Alors que l’Inde croule sous les infections de COVID-19, le gouvernement Modi refuse de garantir des vaccins gratuits

La catastrophe du coronavirus continue de s’aggraver en Inde. Le pays a signalé hier 3.645 nouveaux décès, un nouveau record du nombre de décès dus au COVID-19 en une seule journée. L’Inde a également enregistré 379.257 nouveaux cas, un autre record mondial d’infections quotidiennes, portant son total global à plus de 18 millions de cas confirmés.

Les hôpitaux et les morgues de tout le pays, y compris dans les mégapoles comme Delhi et Mumbai, sont débordés. Malgré ces conditions mortelles, le gouvernement du premier ministre Narendra Modi a refusé de garantir la gratuité des vaccins contre le coronavirus.

Des personnes attendent de recevoir le vaccin COVID-19 à Mumbai, en Inde, le jeudi 29 avril 2021. (AP Photo/Rajanish Kakade)

Dans son discours à la nation du 20 avril, Modi a déclaré que toutes les personnes de plus de 18 ans pourraient se faire vacciner à partir du 1er mai. Avant cela, le gouvernement ne vaccinait que les personnes âgées de plus de 45 ans. Bien que Modi se soit vanté que l’Inde «dispose du vaccin le moins cher du monde», les vaccins destinés aux personnes âgées de 18 à 45 ans ne sont pas gratuits et les bénéficiaires devront payer.

Une déclaration du 19 avril du ministère de la Santé et du Bien-être familial a clairement montré que la priorité du gouvernement Modi n’est pas de protéger les vies humaines, mais les intérêts lucratifs des fabricants privés et les intérêts géostratégiques de l’élite dirigeante.

«La capacité de fabrication de vaccins du secteur privé indien, a-t-il déclaré, a été stratégiquement renforcée par des mesures décisives sans précédent. Les mesures vont de la facilitation de la recherche collaborative entre le public et le privé; des essais et du développement de produits; à des subventions publiques ciblées et à des réformes de gouvernance de grande envergure dans le système réglementaire indien.» Cette déclaration grandiose et cynique n’est pas d’un grand réconfort pour les millions d’Indiens confrontés à cette maladie mortelle.

Les médias sont dominés par des rapports déchirants sur le manque d’oxygène, de fournitures médicales de base, de vaccins et de médicaments pour lesquels il existe un besoin urgent, ainsi que sur les problèmes d’élimination des cadavres des victimes de la pandémie.

Le site Scroll.in a rapporté le 29 avril que les crématoriums sont débordés. Il notait que 300 kilogrammes de bois sont nécessaires pour qu’un bûcher funéraire puisse incinérer un corps et citait Ram Pal, un employé de crématorium, qui déclarait: «Il y a plus de corps que de bois… les corps se succèdent».

De nombreux autres rapports médiatiques révèlent que le gouvernement central et les gouvernements des États sous-estiment le nombre de décès dus au coronavirus. Des journalistes de la chaîne d’information NDTV ont visité sept lieux de crémation à Delhi. Le 28 avril, ils ont rapporté qu’au moins 1.150 décès n’avaient pas été inclus dans la liste officielle des décès dus au COVID-19 entre le 18 et le 24 avril. Les journalistes de NDTV ont été informés par un employé d’un crématorium que les personnes décédées chez elles à cause du virus n’étaient pas enregistrées comme des décès dus au COVID-19.

Interrogé par un journaliste sur l’administration d’un district qui dissimulerait le nombre exact de décès dus au COVID, le ministre en chef de l’Haryana, Manohar Lal Khatter, membre du Bharatiya Janatha Party (BJP), parti hindou-suprémaciste de Modi, a déclaré avec mépris: «Ça ne sert à rien de faire du bruit sur le nombre de personnes qui sont mortes. Car, les morts ne reviendront pas à la vie».

L’indifférence criminelle de l’élite dirigeante à l’égard des masses indiennes est mise en évidence non seulement dans les piles de cadavres qui s’accumulent, mais surtout dans son refus délibéré de suivre l’avis des experts médicaux.

