Une conférence du Parti travailliste australien adopte une résolution peu convaincante pour «défendre» Assange

Les conférences politiques adoptent souvent des motions pour attirer l’attention sur une question et pour signaler publiquement, sincèrement ou non, qu’elles prendront des mesures pour y remédier.

Une motion faisant référence à l’éditeur de WikiLeaks Julian Assange, adoptée lors de la conférence spéciale du Parti travailliste australien à la fin du mois dernier, avait un objectif très différent. Sa fonction était d’officialiser le refus du Parti travailliste de prendre des mesures concrètes pour défendre le citoyen et journaliste australien persécuté, tout en faisant une concession destinée à s’attirer les faveurs de ses partisans sur la base de quelques mots lénifiants de souci pour celui-ci.

Julian Assange, fondateur de WikiLeaks [Source: AP Photo / Matt Dunham]

Loin de faire connaître le sort d’Assange, tout a été fait pour garder la motion secrète. Elle a été adoptée dans le cadre d’un ensemble de résolutions et n’a donc été débattue ni même mentionnée à aucun moment au cours de la conférence de deux jours. Depuis lors, elle n’a été publiquement répertoriée nulle part comme faisant partie des résolutions adoptées par la conférence, ni publiée sur un site Web travailliste, ni mentionnée par un seul éminent parlementaire travailliste ou rapportée par les grands médias.

L’existence de la résolution n’a été révélée que lorsque le député fédéral travailliste Julian Hill y a fait référence lors d’un entretien avec Consortium News publié le 12 avril, soit douze ou treize jours après son adoption.

Hill a ridiculement vanté le fait que la motion avait été adoptée «à l’unanimité», même si de nombreuses personnes présentes à la conférence n’en savaient rien. «En tant que gouvernement alternatif du pays», a déclaré Hill, «les travaillistes ont maintenant clairement défini notre position. La «position politique du chef de l’opposition, le premier ministre alternatif» Anthony Albanese, était que les poursuites contre Assange «soient abandonnées».

Après les commentaires de Hill, la résolution a été saluée par un certain nombre de partisans d’Assange comme une étape importante dans la lutte pour sa liberté.

Le WSWS a contacté le bureau du député travailliste pour lui demander une copie. Son contenu indique que les mérites que Hill a insufflés à la résolution étaient extrêmement généreux. Pour être franc, Hill sert de ligne de défense pour Albanese et une direction travailliste qui n’a pas la moindre intention de défendre Assange. Dans son intégralité, la résolution déclare:

«Le Parti travailliste estime que le gouvernement australien devrait faire tout ce qui est nécessaire pour garantir que M. Julian Assange soit traité équitablement et humainement, et salue la priorité accordée à la santé et au bien-être de M. Assange dans la décision de la Cour britannique. Cela implique de veiller à ce qu’en aucun cas M. Assange – ou aucun Australien – ne soit passible de la peine de mort.

«La Cour britannique a constaté que M. Assange ne devrait pas être extradé aux États-Unis étant donné son mauvais état de santé, et le Parti travailliste estime qu’il est maintenant temps que ce dossier interminable monté contre Julian Assange soit clos.»

En d’autres termes, la «position politique» du Parti travailliste est de ne prendre aucune position sur la tentative des États-Unis de poursuivre Assange en vertu de la loi sur l’espionnage parce qu’il a publié des preuves de leurs crimes de guerre, leurs violations des droits de l’homme et leurs complots diplomatiques.

Des organisations de défense des libertés individuelles, des responsables des Nations Unies (ONU), des publications professionnelles et un certain nombre de dirigeants politiques ont déclaré publiquement leur opposition à de telles poursuites. Mais même une condamnation symbolique de la tentative sans précédent de condamner un journaliste pour avoir publié de véritables informations sur l’illégalité gouvernementale était excessive aux yeux des travaillistes.

