Le nouveau candidat chrétien-démocrate allemand à la chancellerie promeut des politiques d’immunité collective, d’austérité et de guerre

Le candidat chrétien-démocrate au poste de chancelier lors des élections générales de septembre est le premier ministre sortant du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), Armin Laschet. Il succède à Angela Merkel (Union chrétienne-démocrate, CDU), qui a été la candidate principale de la CDU et de son parti frère bavarois, l’Union chrétienne sociale (CSU), dans les quatre dernières élections fédérales et elle gouverne le pays en tant que chancelière depuis 2005.

La décision a été précédée d’une lutte de pouvoir de plusieurs jours entre Laschet et Markus Söder, le premier ministre bavarois conservateur de droite et chef de la CSU. Söder, qui a justifié sa candidature par une meilleure cote de popularité auprès des électeurs et au sein de l’Union (CDU/CSU), s’est finalement plié à la décision de l’exécutif de la CDU.

Armin Laschet, candidat de la CDU au poste de chancelier, lors d’une conférence de presse le 20 avril 2021 (Tobias Schwarz/Pool via AP)

Avant le vote décisif de lundi soir, toute une série de personnalités notoirement de droite du parti, dont le président du Bundestag (parlement fédéral) Wolfgang Schäuble et l’ancien chef de groupe parlementaire Friedrich Merz, avaient fait campagne pour Laschet.

Dans ses premières déclarations et interviews après la sélection des candidats, Laschet n’a laissé aucun doute sur le fait qu’en tant que chancelier il poursuivrait et intensifierait le cours anti-ouvrier et militariste de la grande coalition des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates (SPD). Cela vaut surtout pour la politique meurtrière du «profit avant la vie» dans la pandémie, qui a déjà coûté la vie à plus de 80.000 personnes rien qu’en Allemagne.

Lors de l’émission «Farbe bekennen» (Montrez vos couleurs) de la chaîne ARD mardi soir, Laschet a défendu la politique impitoyable d’ouverture de l’économie dans l’intérêt des entreprises, qui a une fois de plus conduit à une augmentation massive du nombre d’infections et de décès ces dernières semaines. «Ma ligne était très simple, et elle est toujours d’actualité. Lorsque les chiffres de l’incidence diminuent, vous devez faire reculer les empiètements sur les droits fondamentaux», a-t-il déclaré. C’était également sa «position au printemps dernier».

Déjà à l’époque, le gouvernement du Land de NRW dirigé par Laschet, en coalition avec le Parti démocratique libre (FDP), avait assuré un retour non sécuritaire dans les entreprises et les écoles, anticipant consciemment les pertes de vies humaines. Il y aura: «des communautés scolaires qui devront faire le deuil de la mort d’enseignants, d’administrateurs scolaires ou de membres de leur famille, ce qui peut parfois avoir un impact durable sur la vie scolaire et le quotidien des écoles», avait déclaré la ministre de l’Éducation du Land de NRW, Yvonne Gebauer (FDP), en avril 2020.

Laschet lui-même défend la politique meurtrière d’immunité collective plus que tout autre premier ministre d’un Land allemand. Il a demandé à plusieurs reprises de mettre rapidement un terme à toutes les mesures relatives au coronavirus. Plus récemment, il a salué la décision d’annuler la «trêve de Pâques» annoncée à l’origine par le gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder. Il était nécessaire de sortir du «cycle permanent de confinement» et «d’ouvrir maintenant un nouveau chapitre», a-t-il expliqué. La «fermeture pure et simple» était «arrivée à son terme» et le gouvernement de son État allait lancer des projets temporaires «peut-être rapidement après Pâques».

Lors de sa première conférence de presse en tant que candidat à la chancellerie mardi, Laschet a parlé ouvertement des intérêts qui se cachent derrière la politique agressive de réouverture: «Nous avons de grands défis budgétaires après la pandémie». Il a ajouté que l’on «atténue actuellement de nombreux défis en s’endettant. Mais la durabilité implique de la rembourser après la crise, également dans l’intérêt des générations futures». On doit «arrêter de faire la même chose».

