La crise du coronavirus en Inde entraîne une augmentation du nombre de cas de COVID-19 dans le monde

Le COVID-19 est en train d’échapper à tout contrôle en Inde. Les crématoriums tournent à plein régime tandis que les corps s’entassent. Comme l’a déclaré un habitant de Delhi au Times of India, «J’ai vécu ici toute ma vie et je passe dans cette zone deux fois par jour. Je n’ai jamais vu autant de corps brûler en même temps».

Les chiffres officiels indiquent que le pays a connu un autre record en un jour avec près de 380.000 cas de COVID-19 et 3.647 décès mercredi. L’Inde a eu 5 millions de cas en moins de trois semaines, un nombre sans précédent. Le pays vient de dépasser les 200.000 décès liés au COVID-19.

Des voyageurs s’enregistrent auprès d’agents de santé avant de se faire tester pour le COVID-19 devant une gare à Bengaluru, en Inde, le mercredi 28 avril 2021. L’Inde, un pays de près de 1,4 milliard d’habitants, est devenue mercredi le quatrième pays à franchir le cap des 200.000 décès, derrière les États-Unis, le Brésil et le Mexique. (AP Photo/Aijaz Rahi)

Les experts insistent sur le fait que la crise en Inde est bien plus grave que ce qu’indiquent les reportages officiels. Le nombre réel de cas pourrait être 10 à 30 fois supérieur aux statistiques officielles. En se basant sur le nombre sans précédent de funérailles qui ont lieu, certains ont estimé que le nombre de décès était 10 fois supérieur aux chiffres cités par les épidémiologistes des États et les représentants politiques.

Le système indien de déclaration de la mortalité toutes causes confondues est terriblement inadéquat. Un décès sur sept n’est jamais enregistré. Parmi ceux qui le sont, à peine un sur quatre est certifié par un médecin. La pandémie a encore exacerbé cette situation, car un décès attribué au COVID-19 nécessite un résultat positif récent. Malgré l’augmentation massive des cas, le dépistage en dehors des grands centres urbains reste très limité.

Selon «The Economist», «Même avec plus de 1,5 million d’Indiens qui se font maintenant tester chaque jour, le taux de dépistage par rapport à la population est toujours inférieur à un dixième de celui de la Grande-Bretagne. Et en raison de la recrudescence des cas, les laboratoires, même à Delhi, la capitale de l’Inde, sont débordés. Ils ont besoin désormais de jours pour fournir des résultats. Beaucoup meurent sans savoir qu’ils sont positifs, ou après avoir obtenu un faux négatif». Le taux de positivité à Delhi est supérieur à 30 pour cent, ce qui signifie qu’un test sur trois aboutit à une infection confirmée.

Les applications de médias sociaux sont inondées de demandes paniquées de personnes et de supplications pour obtenir de l’oxygène, des médicaments et des fournitures médicales de base afin de soigner leur famille à la maison, car les hôpitaux ne peuvent plus admettre de patients. Selon le site «Health IT» de Becker, Aanchal Agrawal, une «créatrice de contenu» de 29 ans, travaille avec 200 bénévoles qui passent au peigne fin ses 42.000 abonnés sur Twitter pour trouver de l’oxygène, des lits et des antiviraux pour les résidents infectés par le coronavirus.

Ils ont écrit: «Outre Twitter et Tinder, des citoyens ordinaires en Inde utilisent Instagram, Facebook et Google Docs pour collecter de l’aide financière et du matériel médical. Les experts ont critiqué le gouvernement du pays pour avoir autorisé des rassemblements massifs et pour ne pas avoir commandé suffisamment de vaccins nécessaires pour atteindre ses objectifs d’inoculation.» L’Inde, avec son statut de «pharmacie du monde», le plus grand producteur de médicaments génériques, n’est pas en mesure de répondre aux demandes de santé de la population.

Les amis et les familles, excédés de trouver de l’oxygène et des médicaments vitaux, se tournent vers le marché noir et les «escrocs du profit» pour obtenir ces fournitures. Les pharmaciens disent à leurs clients que le seul endroit où ils peuvent encore acheter l’agent antiviral, Remdesivir, se trouve sur le marché noir pour 100.000 roupies (1.340 dollars américains), soit plus de 30 fois son prix normal. Le salaire mensuel moyen d’un travailleur en Inde varie entre environ 12.000 (mécanicien) et 23.000 roupies (directeur du développement commercial).

De nombreux hôpitaux publics ayant épuisé leurs réserves d’oxygène médicinal, les familles désespérées se lancent dans la recherche effrénée d’un autre établissement qui peut leur apporter un traitement médical. Les lits vides des hôpitaux privés sont désormais disponibles par le biais de guerres d’enchères. Une bonbonne d’oxygène de 46 litres coûte jusqu’à 10 fois son prix normal. Beaucoup de ceux qui peuvent grappiller de l’argent doivent payer à l’avance et espérer l’obtenir le jour suivant.

Des scènes déchirantes ont été vécues par des proches transportant leurs parents, leurs frères et sœurs ou leurs enfants d’un centre médical à l’autre, pour finalement être rejetés. Un récent récit sinistre sur Twitter du Dr Eric Ding raconte: «Une mère désespérée a supplié sur le perron d’un hôpital que quelqu’un sauve son enfant de 16 mois atteint du COVID-19. Le bambin est mort sur le pas de la porte de l’hôpital peu après».

Pendant ce temps, selon Business Insider, les «super riches» de l’Inde s’échappent en masse, fuyant en jet privé alors que la pandémie s’abat sur le pays. Les riches familles indiennes paient des dizaines de milliers de dollars pour prendre des vols de dernière minute avant que les restrictions de voyage ne soient imposées, s’envolant vers des destinations populaires comme les Émirats arabes unis. Un porte-parole de la société d’affrètement «Air Charter Services India» a déclaré à l’Economic Times que l’intérêt pour les jets privés est «absolument fou».

Tandis que les reportages sur d’horribles asphyxies dues à l’épuisement des réserves d’oxygène font les gros titres des journaux, des trains «express oxygène» sont réacheminés dans toute l’Inde pour tenter de fournir de l’oxygène de qualité médicale aux zones dépourvues de ce gaz salvateur. Selon un reportage cité par New Scientist, la demande d’oxygène médicinal dans les unités de soins intensifs a bondi de 600 pour cent ces derniers jours.

Le Dr Anthony Fauci, principal conseiller médical de la Maison-Blanche, a déclaré mardi au Guardian que le développement tragique en Inde était le produit de l’échec des nations plus riches à fournir un accès équitable aux soins de santé dans le monde entier. «La seule façon de répondre adéquatement à une pandémie mondiale», a-t-il déclaré, «est d’avoir une réponse mondiale, et une réponse mondiale signifie l’équité dans le monde entier… Nous sommes tous dans le même bateau, c’est un monde interconnecté. Les pays ont des responsabilités les uns envers les autres, surtout si vous êtes un pays riche et que vous avez affaire à des pays qui n’ont pas les ressources ou les capacités que vous avez».

Pendant ce temps, les pays voisins comme le Népal, le Bangladesh, le Pakistan et le Sri Lanka sont confrontés à leurs propres défis alors que le virus se propage maintenant rapidement dans leurs communautés. Le bilan mondial de la pandémie continue de s’alourdir, avec plus de 150 millions de cas dans le monde. Aujourd’hui, on a confirmé plus de 865.000 infections, et près de 15.000 personnes sont décédées.

(Article paru en anglais le 29 avril 2021)

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