La résolution n’exige rien de personne, de l’administration Biden, qui a signalé son intention de continuer les efforts pour trainer Assange devant les tribunaux américains, aux autorités britanniques, qui le maintiennent en prison pour faciliter la demande d’extradition américaine, ou du gouvernement australien, qui n’a rien fait pour défendre un citoyen persécuté.

La résolution ne condamne pas non plus aucun des participants à la campagne d’une décennie contre Assange. Le seul antagoniste référencé est la justice britannique. Elle est présentée dans les termes les plus élogieux, comme ayant montré un grand engagement à l’égard de «la santé et le bien-être» d’Assange.

Cette description rappelle le roman de George Orwell, 1984.

À chaque étape, la justice britannique, agissant en collaboration avec les gouvernements américain et britannique et leurs agences de renseignement, a été l’instrument direct de la persécution d’Assange. Elle était le fer de lance de l’opposition à son asile politique, y compris après que cette dernière eut été soutenue par l’ONU; sanctionna son arrestation illégale en avril 2019 à l’ambassade de l’Équateur à Londres et l’a depuis confiné à la prison de Belmarsh, un établissement à haute sécurité surnommé «Guantánamo Bay» de la Grande-Bretagne.

Au cours des deux dernières années, le gouvernement australien et les travaillistes ont insisté sur le fait qu’ils ne pouvaient pas intervenir pour aider Assange, sauf pour fournir un «soutien consulaire» bidon, en raison de leur respect pour le système juridique britannique. Le gouvernement et les travaillistes ont ignoré ou rejeté allègrement les conclusions du rapporteur de l’ONU, Nils Melzer, selon lesquelles la détention continue d’Assange constitue une torture, ainsi que les avertissements de centaines de médecins selon lesquels il pourrait mourir s’il n’est pas immédiatement libéré.

Ce n’est que maintenant qu’un tribunal britannique a rendu une décision sur l’extradition américaine que le Parti travailliste a présenté une motion, qui réaffirme toujours l’autorité des tribunaux britanniques. Dans son verdict de janvier, la juge Vanessa Baraitser a bloqué l’envoi d’Assange aux mains de ses persécuteurs américains au motif restreint que sa mauvaise santé et les conditions draconiennes dans les prisons américaines signifiaient qu’il était fort probable qu’il se suicide s’il était extradé.

Baraitser a soutenu tous les arguments antidémocratiques des États-Unis, y compris leur droit de poursuivre les journalistes, que le Parti travailliste ne conteste pas non plus. La décision restrictive signifie que le sort d’Assange reste extrêmement précaire et crée un précédent pour des attaques radicales contre la liberté de la presse.

Et loin de l’inquiétude émouvante pour la «santé et le bien-être» du fondateur de WikiLeaks revendiquée par le Parti travailliste, Baraitser, plusieurs jours après le jugement sur l’extradition, a rejeté une demande de mise en liberté sous caution pour Assange. Cela signifie qu’il est incarcéré indéfiniment dans une prison à sécurité maximale infestée de COVID, sans avoir été condamné pour aucun crime, et uniquement sur la base d’une demande d’extradition qui a été rejetée par le premier tribunal dans lequel elle a été entendue. Pendant ce temps, les procureurs américains préparent leur appel.

Quiconque pense que la résolution représente un engagement du Parti travailliste à se battre pour la liberté d’Assange se trompe. Alors que le Parti travailliste a gardé sa référence peu convaincante envers Assange comme un secret d’État, il a claironné d’autres résolutions adoptées par la conférence.

Les deux éléments politiques clés de la conférence étaient que les travaillistes seraient mieux placés que la coalition libérale-nationale pour mettre en œuvre les mesures d’austérité radicales exigées par les grandes entreprises et pour collaborer avec l’administration Biden alors qu’elle intensifie ses préparatifs de guerre, y compris contre la Chine.

