Le premier ministre britannique Johnson a exigé «qu’il n’y ait plus de pu*ain de confinement, que les corps s’entassent par milliers!»

Au cours de la période qui a précédé le confinement limité de quatre semaines mis en place à contrecœur par le gouvernement conservateur en novembre dernier, le premier ministre Boris Johnson s’est écrié avec amertume: «Plus de pu*ain de confinement, que les corps s’entassent par milliers!»

Le Daily Mail rapporte: «Il [Johnson] a accepté de nouvelles restrictions mais sa frustration aurait débordé après la réunion cruciale au No10 [Downing Street] en octobre». La réunion a eu lieu le 30 octobre 2020.

Cette révélation fait partie d'une série de fuites au cours de la guerre de factions en cours au sein du Parti conservateur. Elle donne un aperçu sans fard des discussions à huis clos pendant la pandémie au sein de cette bande de criminels meurtriers.

Le premier ministre britannique Boris Johnson fait une pause pendant un briefing sur le coronavirus à Downing Street, à Londres, lundi 5 avril 2021. (Stefan Rousseau/Pool via AP)

La sortie de Johnson confirme ce qu’il pensait réellement depuis le début, derrière la pose publique cynique de l’inquiétude. Les partisans conservateurs de l’immunité collective, Johnson en tête, n’ont jamais voulu du premier confinement, et encore moins d’un second. Mais avec l’augmentation des cas et des décès suite à la fin du premier confinement en juillet/août – aggravé par le renvoi dans les l’école de millions d’élèves en septembre – le gouvernement craignait que l’absence de confinement ne provoque des troubles sociaux et politiques.

Le ministre du Cabinet, Michael Gove, a été identifié par le Daily Mail comme ayant joué un rôle clé dans la décision de Johnson de soutenir le confinement lors de la réunion. Comme l’a déclaré au journal une «source proche de M. Gove»:

«Michael a dit que s’il [Johnson] n’imposait pas un second confinement, cela provoquerait une catastrophe… Les hôpitaux seraient débordés, les gens seraient refoulés aux [urgences] et les gens mourraient dans les couloirs et les parkings des hôpitaux… Il [Gove] a dit au [Premier ministre] qu’il devrait envoyer des soldats dans les hôpitaux pour empêcher les gens d’y entrer… Les images télévisées de cette situation seraient diffusées dans le monde entier. Était-ce l’image de sa Grande-Bretagne post-Brexit qu’il voulait que le monde voie? C’était dévastateur. Le Premier ministre n’avait pas de réponse.»

Lundi, Johnson a nié avoir fait les commentaires qu’on lui attribue, mais la BBC a cité des «sources familières avec la conversation» qui confirmaient qu’il les avait bien faits. Le rédacteur en chef politique d’ITV (la chaîne de télévision privée), Robert Peston a écrit que deux témoins lui avaient dit qu’ils n’avaient pas informé le Daily Mail mais qu’ils avaient eux aussi entendu Johnson le dire.

De plus, si Johnson a donné son accord pour le confinement de novembre, la perspective qu’il a exprimée, «pas de pu*ain de confinement, que les corps s’empilent par milliers», se trouve maintenant appliquée comme politique officielle du gouvernement.

Le confinement de novembre a pris fin le 3 décembre. À la suite d’une recrudescence des cas de COVID-19, due à l’assouplissement des règles pour permettre une frénésie d’achats avant Noël, le 5 janvier, Johnson fut contraint de mettre en place un troisième confinement, nettement moins restrictif. Mais à partir de ce moment-là, lui et son gouvernement ont insisté pour dire que ce serait le «dernier confinement».

En février, malgré la propagation de nouveaux variants du Covid, notamment celui de Kent, plus infectieux et plus mortel, qui est devenu la souche dominante au niveau mondial, Johnson a annoncé que les restrictions seraient assouplies à partir de mars et que l'ensemble de l'économie serait rouverte le 21 juin.

Johnson a déclaré à plusieurs reprises, bien que dans un langage un peu moins cru, que des milliers de personnes allaient mourir du coronavirus, tout comme son ancien conseiller Dominic Cummings – qu’on soupçonne aujourd’hui d’avoir orchestré les fuites contre son ancien patron.

