Le sommet sur le climat de Biden présente un spectacle vide de sens

Le président Joe Biden a convoqué jeudi un sommet mondial des dirigeants de 40 pays, lors d'un événement de deux jours rempli de promesses en l’air de la part des plus grands producteurs et consommateurs mondiaux de combustibles fossiles selon lesquelles ils changeront et feront mieux – d'ici 2030, 2050 ou 2060, ou une échéance encore plus tardive.

Quant à un véritable plan mondial pour lutter contre les dangers du réchauffement de la planète et du changement climatique, il reste introuvable, car les affaires du capitalisme mondial sont déterminées par deux facteurs: les intérêts commerciaux des grandes entreprises et des super-riches, et les intérêts stratégiques des États-nations rivaux. Ces deux caractéristiques fondamentales du capitalisme mondial empêchent un événement comme le sommet mondial de revêtir toute signification réelle.

Le président Joe Biden s'adresse au sommet virtuel des dirigeants sur le climat, depuis la East Room de la Maison-Blanche, le jeudi 22 avril 2021, à Washington. (Photo AP / Evan Vucci )

Pour l'administration Biden, l'événement était un pas vers la réaffirmation du «leadership américain» sur la question du changement climatique, qui a été abandonné sous l'administration Trump, lorsque la politique américaine était subordonnée au déni pur et simple du changement climatique, qui est la politique dominante du Parti républicain. Trump s'était retiré de l'Accord de Paris sur le climat, une action que Biden a annulée, tout en nommant l'ancien secrétaire d'État John Kerry comme son envoyé pour le climat dans le monde.

L’affirmation de leadership mondial a été quelque peu écornée par la prestation de Biden jeudi matin, lorsqu'il s'est adressé aux dirigeants de 40 pays, dont la Chine, la Russie, l'Inde, le Japon, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, comme s'il parlait à un rassemblement électoral devant les bureaucrates de la confédération syndicale l'AFL-CIO à Pittsburgh.

Il a commencé par déclarer: «Je vois une opportunité de créer des millions d'emplois syndicaux bien rémunérés, pour la classe moyenne», et a poursuivi en citant les avantages supposés de ses politiques pour les électriciens, les travailleurs des champs pétrolifères, les mineurs de charbon, les travailleurs de l'automobile et du bâtiment.

Biden s’est ensuite étendu sur l'importance cruciale de ralentir le réchauffement climatique, déclarant que la décennie actuelle est «la décennie décisive» selon les scientifiques. «C'est la décennie où nous devons prendre des décisions qui éviteront les pires conséquences d'une crise climatique. Nous devons essayer de limiter l’augmentation de la température de la Terre de 1,5 degré Celsius. »

Mais tout en mettant en garde contre les implications d'une augmentation au-delà de 1,5 degré, en termes «d'incendies, d'inondations, de sécheresses, de canicules et d'ouragans déchirant les communautés», il a fait écho à tous les présidents américains précédents et à leurs homologues du monde entier en insistant qu’il fallait compter sur «le secteur privé», c'est-à-dire la classe capitaliste.

Parfois, les remarques de Biden étaient si incohérentes qu'il était incertain qu'elles aient pu être écrites à l’avance, bien qu'il ait lu à partir d'un prompteur. Considérez ce paragraphe, fourni par le site Web de la Maison-Blanche, qui doit être considéré comme la version officielle et autorisée. Il décrivait les ressources financières à mobiliser pour la lutte contre le changement climatique:

«Ces dollars – ces dollars investis sont souvent les économies durement gagnées par nos travailleurs – les pensions de retraite. Nous ne pouvons pas prendre de mesures pour protéger nos travailleurs si nous n'intervenons pas. Nous devons être en mesure de passer d'un accord faible, puis bonifié, et de renforcer la résilience de notre système financier. J'ai demandé à mon équipe de développer une approche pour faire exactement cela.»

On n’envie pas les traducteurs français, russes ou chinois qui cherchent à s’attaquer à cela.

