’est accompagnée d’une augmentation des cas de syndrome inflammatoire multisystémique post-infectieux, qui envoie de nombreux enfants aux soins intensifs. À l’hôpital Sainte-Justine pour enfants de Montréal, une jeune fille de 16 ans est décédée la semaine dernière du COVID-19.

Alors que la troisième vague mortelle de la pandémie se déroule, l’élite dirigeante s’oppose d’une seule voix à toute mesure visant à endiguer la pandémie qui remettrait en cause le «droit» des sociétés à continuer à engranger des bénéfices. Le premier ministre québécois de droite, François Legault, et son homologue néo-démocrate soi-disant «progressiste», John Horgan, de la Colombie-Britannique, rejettent le blâme sur les jeunes et les rassemblements privés. En fait, c’est leur inaction et leur insistance à garder les écoles et les commerces ouverts pour protéger les profits privés qui alimentent la crise sanitaire et socio-économique actuelle.

Le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau n’est pas moins responsable de la gestion désastreuse de la pandémie par le Canada. Il n’a pris aucune mesure au cours des mois critiques du début de 2020, attendant jusqu’au 10 mars pour interroger les provinces sur les pénuries potentielles de respirateurs, d’ÉPI (équipement de protection individuelle) et d’autres fournitures essentielles et il a fortement encouragé la campagne désastreuse de retour au travail et à l’école.

Dans le discours du Trône de septembre dernier, les libéraux ont envoyé un signal clair aux grandes entreprises qu’aucun nouveau confinement comparable à ceux mis en place sous la pression des manifestations de la classe ouvrière au printemps 2020 ne serait imposé. Au lieu de cela, le gouvernement Trudeau a déclaré que face à une résurgence des infections COVID-19, toute restriction devrait être «locale» et «à court terme».

La classe ouvrière doit tirer les leçons des deux vagues précédentes de la pandémie. Si l’on veut mettre en œuvre une réponse scientifique à la pandémie qui donne la priorité au sauvetage des vies plutôt qu’au profit des grandes entreprises, la classe ouvrière doit mobiliser son pouvoir social et intervenir en tant que force politique indépendante. Des comités de sécurité de la base doivent être créés sur chaque lieu de travail et dans chaque quartier afin d’appliquer les mesures de santé publique et d’obtenir le soutien social nécessaire pour arrêter la troisième vague de la pandémie et protéger la vie et les moyens de subsistance des travailleurs.

(Article paru en anglais le 14 avril 2021)

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