  • Fin février 2020, alors que la pandémie frappait la Grande-Bretagne Cummings a, selon le Times, déclaré à une réunion à huis clos sur la politique britannique en matière de coronavirus: «immunité collective, protégez l’économie, et si cela signifie que des retraités meurent, tant pis».
  • Le 12 mars, Johnson a déclaré « Je dois parler franchement à la population britannique : de nombreuses familles vont encore perdre des êtres chers avant l’heure». Ce n’était pas de la franchise, mais une politique ; Johnson et son conseiller scientifique en chef, Sir Patrick Vallance, préconisaient un programme d’immunité collective d’infection massive et un plan déclaré de voir des dizaines de millions de personnes exposées au coronavirus. Au moment de la déclaration de Johnson, il y avait eu moins de 11 décès dus au Covid-19 au Royaume-Uni. Treize mois plus tard, il y en a plus de 150.000.
  • Le 18 septembre 2020, Johnson a déclaré: «Nous voyons maintenant une deuxième vague arriver. Nous l’avons vu en France, en Espagne, dans toute l’Europe. C’était absolument inévitable, je le crains, que nous le voyions dans ce pays.»
  • Le 22 février 2021, Johnson annonce la fin du confinement national, déclarant: «Nous devons être réalistes et accepter qu’il y aura plus d’infections, plus d’hospitalisations et donc, malheureusement, plus de morts…»
  • Le 10 mars 2021, Johnson écrit dans le Daily Telegraph: «Nous pouvons voir les signes d’une poussée de Covid chez certains de nos amis européens. Nous nous rappelons comment nous, au Royaume-Uni, avons eu tendance à suivre cette courbe ascendante, si ce n’est quelques semaines plus tard… Le retour réussi de lundi à l’école va inévitablement ajouter au budget du risque.»
  • Le 20 avril 2021, Johnson déclare: «une autre vague de COVID-19 aura lieu à un moment ou à un autre de l’année… Nous devons – dans la mesure du possible – apprendre à vivre avec cette maladie, comme nous vivons avec les autres maladies.»

Mis à part la grossièreté de Johnson, mettre fin à tous les confinements et laisser «les corps s’entasser» est la position des gouvernements capitalistes du monde entier. Les dernières et les plus horribles conséquences de cette politique peuvent être observées en Inde, où environ 2 millions de personnes supplémentaires ont été infectées rien que la semaine dernière et des milliers de personnes meurent chaque jour.

Même en rapportant les commentaires meurtriers de Johnson, le Daily Mail a publié un autre commentaire d’Andrew Pierce, intitulé «La bataille perdue et solitaire du Premier ministre qui avait résisté à la clameur en faveur des confinements». Pierce y écrit : « oui, son emportement était choquant. Mais le libertaire Boris savait qu’il n’y avait pas en jeu que des vies de Covid».

Le premier ministre devait avoir la sympathie de tous, estime Pierce. Il déplore que le pauvre Boris: «qui avait dit un jour que le véritable héros du film Les Dents de la mer était le maire d’Amity qui a gardé les plages ouvertes malgré la présence d’un requin tueur – soit dévasté par le fait qu’il ait perdu la bataille». «Boris», écrit Pierce, «fidèle à ses instincts libertaires, était opposé à ce qu’on ferme une fois de plus les centres commerciaux, les pubs et les restaurants».

Tout ce qui s’est passé depuis le premier jour de la pandémie confirme que la classe ouvrière se heurte à une bande de criminels politiques qui sont responsables d’un meurtre social à grande échelle.

La lutte pour mettre fin à la pandémie doit être menée avec la compréhension que ce qui est nécessaire est une lutte politique résolue, non seulement contre le gouvernement Johnson, mais encore contre tous ceux qui cherchent à faire dérailler une telle lutte – en particulier les bureaucraties du Parti travailliste et des syndicats.

Depuis plus d’un an, le chef du Parti travailliste Sir Keir Starmer ne fait, comme il s’y est engagé au nom de l’«unité nationale», que des «critiques constructives» de Johnson, tandis que les syndicats veillent à ce que soit appliqué le programme d’immunité collective du Parti conservateur (retour au travail/réouverture de l’économie).

N’importe quel premier ministre convaincu d’avoir préconisé la mort massive de citoyens britanniques aurait à n’importe quel moment dans le passé du affronter des appels à la démission de la part du principal parti d’opposition et des demandes d’élections générales immédiates. Pas dans le cas de Johnson. Le Scottish National Party a déclaré aussi poliment que possible «Boris Johnson a le devoir de démissionner» à cause de ces commentaires, «s’ils sont vrais.» Starmer s’est contenté de répondre qu’il était «étonné» des informations, ajoutant «s’il a dit ces choses, il doit s’expliquer».

Le Parti de l’égalité socialiste (SEP) appelle la classe ouvrière à former des comités de sécurité de la base, indépendants des syndicats et du Parti travailliste – basés sur la lutte pour un programme socialiste et un gouvernement des travailleurs. Le Parti de l’égalité socialiste soutient pleinement l’appel du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) à la formation de l’Alliance internationale des travailleurs pour les comités de base (AIT-CB). Nous vous invitons à participer au rassemblement annuel en ligne du CIQI pour le 1er mai, afin de discuter ces questions cruciales et d’organiser une riposte mondiale de la classe ouvrière.

(Article paru d’abord en anglais le 27 avril 2021)

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