La clé de voûte du discours de Biden était son engagement très médiatisé de réduire les émissions américaines de gaz à effet de serre de 50 pour cent d'ici 2030, par rapport à 2005, un niveau qui a été critiqué par les climatologues comme étant insuffisant, en particulier compte tenu du rôle démesuré joué par les États-Unis comme le plus gros pollueur du monde au cours du dernier demi-siècle. Cela a été combiné avec une promesse de réduire les émissions totales nettes à zéro d'ici 2050.

La grandeur supposée des promesses de Biden a complètement subjugué certains de ses admirateurs des médias. Le correspondant de CNN pour le climat, Bill Weir, a déclaré que la proposition de Biden était à l'échelle de «l'engagement du président Kennedy d'aller sur la lune dans dix ans, la Seconde Guerre mondiale et la révolution industrielle», tout à la fois.

C'est plutôt une lourde tâche à confier à un président américain d’un physique entamé, âgé de 78 ans.

Le WSWS a publié une analyse approfondie des plans de Biden pour le changement climatique, et les détails n'ont pas besoin d'être répétés ici (voir:Le plan climatique de Biden, première partie: une goute dans l'océan (article en anglais) Il va sans dire que tout plan qui se fonde sur la coopération volontaire des géants pétroliers et chimiques et des banques de Wall Street est voué à l'échec dès le départ.

Les demi-mesures proposées par Biden ont de fortes chances de tomber à l’eau en raison de l'opposition politique intérieure. Les industries des combustibles fossiles dominent le Parti républicain et des sections importantes du Parti démocrate, en particulier dans des États comme la Virginie-Occidentale (charbon), et l'Ohio et la Pennsylvanie (fracturation hydraulique). Il y a peu de chances que même des fragments des propositions de Biden soient adoptés par le Sénat divisé à 50-50, et toute action à la Chambre des représentants est également compromise.

La question de la coordination mondiale est encore plus critique. Biden lui-même a admis que les États-Unis, avec 15 pour cent des émissions mondiales, ne peuvent pas résoudre seuls le problème du changement climatique. Les États-Unis sont le plus grand producteur de combustibles fossiles, avec la Russie deuxième, l'Iran troisième et la Chine quatrième.

Comparer cette liste avec les directives de la politique étrangère américaine montre clairement l'absurdité de prétendre que le sommet mondial peut avoir un effet significatif. Biden recherchait la collaboration du président russe Vladimir Poutine, qu'il a récemment qualifié de tueur, et du président chinois Xi Jinping, dont le gouvernement a été officiellement accusé de génocide par le département d'État américain.

Quant à l'Iran, troisième producteur de combustibles fossiles, il subit un blocus systématique des États-Unis, et ses dirigeants sont dénoncés comme terroristes et visés pour assassinat par Israël, premier allié des États-Unis dans la région.

L’Iran n’était bien entendu pas invité au sommet. Si Poutine et Xi ont néanmoins assisté au sommet et fait des déclarations en faveur d'un effort mondial contre le changement climatique, celles-ci étaient tout aussi superficielles, bien que moins incohérentes et confuses que celles de Biden.

Les puissances européennes ont assisté au sommet et ont salué consciencieusement le retour du leadership américain sur le changement climatique sous le président Biden. Le Japon et la Corée du Sud ont fait de même. Elles ont exprimé leur soulagement que Biden, et non Trump, représentait les États-Unis, mais ne sont pas allées plus loin.

Les promesses creuses échangées par tous les participants ne peuvent pas changer le fait que l’élément principal de la politique étrangère américaine est d’accroître la pression militaire et diplomatique contre la Russie et la Chine. L'initiative sur le changement climatique est elle-même un élément de ce conflit mondial, car l'administration fait de la Chine le premier pollueur mondial et critique la Russie pour avoir exploité de nouvelles ressources pétrolières dans des parties de la Sibérie accessibles en raison du réchauffement climatique.

La logique de la politique étrangère américaine est de se préparer à la guerre contre la Russie, la Chine ou les deux. Si ces conflits dégénéraient en l’usage d’armes nucléaires, et il n’y a aucune raison de penser le contraire, le changement climatique revêtirait un sens nouveau et terrible, menaçant l’humanité d’extinction.

(Article paru en anglais le 23 avril 2021)

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