Mercredi, l’Inde, un pays avec une population de 1,366 milliard d’habitants, a signalé le plus grand nombre de cas de COVID-19 jamais observés dans le monde par un seul pays. Les États-Unis avaient établi le précédent record le 8 janvier 2021, avec 307.581 cas de COVID au cours de sa terrible vague hivernale. Après un creux de moins de 10.000 cas le 11 février, l’Inde a confirmé 315.728 cas le 21 avril 2021. La courbe épidémiologique du pays des nouveaux cas de COVID continue de monter en flèche.
Dans le monde, 144,4 millions de cas de COVID-19 ont été signalés, avec plus de 3 millions de décès. Cela représente moins de 2 pour cent de la population mondiale ayant été infectée. Néanmoins, étant donné que la plupart des infections sont asymptomatiques, l’étendue réelle de la maladie reste inconnue. L’Organisation mondiale de la santé a estimé en octobre 2020 qu’environ 10 pour cent de la population mondiale pourrait avoir été infectée par le coronavirus. On pourrait supposer que le chiffre réel est peut-être le double, mais reste loin de toute immunité collective significative.
Alors que les pays riches ont rapidement déployé leurs vaccins COVID-19 pour immuniser leurs populations, mis à part le décompte actuel des cas, le poids de la pandémie s’est déplacé vers l’Asie du Sud, en particulier en Inde où l’accès aux vaccins et aux soins de santé pour des millions de personnes pauvres et démunies n’est qu’une chimère. Moins de 8 pour cent de sa population a reçu au moins une dose d’un vaccin COVID-19.
À l’échelle mondiale, un nouveau pic journalier de plus de 871.000 nouveaux cas de COVID-19 a également été signalé. La moyenne glissante sur sept jours des nouveaux cas de COVID a atteint un nouveau pic avec plus de 790.000 infections chaque jour et continue de grimper. À titre de comparaison, le pic hivernal de la dernière vague mondiale s’est approché de 746.000 le 12 janvier 2021. La semaine dernière, 5,27 millions de cas ont été confirmés, soit une augmentation de 15 pour cent par rapport à la semaine précédente. Le nombre de cas a augmenté pendant huit semaines consécutives. À ce rythme, le nombre de cas quotidien de COVID pourrait facilement atteindre 1 million avant le mois prochain.
La moyenne glissante par jour du nombre de morts est maintenant de plus de 12.000 et en hausse. Le pic de la dernière vague avait atteint 14.408 décès par jour le 27 janvier, car la mort est un indicateur en décalage avec les infections à COVID. Il a été prédit que ce pic sera bientôt dépassé.
Les cas officiels de COVID en Inde approchent rapidement les 16 millions, avec plus de 184.000 personnes ayant jusqu’à présent succombé des suites de leurs infections. Mercredi, 2100 autres personnes sont mortes. La moyenne du nombre de décès sur sept jours a dépassé la première vague alors qu’elle continue de monter en flèche.
Malgré ces chiffres horribles, les données obtenues par le Financial Times sur le nombre d’incinérations de victimes du COVID-19 au cours de la même période indiquent que le nombre de morts pourrait être 10 fois plus élevé que ce que les responsables de la santé publique rapportent aux médias. Pourtant, les hauts responsables de la santé ont tenté de minimiser ces chiffres, affirmant que l’augmentation du nombre était «due aux crémations effectuées à l’aide des protocoles COVID».
Le Dr Bhramar Mukherjee, professeur de biostatistique et d’épidémiologie à l’Université du Michigan, a déclaré à Reuters que les responsables étaient dans un état de «déni de données». «Tout est tellement confus. On a l’impression que personne ne comprend très clairement la situation, et c’est très irritant».
John Burn-Murdoch, le journaliste responsable de la visualisation de données du Financial Times, a expliqué sur son compte Twitter: «J’ai rassemblé des reportages dans sept districts, constatant que, dans l’ensemble, le nombre de victimes de COVID incinérées est dix fois plus élevé que le nombre officiel de décès COVID dans les mêmes zones.» Dans la capitale de l’État indien du Madhya Pradesh, le nombre d’incinérations pour COVID-19 était 24 fois plus élevé que le nombre officiel de décès. À Vadodara, la troisième plus grande ville de l’État du Gujarat, c’était 21 fois.