Le ministère indien de la Santé a donné le feu vert aux entreprises nationales et internationales de vaccins et de médicaments pour déterminer le coût des vaccins contre le coronavirus. Dans sa déclaration du 19 avril, le ministère a indiqué que la phase III de la stratégie nationale en matière de vaccins «vise à libéraliser le prix des vaccins» et à rendre «le prix, l’approvisionnement, l’éligibilité et l’administration des vaccins ouverts et flexibles».

Dans le cadre de cet arrangement, le gouvernement Modi a accordé à deux fabricants locaux de vaccins – le Serum Institute of India (SII) et Bharat Biotech – et à une troisième société, qui produit le vaccin Sputnik, des droits de fabrication en Inde.

Cinquante pour cent des doses de vaccin fabriquées par ces sociétés seront fournies au gouvernement central, le reste étant acheté sur le marché libre à un prix décidé de manière «transparente» par ces fabricants. Au final, la charge financière sera imposée à des millions de personnes qui tentent frénétiquement de se faire vacciner.

SII vend actuellement le vaccin Covishield à 600 roupies (8,16 dollars US ou 6,73 euros) la dose pour les hôpitaux privés, 400 roupies pour les gouvernements des États indiens et 150 roupies pour le gouvernement central.

La société tente toutefois de faire passer le prix des doses fournies au gouvernement central à 400 roupies, en insistant sur le fait que les vaccins sur le marché d’exportation coûtent entre 1.125 et 1.500 roupies la dose. Entre-temps, Bharat Biotech, qui produit le Covaxin, un vaccin local pour le COVID-19, a déclaré le 24 avril que ses piqûres coûteront 600 roupies par dose pour les gouvernements des États et 1.200 roupies pour les hôpitaux privés.

L’abandon des masses indiennes par le gouvernement Modi est mis en évidence par les chiffres récents du journal Times of India qui montrent qu’il ne coûterait que 6,4 milliards de dollars, soit 0,32 pour cent du PIB de l’Inde, pour vacciner chaque citoyen indien de plus de 18 ans, soit 800 millions de personnes ou jusqu’à 65 pour cent de la population du pays.

Les médias rapportent actuellement que de nombreux États indiens ne sont pas certains de pouvoir commencer à vacciner tous les résidents de plus de 18 ans le 1er mai. Car, ils n’ont toujours pas reçu les vaccins de SII et de Bharat Biotech.

L’Indian Express a rapporté le 27 avril que des gouvernements de «l’opposition», comme ceux du Rajasthan, du Chhattisgarh, du Jharkhand, du Punjab et du Kerala, ont déclaré qu’ils devraient reporter la phase suivante du programme de vaccination de Modi, car «ils n’avaient pas assez de vaccins».

Des dizaines de milliers de personnes tentent anxieusement d’obtenir un lit d’hôpital, des médicaments vitaux et des bouteilles d’oxygène pour leurs proches; d’autres tentent de faire incinérer les corps de leurs proches. Au milieu de ces scènes horribles, les super riches indiens peuvent s’envoler en jet privé vers des lieux sûrs en Europe, des stations balnéaires de luxe dans l’océan indien ou au Moyen-Orient.

Alors qu’un vol commercial aller simple de Mumbai à Dubaï coûte environ 80.000 roupies (environ 1.000 dollars ou 900 euros), soit environ 10 fois le tarif habituel, un porte-parole d’Air Charter Service India a déclaré que la demande de vols en jet privé était «absolument folle». Comme il l’a déclaré à l’AFP le 27 avril, «Nous avons 12 vols à destination de Dubaï demain et chaque vol est complètement plein».

Le gouvernement Modi et ses homologues des États fédérés sont extrêmement nerveux face à la montée de la colère collective suscitée par leur réaction criminellement indifférente au COVID-19. Les médias sociaux et Twitter en particulier, sont dominés par des dénonciations furieuses du gouvernement et des autorités sanitaires.

Dans une tentative réactionnaire de bloquer ce déferlement, le gouvernement Modi a exigé que Twitter supprime tous les messages critiquant la réponse du gouvernement à la pandémie. Cette semaine, Shashank Yadav, 26 ans, qui a posté sur Twitter un appel désespéré pour que de l’oxygène soit donné à son grand-père mourant, a été accusé par la police de l’Uttar Pradesh de répandre des rumeurs sur la pénurie d’oxygène. Son délit supposé est «l’intention de provoquer… la peur ou l’alarme».

(Article paru en anglais le 30 avril 2021)

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