Mélenchon en appelle à Macron contre les généraux putschistes néofascistes

L’appel d’une vingtaine de généraux le 21 avril dans le magazine néofasciste Valeurs actuelles à «la sauvegarde de la nation », y compris par une intervention militaire faisant des milliers de morts en France, a levé le voile sur une crise mortelle du régime politique.

En 2017, le candidat Emmanuel Macron a exigé un vote pour lui contre Marine Le Pen pour barrer la route au néofascisme. Depuis lors, il compte sans relâche sur les forces de sécurité pour réprimer « gilets jaunes », étudiants et cheminots grévistes mobilisés contre sa politique sociale réactionnaire. A présent, sur fond de sa politique meurtrière sur la pandémie, et l’adoption de ses lois ultra-répressives sur la « sécurité globale » et contre une menace « séparatiste » posée selon lui par l’Islam, on voit que Macron couve des cliques factieuses néofascistes dans l’appareil d’État.

Toute crise majeure démasque le rôle des tendances politiques. Alors que le Parti de l’égalité socialiste (PES) appelle à la mobilisation indépendante des travailleurs contre le danger d’un coup d’État d’extrême-droite, La France insoumise encourage la classe ouvrière à se fier à l’action de Macron et des hauts gradés.

Lors d’une conférence de presse mercredi, Jean-Luc Mélenchon s’est adressé aux Français pour minimiser avec complaisance le danger de putsch néofasciste. Il leur a demandé de «ne pas confondre cette poignée d’agités, qui sera punie, avec l’armée de la République, qui pour l’essentiel est fidèle à ses obligations à l’égard du pays» .

Mélenchon a dénoncé toute tentative insurrectionnelle, en faisant appel à Macron pour rétablir l’ordre dans l’appareil d’État. « Le fait de diriger ou d’organiser un mouvement insurrectionnel est puni de la détention criminelle à perpétuité et de 750.000 euros d’amende », a-t-il dit, pour exiger que le gouvernement sévisse contre les mêmes forces de sécurité que Macron applaudit depuis son entrée en fonction.

« Il faut donc châtier les coupables, et nous demandons le châtiment des coupables. Nous demandons que le Garde des Sceaux fasse son travail. … Nous demandons que le procureur général engage des poursuites », a déclaré Mélenchon. Il a établi une longue liste de hauts responsables qu’il invitait à intervenir contre les généraux putschistes, à commencer par la ministre des Armées, Florence Parly :

« Nous demandons que le service de renseignement des armées, dont deux retraités signent ce texte, passent ce texte au crible pour savoir qui est d’active et qui est réellement à la retraite. Parmi ceux qui sont d’active, nous demandons qu’ils soient radiés de l’armée. …. Je lui demande [à Parly] de nous dire où elle en est de la sanction de ceux qui s’étaient infiltrés dans l’armée et qui organisaient de petits attroupements de nazillons. Ont-ils été expulsés de l’armée ? Y en a-t-il d’autres, les enquêtes ont-elles eu lieu » ?

Cette intervention a pour but principal d’endormir les travailleurs. Ses tentatives de rassurer ses électeurs en affirmant que les putschistes n’ont pas pour l’instant avec eux la majorité de l’armée n’ont aucune valeur. Des milliers d’officiers signataires de l’appel, liés à la presse de droite et à la candidature présidentielle néofasciste de Marine Le Pen, réfléchissent à une intervention militaire sur le sol français dont les morts, comme l’ont écrit les généraux, «se compteront par milliers ».

La question n’est pas seulement de savoir comment stopper un putsch néofasciste, mais aussi comment saper les bases de la poussée vers une dictature militaire. Or, ce processus n’est pas lié aux seules forces autour de Marine Le Pen. Le gouvernement Macron lui-même, avec sa violente répression policière et les lois liberticides qu’il impose, n’est qu’un des gouvernements qui impulsent un effondrement de la démocratie.

Le silence de Macron lui-même sur ces menaces de coup d’état en dit long sur l’impuissance des appels de Mélenchon au gouvernement pour stopper les putschistes. Ce silence n’est pas une simple erreur personnelle de Macron, mais fait partie d’un effondrement international et historique des processus démocratiques et électoraux.