Compte tenu de ces confirmations, par habitant, cela place le nombre de morts de l’Inde à égalité avec la pire période de l’expérience des États-Unis avec la pandémie. Mais pour l’Inde, ce n’est que le début de la vague actuelle.
Les fours des crématoriums du Gujarat fonctionnent si intensément et sans arrêt que les supports métalliques ont commencé à fondre. Kamlesh Sailor, le président de la fiducie qui gère le crématorium de Surat connu pour son industrie de polissage des diamants, a déclaré à Reuters que «nous travaillons 24 heures sur 24 à 100% de capacité pour incinérer les corps à temps». Il a ajouté que six fours à gaz de leur crématorium fonctionnaient 24 heures sur 24.
Prashant Kabrawala, qui gère le crématorium Ashwinikumar, a déclaré à Reuters que les crémations avaient plus que triplé ces dernières semaines. Il a noté: «Je vais régulièrement au crématorium depuis 1987 et je suis impliqué dans son fonctionnement quotidien depuis 2005, mais je n’ai jamais vu autant de cadavres au crématoire depuis toutes ces années.»
Dans ce qui est devenu des reportages habituels, il vient d’être rapporté qu’une fuite de réservoir d’oxygène médicinal à l’hôpital Dr Zakir Hussain de 150 lits, un hôpital municipal de l’ancienne ville de Nashik, dans l’état du Maharashtra, a entraîné la mort de 24 patients COVID-19 qui dépendaient des respirateurs.
L’approvisionnement en oxygène a soudainement cessé après un dysfonctionnement dans les réservoirs de stockage principaux de l’hôpital conduisant à l’asphyxie des patients. Onze d’entre eux avaient entre 33 et 60 ans. Selon l’Indian Express, les réservoirs d’oxygène de 13 kilolitres n’avaient été mis en service que récemment.
«Selon les informations préliminaires, la prise du… réservoir d’oxygène s’est cassée, ce qui a entraîné une fuite dans le réservoir et a affecté l’alimentation en oxygène. L’hôpital a utilisé des cylindres géants pour aider les patients. Certains patients qui pouvaient être déplacés ont été emmenés dans d’autres hôpitaux. Cependant, 22 patients sont décédés car l’approvisionnement a été soudainement interrompu». Deux autres sont morts plus tard dans la soirée.
Bon nombre des patients qui arrivent finalement aux hôpitaux sont dans un état extrêmement critique et meurent avant que les traitements médicaux puissent être pratiqués. Beaucoup y sont amenés déjà morts par leurs familles. La plupart n’ont pas été testés, ce qui entraîne des disparités entre les chiffres officiels et la réalité sur le terrain. Moins d’un quart des décès en Inde sont officiellement certifiés par un médecin légiste, ce qui implique que l’étendue de la pandémie peut être difficile à déterminer.
Il y a deux jours, la capitale de l’Inde, Delhi, a annoncé un confinement d’une semaine, permettant aux bureaux gouvernementaux et aux services essentiels de rester ouverts, une mesure dénuée de sens. Le ministre en chef de la ville, Arvind Kejriwal, s’exprimant lors d’une conférence de presse virtuelle, a admis que les unités de soins intensifs sont saturées et que l’oxygène médical manquait sérieusement. Mais il a ensuite ajouté: «J’ai toujours été contre les confinements, mais celui-ci nous aidera à amplifier le nombre de lits d’hôpitaux à Delhi.» Ce sont des combines politiques qui ont été répétées par les politiciens sur tous les continents où la pandémie a fait des ravages. Peu de choses seront accomplies avec des mesures timides à court terme.
Le premier ministre indien Narendra Modi, redevable aux intérêts des grandes entreprises, a insisté sur le fait qu’il n’imposerait pas de confinement à l’échelle nationale. Comme Trump, il a déclaré que l’Inde devait être «sauvée» non pas du fléau mais de la catastrophe qu’un confinement entraînerait pour l’économie du pays. Selon Oxfam, l’année précédant le déclenchement de la pandémie, le 1 pour cent le plus riche de l’Inde détenait 73 pour cent de sa richesse, tandis que 670 millions de personnes, qui composent la moitié la plus pauvre, ont vu leur richesse diminuer de 60 pour cent.
(Article paru en anglais le 22 avril 2021)