Le procès de l’ancien officier Derek Chauvin s’est terminé près de onze mois après le meurtre brutal de George Floyd par la police de Minneapolis, Minnesota. Mardi, les jurés ont reconnu Chauvin coupable de meurtre au second degré, de meurtre au troisième degré et d’homicide involontaire au second degré.
Darnella Frazier, 17 ans, a rendu possible la condamnation de Chauvin. Elle a utilisé son téléphone pour enregistrer les plus de neuf minutes durant lesquelles le policier a enfoncé son genou dans le cou de Floyd, un spectacle horrible qui a révélé au monde entier la réalité brutale de la violence policière aux États-Unis. Si la fameuse vidéo virale n’avait pas filmé le meurtre dans ses moindres détails, il est probable que la police aurait dissimulé la mort de Floyd et que les enquêteurs de l’État auraient jugé cela justifié, comme des centaines d’autres chaque année.
Compte tenu de ces preuves indéniables, le jury a correctement jugé que les actions de Chauvin constituaient un meurtre.
Des millions de travailleurs ont été horrifiés par le meurtre de George Floyd, le voyant comme le symbole du règne de terreur policière qui coûte la vie, en moyenne, à trois personnes chaque jour en Amérique.
Mais les médias grand public et les démocrates de haut rang ont réagi au verdict en tentant d’inscrire le meurtre de Floyd dans une perspective entièrement raciale. Le meurtre de Floyd «a permis au monde entier d’ouvrir les yeux sur le racisme systémique», a déclaré Biden lors d’une conférence de presse, qualifiant le racisme américain de «tache sur l’âme de notre nation».
La fondation Black Lives Matter Global Network a déclaré: «Nous espérons que ce verdict de culpabilité commence à montrer que la suprématie blanche ne gagnera pas. La suprématie blanche n’a pas sa place dans la démocratie, surtout celle qui est censée nous garantir notre liberté de vivre».
Il est indéniable que le racisme et d’autres conceptions rétrogrades sont promus dans la police. Cependant, la tentative de faire de la brutalité de Chauvin l’expression d’un phénomène plus large de «suprématie blanche» sert à masquer cette réalité plus fondamentale que le procès a révélée, et à déplacer la responsabilité, de l’État capitaliste sur la population dans son ensemble.
La mort de Floyd a déclenché des manifestations massives dans le monde entier. Des protestations ont eu lieu dans plus de 2.000 villes grandes et moyennes, dans plus de 60 pays. Rien qu’aux États-Unis, on estime que 15 à 26 millions de personnes ont participé aux manifestations à un moment donné, ce qui en fait les plus importantes de l’histoire des États-Unis. Immédiatement après la mort de Floyd, le mouvement pour sa défense, et celle de toutes les autres personnes brutalisées par la police, a pris un caractère multiracial et multiethnique. Des travailleurs de tous horizons ont exigé la fin des meurtres commis par la police.
Le frère cadet de Floyd, Rodney Floyd, s’est fait l’écho de ce sentiment universel lors de la conférence de presse qui a suivi le verdict. «C’est une victoire pour nous tous», a déclaré Rodney. «Il n’y a pas de barrière de couleur là-dessus — c’est pour tous ceux qui ont été plaqués, cloués au sol. »
L’accusation a appelé de nombreux témoins qui ont relaté leur réaction émotionnelle en voyant Floyd être assassiné alors qu’eux ne pouvaient que regarder. Des témoins blancs et noirs ont exprimé leur colère face à ce meurtre insensé commis par la police.
Une opératrice blanche des appels d’urgence de la police de Minneapolis, Jena Scurry, a déclaré aux jurés qu’elle était tellement horrifiée par ce qu’elle avait vu, qu’elle avait ressenti le besoin d’appeler la police contre la police. Genevieve Hansen, qui est également blanche, s’est présentée comme auxiliaire médicale alors que les officiers plaquaient Floyd au sol. Hansen a rappelé en larmes à quel point elle s’est sentie impuissante lorsque la police a refusé de la laisser donner des soins médicaux à Floyd. L’amie de Floyd, Courteney Ross, qui est blanche, a pris la parole pour raconter comment le couple s’était battu ensemble contre leur dépendance aux opioïdes, une maladie qui, tragiquement, touche des millions d’Américains.
Et un jury mixte, témoin des preuves, est rapidement arrivé à un verdict correct.
La vague incessante de violences policières et de meurtres est une expression de la nature de l’État capitaliste, et non de la «suprématie blanche». Comme l’a noté le WSWS dans sa perspective cette semaine, la violence policière est dirigée contre les travailleurs et les jeunes de toutes les origines raciales et ethniques. La majorité des personnes tuées par la police sont blanches, et la plupart des meurtres commis par la police ne sont pas rapportés par les médias.
Depuis des années, l’épidémie de violence policière en Amérique a pris un brusque essor malgré les protestations et les promesses de réforme. Depuis 2013, plus de 1.000 personnes sont assassinées par la police chaque année, en moyenne trois meurtres par jour. Seule une infime partie de ces meurtres entraîne l’inculpation d’un agent, et moins d’agents encore sont condamnés.
Selon le Groupe de recherche sur l’intégrité de la Police (Police Integrity Research Group), seuls 104 policiers ont été arrêtés pour meurtre ou homicide involontaire à la suite d’une fusillade en service entre 2005 et 2019. Parmi eux, seuls 35 ont été déclarés coupables. Au cours de la même période, environ 15.000 personnes ont été tuées par la police.
Juste au moment où le verdict de Chauvin était annoncé, la police assassinait Ma'Khia Bryant, 15 ans, à Columbus, dans l’Ohio. Selon les médias locaux, Ma'Khia Bryant vivait dans un foyer d’accueil et elle avait eu une altercation avec une autre personne résidant dans ce foyer. La police répondit à un appel indiquant qu’une femme essayait de poignarder d’autres gens. La police a reçu l’appel à 16h35. Dix minutes plus tard, on signalait une fusillade qui impliquait un officier de police.
Selon la police, l’adolescente tenait un couteau lorsque les agents sont arrivés sur les lieux. Hazel Bryant, la tante de Ma'Khia Bryant, a déclaré que sa nièce avait laissé tomber le couteau qu’elle tenait avant d’être abattue de plusieurs balles par un policier.
Les efforts incessants visant à définir la violence policière en termes exclusivement raciaux ne peuvent qu’affaiblir la lutte contre celle-ci. La lutte contre la violence policière nécessite l’unité de la classe ouvrière sur la base d’une lutte commune contre le système capitaliste, qui est défendu par la police.
(Article paru d’abord en anglais le 21 avril 2021)