Au début de l’année, le 6 janvier 2021, le président des États-Unis, Donald Trump, a lancé une tentative de putsch sur le Capitole à Washington, pour tenter d’empêcher le Congrès américain de certifier la victoire électorale de son opposant, Joe Biden. Trump a tenté son coup d’État malgré la large opposition ouvrière à sa personne et à sa politique meurtrière, ouvertement assumée, de laisser-aller sur la pandémie. La troupe n’a stoppé le putsch qu’à la dernière minute, le Pentagone ayant entravé l’envoi de la Garde nationale pendant plusieurs heures critiques.

L’ensemble de la classe dirigeante en Europe sait que la colère monte parmi les travailleurs contre les inégalités économiques et la gestion meurtrière de la pandémie, par des gouvernements maniant une politique d’«immunité collective». Alors que l’Europe est enfoncée dans sa plus grave crise économique depuis les années 1930, elle pleure plus d’un million de décès de Covid-19. Par contre, ses milliardaires se sont enrichis de plus de mille milliards d’euros en un an.

Assis sur un volcan et craignant à tout point une éruption sociale, la classe dirigeante veut se sauver en étouffant toute contestation et en renforçant massivement les forces de l’ordre. Ceci renforce aussi les tendances fascisantes, dans la police et parmi les officiers d’armée, qui sont terrifiées de la colère sociale qu’elles sentent monter autour d’elles mais qui se savent indispensables à Macron et à la Ve République.

Couper l’herbe sous les pieds des généraux néofascistes nécessite la mobilisation indépendante de la classe ouvrière. C’est la seule voie pour lutter afin de confisquer les 2.000 milliards d’euros en deniers publics partis en plan de relance pour enrichir l’aristocratie financière, d’imposer une politique sanitaire scientifique pour stopper le virus, et d’enrayer la poussée vers un État policier en transférant le pouvoir aux travailleurs, c’est-à-dire à la vaste majorité de la population.

Alors que Mélenchon rejette toute mobilisation indépendante des travailleurs, même ses avertissements sur les dangers posés par l’armée endorment ses auditeurs. Il fait remarquer que cette lettre est apparue pour le 60e anniversaire du putsch d’Alger du 21 avril 1961, pendant la guerre d’Algérie, signée par des généraux hostiles aux préparatifs du président Charles de Gaulle d’accorder l’indépendance à l’Algérie. Il déclare :

« Le 21, c’est l’anniversaire du putsch des généraux félons en Algérie. … J’ai été un peu surpris de ne pas trouver davantage de monde pour protester contre un tel document. C’est la première fois, dans un pays civilisé, depuis les événements que j’ai évoqués il y a un instant qui sont ceux de la guerre d’Algérie, c’est à dire il y a tantôt 50 ans (sic), qu’on voit des militaires à la retraite en France intervenir en groupe pour appeler leurs collègues d’active à intervenir pour rétablir je ne sais quelles fumeuses valeurs civilisationnelles ».

Or, si Mélenchon laisse entendre qu’il prend comme modèle la réaction de de Gaulle au coup de 1961, ce n’est qu’un leurre et un piège politique pour les travailleurs.

De Gaulle a stoppé le putsch de 1961 en faisant appel à l’armée à désobéir aux ordres des généraux, et aux Français à le soutenir contre les putschistes, dont le soutien venait des colons européens en Algérie et de sections du régime fasciste du général Franco à Madrid. L’armée française, qui était encore à l’époque une armée de conscription, a refusé son soutien aux putschistes. Les quelques unités de parachutistes, de troupes coloniales et de la Légion étrangère fidèles aux putschistes ont rapidement été isolées; la tentative de coup d’état s’est effondrée.

En 2021, Mélenchon tente d’établir une coalition entre le gouvernement Macron, le PS, la France insoumise et les appareils syndicaux contre les putschistes d’extrême-droite dans des conditions transformées. Non seulement Macron a fait un silence assourdissant sur la tentative de coup, mais l’armée française a un caractère entièrement différent. L’armée de métier, rompue aux crimes sanglants des guerres néocoloniales au Mali et en Afghanistan, ressemble bien plus aux paras des années 1960 qu’aux appelés de l’époque.

