Dans un contexte de tensions croissantes dans la région de la mer Noire, le président Volodymyr Zelensky a déclaré mardi soir que l’Ukraine était «prête» à la guerre avec la Russie. Il a averti que le pays serait «debout jusqu’au dernier homme» en cas de guerre.
Zelensky a également signé une loi qui permet à l’armée ukrainienne de mobiliser ses réservistes sans préavis dans les 24 heures. Les personnes qui se soustraient à l’appel seront passibles de poursuites pénales. C’est l’état-major ukrainien qui a proposé la nouvelle loi.
Zelensky a fait ces déclarations agressives alors que des informations faisaient état d’une activité croissante de l’OTAN près des frontières russes.
Mercredi, la presse russe a rapporté que deux avions de l’OTAN, un P-8A Poséidon américain et un RC-135W britannique, ainsi qu’un drone américain avaient effectué des vols de reconnaissance pendant plusieurs heures près de la péninsule de Crimée, en mer Noire.
On a repéré un porte-avions français au large des côtes roumaines de la mer Noire et plusieurs avions de l’OTAN ont décollé mardi au-dessus de l’Estonie, de la Lettonie et de la Pologne pour intercepter et escorter des avions de reconnaissance, des chasseurs et des bombardiers russes au-dessus de la mer Baltique. Le 19 avril, l’Ukraine et la Roumanie, membre de l’OTAN, ont effectué des exercices militaires conjoints en mer Noire.
Le journal Nezavisimaya Gazeta a rapporté qu’on avait soudainement déployé plus de 20 chasseurs américains F-16 et F-15 du Royaume-Uni vers la Pologne. Il cite un expert militaire russe qui a indiqué que deux destroyers à missiles américains, l’USS Donald Cook et l’USS Roosevelt se trouvaient «actuellement dans la partie nord de la mer Égée [juste au large de la mer Noire], participant aux manœuvres de l’OTAN Rammstein Dust II 21». La semaine dernière, les États-Unis ont annulé à court terme le déploiement de deux navires de guerre en mer Noire, mais quelques jours plus tard, le Royaume-Uni a envoyé deux navires de guerre dans la région.
La Russie vient de terminer ses propres exercices militaires en mer Noire, auxquels participent 20 navires de guerre de la flotte de la mer Noire et plus de 50 avions de chasse. La plupart des troupes et des équipements militaires que le Kremlin a déplacés dans la région pour les exercices militaires y restent.
Lundi, le Kremlin a déclaré que de grandes parties de la Crimée, y compris sa partie sud où se trouve la base navale de la flotte russe de la mer Noire, ainsi que des parties de la mer Noire elle-même, seraient «temporairement dangereuses pour les vols d’avions». La Russie a également fermé le passage maritime entre la mer d’Azov et la mer Noire aux navires de guerre étrangers du 24 avril au 31 octobre.
Les activités de l’OTAN accentuent dangereusement les tensions dans une région où la situation militaire est déjà sur le fil du rasoir. Ces dernières semaines, les combats entre l’armée ukrainienne et les séparatistes soutenus par la Russie se sont intensifiés dans l’est de l’Ukraine.
Une guerre civile y fait rage depuis qu’un coup d’État soutenu par les États-Unis et l’Allemagne en février 2014 à Kiev a évincé le gouvernement prorusse de Viktor Ianoukovitch. La guerre a fait environ 14.000 morts et déplacé des millions de personnes. Cette année, plus de 30 soldats ukrainiens ont déjà été tués, contre 50 soldats ukrainiens pendant toute l’année 2020.
Lundi, un autre soldat ukrainien a été tué quelques heures seulement avant que des représentants de l’Ukraine, de la Russie, de l’Allemagne et de la France ne se rencontrent afin de renégocier un cessez-le-feu raté entre les séparatistes de l’est de l’Ukraine et l’armée ukrainienne. Les pourparlers n’auraient pas donné grand-chose.
La toile de fond immédiate de la récente escalade des affrontements militaires a été l’adoption par le gouvernement ukrainien d’une stratégie qui vise à lancer une offensive dans le Donbass et à «récupérer» la Crimée. La péninsule de la mer Noire avait été annexée par la Russie en mars 2014, à la suite du coup d’État à Kiev et d’un référendum populaire au cours duquel les habitants de la Crimée ont massivement voté pour devenir un territoire russe.
Au cours des dernières semaines, le gouvernement ukrainien de Volodymyr Zelensky a exercé un lobbying agressif auprès des États-Unis et de l’UE pour accélérer l’admission de l’Ukraine à l’OTAN. Cependant, le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont refusé de soutenir l’admission de l’Ukraine à l’OTAN à ce stade.
L’ambassadeur ukrainien en Allemagne a menacé que le gouvernement de Kiev envisage l’acquisition d’armes nucléaires «de son propre chef» si sa demande d’adhésion à l’OTAN n’était pas acceptée. Selon la presse russe, le parlement ukrainien prépare également une lettre au Congrès américain pour demander le statut de «grand allié non membre de l’OTAN» (MNNA).