Pas moins de six motions ont répété les condamnations hypocrites de «droits de l’homme» de Biden contre Pékin, visant à légitimer l’agression militaire américaine, alors qu’il n’y avait aucune mention des guerres continues de l’impérialisme américain au cours des 30 dernières années, soutenues par les gouvernements australiens successifs. Les intervenants syndicaux ont appelé à un renforcement de la fabrication d’armement militaire australien pour se préparer au conflit et les dirigeants travaillistes se sont félicités de leur bilan en tant que parti qui avait supervisé l’implication de l’Australie dans les guerres mondiales du XXe siècle.

Imaginer qu’un parti de l’impérialisme et des banques est sur le point de défendre un journaliste qui a dénoncé les crimes de guerre, au moment même où il fait des ouvertures proguerre en soutien à Washington et à l’élite dirigeante australienne, est absurde à première vue. Le fait même que le Parti travailliste ait gardé sa résolution secrète démontre qu’il n’a aucune intention d’agir là-dessus. Au lieu de cela, des déclarations de soucis en demi-teinte seront diffusées pour apaiser le soutien généralisé à Assange parmi les travailleurs et les jeunes.

L’attitude qu’un gouvernement travailliste adopterait envers Assange n’est d’ailleurs pas une question hypothétique. Comme le WSWS l’a déjà noté:

«En 2009, WikiLeaks a publié la liste noire secrète des sites Web interdits par le gouvernement travailliste de l’époque. Cela a réfuté les affirmations selon lesquelles seuls les sites criminels étaient bloqués et a révélé une censure importante sur Internet. Le ministre travailliste des Communications, Stephen Conroy, a menacé de renvoyer la publication à la police fédérale australienne (AFP). Assange a déclaré plus tard qu’il craignait une descente de police à son encontre organisée par le Parti travailliste.»

«En 2010, WikiLeaks a publié des journaux de guerre de l’armée américaine d’Irak et d’Afghanistan documentant les crimes de guerre historiques et révélant le caractère néocolonial des occupations. Vers la fin de l’année, il a publié 250.000 câbles diplomatiques américains, révélant les intrigues quotidiennes de l’impérialisme américain, des complots de coup d’État, aux opérations d’interférence et à l’espionnage illégal de chefs d’État et de fonctionnaires des Nations Unies.»

«Alors que de hauts responsables politiques américains ont répondu en demandant l’incarcération d’Assange, voire son assassinat, la première ministre travailliste Julia Gillard s’est jointe à la meute. Elle a déclaré calomnieusement que «l’organisation WikiLeaks avait été fondée sur un acte illégal». Cette affirmation, contredite par la suite par l’AFP, a préfiguré les tentatives américaines de poursuivre Assange pour les publications de 2010».

«Gillard a envisagé de retirer à Assange son passeport australien, en violation du droit national, et s’est engagée à aider les agences de renseignement américaines dans leur campagne pour détruire WikiLeaks. C’est cette position qui a servi de modèle pour tous les gouvernements qui ont par la suite continué à nier les droits d’Assange en tant que citoyen et journaliste australien.»

La position de Gillard était inextricablement liée au soutien de son gouvernement soutenu par les Verts au militarisme américain, y compris une augmentation du nombre de soldats en Afghanistan et le lancement d’un important renforcement militaire en Asie-Pacifique visant la Chine. Une décennie plus tard, et avec les plans de guerre encore plus avancés, un gouvernement travailliste ne serait pas moins hostile aux dénonciations du militarisme qu’Assange personnifie.

Les défenseurs d’Assange et de WikiLeaks devraient se tourner vers la classe ouvrière, la force sociale qui est propulsée dans la lutte par la crise du capitalisme, qui s’oppose à la guerre et défend les droits démocratiques. Ceux qui promeuvent les paroles mièvres des travaillistes cautionnent un parti qui a joué et continuera de jouer un rôle central dans la persécution d’Assange.

(Article paru en anglais le 15 avril 2021)

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