C’est sans équivoque. Les sommes gigantesques qui ont afflué dans les comptes des grandes entreprises et des super-riches dans le cadre des plans d’aide d’urgence du coronavirus doivent être récupérées auprès de la classe ouvrière par le biais de coupes sociales sévères et d’attaques contre les emplois et les salaires. Et pas seulement en Allemagne, mais, comme cela s’est produit après la crise économique et financière de 2008-2009, dans toute l’Europe. «Nous savons que nous ne serons pas forts en Allemagne si l’Europe n’est pas forte», a déclaré Laschet. «Et donc, nos voisins seront également confrontés à de grands défis après la pandémie, et nous ne pourrons également y répondre qu’ensemble, en tant qu’Européens».

La politique d’immunité collective et les attaques sociales au pays vont de pair avec l’appel de Laschet pour une politique étrangère germano-européenne plus agressive. «Notre contribution en tant qu’Europe doit devenir plus offensive dans un monde de modèles sociaux autoritaires. Nous devons nous battre pour nos valeurs de liberté, de solidarité et de justice, pour la dignité humaine dans ce monde», a-t-il déclaré lors de la conférence de presse.

Plus tôt, il s’était déjà positionné comme un partisan de la ligne dure dans une interview exhaustive sur la politique étrangère. S’adressant au correspondant en chef de l’agence de presse Reuters à Berlin, Andreas Rinke, dans une interview parue sous le titre «Je suis un politicien de la realpolitik», dans le numéro actuel du magazine Internationale Politik, il a refusé qu’on dise de lui qu’il cherchait la «conciliation avec la Russie» et il a qualifié la Chine de «défi géostratégique». Au coeur de l’entrevue se trouve la demande d’une offensive massive d’armement pour faire valoir les intérêts de l’impérialisme allemand et européen dans le monde entier – même indépendamment des États-Unis.

«Si on veut une politique européenne de sécurité commune, on doit aussi produire ensemble les moyens de défense», a déclaré Laschet. «Si on veut parler le langage de la puissance, on a aussi besoin des instruments de la puissance». Par conséquent, a-t-il ajouté, «atteindre l’objectif de 2 pour cent de l’OTAN n’est pas une imposition américaine, mais est dans notre intérêt. Nous devons améliorer nos propres capacités».

Laschet entend par là l’acquisition des systèmes d’armes les plus meurtriers, dans le but déclaré de faire la guerre. Par exemple, le «projet de drone européen», qu’il a «défendu au sein du comité de coalition», est un «projet phare européen qui représente la capacité d’action de l’Europe».

À la question de savoir si l’Allemagne devait «s’impliquer davantage dans des missions à l’étranger», Laschet répond par une défense explicite de la politique de guerre allemande. La «mission avec les Français» au Mali, par exemple, était dans «l’intérêt allemand et européen.» Et si «le maintien de la présence est nécessaire» en Afghanistan, où les troupes allemandes sont stationnées depuis maintenant deux décennies, «la Bundeswehr restera quand même.»

Lorsque Laschet critique la politique de guerre impérialiste, il le fait à partir de la droite. En Libye, il était «favorable à l’intervention à l’époque pour des raisons humanitaires», mais il «admet que la situation ne s’est pas sensiblement améliorée depuis.»

La conclusion de Laschet n’est pas de mettre fin aux guerres meurtrières qui ont fait des millions de morts et réduit des pays entiers à l’état de ruines ces dernières années, mais de les rendre plus efficaces: «Les interventions de l’extérieur n’ont pas seulement besoin d’un mandat en vertu du droit international, elles doivent aussi être stratégiquement réfléchies. Trop d’interventions qui visent à un “changement de régime” ont échoué au cours des 20 dernières années, en partie parce que l’on n’a pas suffisamment réfléchi au défi de la période suivante».