Mercredi, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmitry Kuleba, a révélé qu’il avait demandé au secrétaire d’État américain Antony Blinken de fournir à l’Ukraine de «puissants moyens de guerre électronique» pour son affrontement avec la Russie. Il a également déclaré qu’il avait demandé aux ministres des Affaires étrangères de l’UE de couper la Russie du système SWIFT, un système de communication international pour les banques et autres institutions financières. Une telle mesure pourrait entraîner l’effondrement complet du système financier russe.
La classe dirigeante ukrainienne intensifie également ses préparatifs intérieurs pour la guerre. Ce lundi, le Service de sécurité ukrainien (SBU) a annoncé qu’il allait procéder à des exercices «antiterroristes à plusieurs niveaux» dans tout le pays. Signe que le gouvernement se prépare à l’instauration de la loi martiale, l’annonce précise qu’«un régime spécial peut être temporairement mis en place dans certaines zones pendant les exercices, ainsi que des restrictions ou des interdictions concernant la circulation des véhicules à moteur et des piétons, des contrôles d’identité, l’inspection des véhicules, etc.» L’ancien président Petro Porochenko a créé un précédent en 2018 lorsqu’il a déclaré la loi martiale après avoir mis en scène une provocation en mer d’Azov.
Jeudi dernier, lors d’une réunion avec le Conseil de sécurité nationale et de défense du pays, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évoqué l’état de préparation militaire du gouvernement. Il a exhorté les citoyens à «se fier uniquement aux déclarations officielles de notre état-major ou du bureau du président». «L’armée est prête – c’est la chose la plus importante».
Le service de presse de la ville de Kiev avait précédemment publié une carte des abris anti-bombes mis à jour et révélé qu’on avait utilisé des fonds gouvernementaux pour construire des structures de défense civile destinées à abriter la population en cas de guerre.
Bien consciente que la poursuite, sans parler de l’expansion, de la guerre dans l’est de l’Ukraine, est profondément impopulaire, la classe dirigeante ukrainienne cherche à mobiliser l’extrême droite du pays. Les forces néonazies ont déjà joué un rôle central dans le coup d’État de 2014 et la guerre civile qui a suivi.
La semaine dernière, Arsen Avakov, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, un homme proche de l’extrême droite et l’un des politiciens les plus puissants du pays, a fait appel à ces forces sur Facebook. Les qualifiant de «patriotes» et utilisant un langage fasciste, il leur a demandé de se préparer à la guerre et de protéger la «mère patrie». Avakov a suggéré que l’Ukraine s’en sortirait mieux qu’en 2014 grâce à l’aide et aux équipements militaires de plus de 2 milliards de dollars qu’elle a reçus des États-Unis depuis.
En tant que ministre de l’Intérieur, Avakov contrôle la Garde nationale du pays qui a été créée en 2014 et a intégré les bataillons néofascistes d’Azov et de Donbass. Ces dernières années, son ministère a joué un rôle central dans la protection et le développement des forces d’extrême droite du pays. Des organisations comme le bataillon Azov et le C-14 ont mené un certain nombre d’attaques meurtrières contre des journalistes et des minorités ethniques, avec une quasi-immunité de poursuites.
Dans la presse ukrainienne, l’idée que les États-Unis et l’OTAN soutiendront militairement l’Ukraine contre la Russie continue d’être véhiculée. On a beaucoup parlé des récents commentaires de l’ambassadrice américaine par intérim en Ukraine, Kristina Kvien, qui a laissé entendre que les États-Unis pourraient envisager de déployer davantage de troupes en Ukraine en cas de guerre avec la Russie.
Lors d’un entretien avec le premier ministre ukrainien Denis Shmyhal, Kvien a déclaré: «Nous évaluons constamment la situation et les besoins de la partie ukrainienne. Et nous avons une présence permanente de 160 soldats américains. Et si, selon nos estimations, les besoins changent et doivent être augmentés, nous examinerons la question».
La population s’oppose largement à une guerre totale entre l’Ukraine et la Russie, une guerre qui menace la vie de dizaines de millions de personnes. Des milliers d’Ukrainiens ont déserté le front dans la guerre civile en Ukraine orientale. Zelensky lui-même n’a été élu qu’en 2019 en raison de l’opposition de masse aux virulentes politiques antirusses et au discours belliqueux de l’ancien président.
Quelle que soit la décision des États-Unis et des puissances impérialistes européennes à l’égard de l’Ukraine, la seule façon de mettre fin à la marche inexorable vers la guerre impérialiste passe par la création d’un mouvement antiguerre international et socialiste des travailleurs à travers l’Europe de l’Est et le monde qui s’opposent au système capitaliste dépassé et barbare.
(Article paru en anglais le 22 avril 2021)