La Chine enregistre une croissance économique trimestrielle de 18 pour cent

L’économie chinoise a progressé de 18,3 pour cent au premier trimestre de cette année par rapport aux trois premiers mois de 2020. Il s’agit de la plus forte augmentation de son produit intérieur brut (PIB) depuis qu’on a commencé à recueillir les données trimestrielles au début des années 1990, dépassant la précédente hausse record de 15,3 pour cent au premier trimestre de 1993.

Banque de Chine [Source: boc.cn]

On s’attendait à une forte augmentation — un sondage effectué par le Wall Street Journal auprès d’économistes avait prédit une hausse de 19,2 pour cent — en raison de la contraction de 6,8 pour cent au premier trimestre de l’année dernière, due aux fermetures imposées au début de la pandémie de COVID-19.

Mais au-delà des questions statistiques, l’augmentation reflète l’efficacité des mesures introduites en Chine pour contrer la pandémie et la poursuite de l’expansion de la deuxième plus grande économie du monde.

S’adressant au Financial Times (FT), l’expert en économie chinoise Eswar Prasad, de l’université Cornell, a déclaré que même après avoir pris en compte ce qu’il a appelé «l’effet fantôme» de la faible croissance d’il y a un an dû au COVID-19, le résultat du premier trimestre était «une confirmation claire de la résilience et de la dynamique de l’économie chinoise».

L’évolution de l’économie chinoise vers une croissance pré-pandémique sera probablement largement saluée comme un stimulant pour l’économie mondiale. Mais elle ne sera pas perçue aussi favorablement aux États-Unis. L’expansion économique continue de la Chine et la possibilité qu’elle devienne la plus grande économie du monde est considéré aux États-Unis comme une menace pour la suprématie économique mondiale américaine.

Il y a eu deux réactions distinctes à ces dernières données. L’une s’est concentrée sur le chiffre principal, tandis que l’autre a souligné les signes de ralentissement de la croissance contenus dans les chiffres.

Le Financial Times a adopté la première approche. Il a noté que les dernières données «soulignaient le rythme rapide de la reprise en Chine» et que l’augmentation était le résultat d’une «frénésie d’activité industrielle et de faibles taux d’infection au COVID-19». Ces deux éléments s’étaient combinés pour donner un résultat «bien supérieur aux performances des autres grandes économies».

Le régime de Xi Jinping va sans doute utiliser ce résultat pour vanter le succès des mesures prises par la Chine par rapport aux autres grandes économies, y compris les États-Unis.

En annonçant les données, Liu Aihua, porte-parole du Bureau national des statistiques chinois, a déclaré: «Nous sommes convaincus que la tendance actuelle à la reprise se poursuivra tout au long de l’année».

Mais, en même temps, il y a des inquiétudes que malgré le chiffre record de la croissance globale la reprise économique chinoise pourrait se ralentir.

«La reprise intérieure n’est pas encore solide», a déclaré Liu. Elle a souligné les incertitudes dans le secteur manufacturier, qui ont un impact sur les investissements, et l’augmentation du nombre de chômeurs parmi les travailleurs migrants et les jeunes diplômés.

Le nombre de travailleurs migrants venus chercher du travail dans les villes était inférieur de 2,5 millions pour le trimestre par rapport à la période précédant la pandémie, ce qui reflète les problèmes des petites entreprises et du secteur des services.

Le taux de chômage des travailleurs âgés de 16 à 24 ans à la fin du mois de mars était de 13,6 pour cent, soit 0,3 point de pourcentage de plus qu’un an plus tôt et beaucoup plus que le taux de chômage urbain global de 5,3 pour cent.

Par rapport au dernier trimestre de 2020, le taux de croissance n’a augmenté que de 0,6 point de pourcentage au premier trimestre de cette année, ce qui indique que la reprise pourrait ralentir.

Selon un rapport du Wall Street Journal (WSJ), les économistes de la HSBC à Hong Kong avaient calculé que si on éliminait l’effet statistique du premier trimestre 2020 la «croissance sous-jacente en glissement annuel pour les trois premiers mois de cette année était d’environ 5,4 pour cent. Cela est inférieur à la tendance d’avant le coronavirus, d’environ 6 pour cent de croissance».

La banque a déclaré qu’elle s’attendait à ce que l’économie continue de «tourner en dessous de sa vitesse maximale» au cours des prochains mois.

En mars, la production industrielle a augmenté de 14,1 pour cent par rapport à l’année précédente, mais ce chiffre est inférieur à la hausse de 35,1 pour cent enregistrée en janvier et février et aux prévisions.

Dans une note adressée aux clients la semaine dernière, Hao Zhou, économiste principal de Commerzbank, a déclaré: «La tendance sous-jacente de la croissance va probablement continuer à se ralentir».

Le Bureau national de statistiques a également averti que les développements mondiaux pourraient avoir un impact sur l’économie chinoise. «Nous devons être conscients que l’épidémie de COVID-19 continue de se propager dans le monde et que le paysage international est compliqué avec de fortes incertitudes et instabilités», a-t-il déclaré.

Il s’agissait d’une référence voilée à la guerre économique que mène actuellement le gouvernement Biden contre la Chine, qui intensifie encore les mesures déjà prises par Trump, surtout dans le domaine de la technologie.

Les autorités économiques chinoises auront sans doute aussi en tête la frénésie spéculative de Wall Street résultant des interventions massives de la Réserve fédérale et des autres banques centrales, se chiffrant en milliers de milliards de dollars. L’afflux d’argent à très bas prix répondait à un gel des marchés financiers en mars dernier impactant massivement le marché de vingt et un mille milliards de dollars du Trésor américain, la base du système financier mondial.

Les responsables financiers de Pékin ont mis en garde contre la hausse des prix des actifs au cours des derniers mois. Selon un article du FT le mois dernier, le principal régulateur bancaire chinois Guo Shuqing a déclaré que le pays «était exposé à des “bulles” sur les marchés internationaux et dans son propre secteur immobilier».

En réponse au développement des cryptomonnaies, la Chine a annoncé au début du mois qu’elle s’apprêtait à créer une monnaie numérique officielle contrôlée par sa banque centrale.

Mu Changhchun, qui est en charge du projet à la Banque populaire de Chine, a déclaré: «Afin de protéger la souveraineté de notre monnaie et notre statut de monnaie légale, nous devons planifier à l’avance».

Ces plans comprennent l’instauration à terme de l’utilisation internationale d’un yuan numérisé qui pourrait fournir au moins un mécanisme partiel contournant la façon dont les États-Unis utilisent la suprématie du dollar pour imposer des sanctions internationales.

La décision chinoise a immédiatement suscité une réaction hostile aux États-Unis. John Lipsky, qui a été premier directeur général adjoint du Fonds monétaire international de 2006 à 2011 et qui travaille aujourd’hui au groupe de réflexion Atlantic Council, a déclaré dans une interview au WSJ: «Tout ce qui menace le dollar est une question de sécurité nationale. Cela menace le dollar à plus long terme».

Nonobstant les signes que les problèmes de son économie sont loin d’être résolus, le fait que la Chine continue à être le leader mondial de la croissance économique sera de la même manière considéré comme une question de «sécurité nationale» américaine.

(Article paru d’abord en anglais le 17 avril 2021)

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