Pour développer une capacité de guerre germano-européenne, Laschet préconise une coopération étroite avec la France. Avec le traité d’Aix-la-Chapelle, «de nombreuses suggestions» du président français Emmanuel Macron «seraient déjà reprises et bonifiées par des propositions allemandes, telles que la coopération en matière d’achat d’armes, d’intelligence artificielle, de politique étrangère ou de production de batteries.»

La question d’une «armée commune» pourrait aussi «certainement être une perspective à long terme.» Cependant, «nous devons d’abord nous assurer que l’Europe agit ensemble en matière de sécurité. Nous devons renforcer la PESCO [Coopération structurée permanente, qui fait partie de la politique de sécurité et de défense de l’UE] et faire avancer les projets communs.»

De manière significative, dans l’interview accordée à Internationale Politik, Laschet a plaidé en faveur d’un éventuel «consensus» avec les Verts, précisément sur la politique étrangère et de défense. Lors des entretiens exploratoires CDU-FDP-Verts en 2017, ils étaient «allés très loin» dans les domaines de la politique étrangère. Il a rappelé à ceux qui étaient sceptiques quant à la coopération avec les Verts «aux élections au Bundestag de 1998: à l’époque, on disait aussi que la politique étrangère, en particulier, rendrait difficile une alliance avec les Verts. Et puis l’opinion publique a fait l’expérience que la première mission de guerre allemande depuis 1945, avec le bombardement de Belgrade, qui s’est déroulée sous un gouvernement formé rien de moins que du SPD et des Verts.»

Les politiques de militarisme, d’attaques sociales et d’immunité collective sont soutenues par les partis nominalement de gauche au Bundestag. Le candidat du SPD au poste de chancelier et actuel ministre des Finances, Olaf Scholz, a augmenté le budget militaire de cinq pour cent il y a quelques semaines seulement, pour le porter à près de 50 milliards d’euros. Et avec Annelena Baerbock, les Verts ont également choisi une militariste déclarée comme candidate à la chancellerie lundi.

Le Parti de gauche a également fait savoir qu’il soutiendrait pleinement ce cours réactionnaire dans le cadre d’une éventuelle coalition gouvernementale du SPD/Parti de gauche/Verts au niveau fédéral. Dans des interviews, les nouvelles dirigeantes du parti, Susanne Hennig-Wellsow et Janine Wissler, ont signalé leur soutien aux déploiements de la Bundeswehr à l’étranger. Au niveau des Länder, le Parti de gauche met déjà en pratique la politique du «profit avant la vie» avec les partis des coupes sociales et de la guerre, le SPD et les Verts.

Dans le programme «Farbe bekennen», Laschet a déclaré que l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, ne devait avoir aucune «influence sur la formation de la politique allemande.» Cependant, après les élections fédérales de 2017, tous les partis de l’establishment ont de plus en plus adopté le programme de l’extrême droite et intégré l’AfD dans le système politique. Laschet lui-même s’est engagé dans une agitation xénophobe pendant la pandémie. Lorsque des infections massives se sont produites dans les abattoirs du milliardaire de la viande, Clemens Tönnies l’année dernière, Laschet n’a pas critiqué les conditions de travail proches de l’esclavage, mais a plutôt affirmé que des «Roumains et des Bulgares» avaient apporté le virus depuis leur pays.

Le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste en Allemagne, PES) est le seul parti à s’opposer au tournant vers le fascisme, la guerre et la dictature de la classe dirigeante. Le SGP tente d’armer l’opposition sociale et politique croissante parmi les travailleurs et les jeunes avec un programme socialiste international. «La vie, pas les profits!», «Défendons tous les emplois!», «Arrêtons le militarisme!», «Plus jamais de fascisme!» et «Pour les États socialistes unis d’Europe!» sont les revendications centrales du programme électoral du SGP.

(Article paru en anglais le 23 avril 2021)

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