Surtout, les fondements économiques du capitalisme européen sont entièrement pourris. De Gaulle s’appuyait sur le soutien du Parti communiste français (PCF) stalinien, fort d’une base ouvrière de masse, et sur le boom économique des Trente Glorieuses, alors en plein essor. Macron vient à la fin de trente ans d’austérité à travers l’Europe, suite à la dissolution stalinienne de l’Union soviétique en 1991, et d’un million de morts en Europe (dont 100.000 en France) de Covid-19.

Macron a salué le dictateur collaborationniste Philippe Pétain en tant que grand soldat en 2018, avant de lancer les CRS contre les « gilets jaunes», précisément parce qu’il s’appuie lui-même sur des sentiments néofascistes dans les forces de l’ordre contre l’opposition sociale.

Ce profond virement à droite de la classe politique capitaliste en France a d’ailleurs profondément transformé les forces politiques auxquelles Mélenchon fait appel. Alors que la ministre de l’Industrie Agnès Pannier-Runacher et l’ex-candidat présidentiel PS Benoît Hamon ont tous fait le lien entre les putschistes actuels et ceux d’Alger en 1961, Mélenchon a laissé entendre qu’il nouerait facilement un front politique avec eux :

« Nous n’exigeons pour nous aucune espèce d’exclusivité dans la capacité de répondre à la situation. Et d’ailleurs, je suis sûr que, outre ceux qui se sont déjà exprimés, et qui ont bien fait de le faire sans attendre, nous serons entendus et que les uns et les autres nous allons nous concerter ».

Il faut avertir clairement les travailleurs: les forces que veut mobiliser Mélenchon ne feront rien contre le danger d’un coup d’état néofasciste. Ceci ressort très clairement de les alliés espagnols de Mélenchon, le parti Podemos en Espagne dirigé par Pablo Iglesias. Ceux-ci ont été politiquement complices des menaces d’officiers néofascistes de lancer un coup d’état afin de tuer «26 millions » d’électeurs de gauche et de casser toute opposition à la politique d’immunité collective menée par les sociaux-démocrates et Podemos au pouvoir.

En tant que premier ministre adjoint, Iglesias a nié fermement toute menace de coup, même après la publication de textos WhatsApp où les généraux applaudissaient Franco, le fascisme et appelaient à des massacres de la gauche. A la télé TVE1, il a déclaré: « Ce que disent ces messieurs, à leur âge et retraités, dans un tchat, ayant trop bu, ne pose aucune menace ».

Mélenchon ne fait qu’endormir différemment les travailleurs en France face à la menace d’un coup néofasciste. Les organisations sur lesquelles il fonde son action, notamment les appareils syndicaux, ont perdu leur base ouvrière. En effet, la CGT a réagi aux menaces dans Valeurs actuelles en indiquant qu’elle compte approfondir son intégration dans le milieu de l’armée et du renseignement. La confédération stalinienne a déclaré dans un communiqué :

« Cette affaire confirme la nécessité de renforcer le contrôle citoyen des domaines touchant à la défense. La CGT souligne, à ce propos, que le Conseil supérieur de la réserve militaire, au sein duquel elle siège, n’est plus réuni à la fréquence prévue par les textes. Il s’agit pourtant d’un lieu essentiel d’intervention citoyenne et de l’indispensable lien Armée-Nation. C’est à ce même titre que la CGT se prononce pour que le droit à la syndicalisation dans un cadre confédéré soit reconnu pour les militaires ».

Une profonde opposition, enracinée dans l’histoire, existe parmi les travailleurs de France et d’Europe au danger de l’extrême-droite. La question décisive est de percer la propagande complaisante de forces de pseudo-gauche comme Mélenchon, et d’organiser l’opposition ouvrière indépendamment des appareils syndicaux nationaux pour lutter contre la pandémie et le danger d’un coup d’État. En France, ceci nécessite la construction du PES en tant qu’alternative aux politiciens de pseudo-gauche en faillite comme Mélenchon.

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