Le ministre russe des Affaires étrangères met en garde contre une nouvelle «guerre froide»

Les tensions entre les États-Unis, leurs alliés de l’OTAN et le gouvernement russe se poursuivent malgré le retrait la semaine dernière des troupes du Kremlin de la frontière avec l’Ukraine, alliée des États-Unis. L’opposant de droite, Alexei Navalny, avait aussi annoncé – agissant manifestement à la demande de la Maison-Blanche – qu’il mettait fin à sa grève de la faim. Dans le contexte d’une possible rencontre entre les présidents américain et russe en juin, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a mis en garde mercredi contre le début d’une nouvelle «guerre froide».

Sergey Lavrov ministre des Affaires étrangères de la Russie prononce un discours à la Conférence sur le désarmement (UN Photo / Emmanuel Hungrecker) [Photo: UN / Emmanuel Hungrecker]

Après avoir annulé le déploiement de navires de guerre de la marine dans la mer Noire à la mi-avril, les États-Unis envoient maintenant un navire des garde-côtes dans ces eaux, que Moscou considère comme essentielles à sa survie géopolitique. La flotte russe y entame cette semaine des exercices de combat militaire, notamment des exercices avec des tirs réels et des hélicoptères.

Le conflit diplomatique entre la Russie et les régimes alliés aux États-Unis en Europe de l’Est, dans les pays baltes et dans les Balkans prend également de l’ampleur, Moscou ayant ajouté le personnel des ambassades d’Estonie, de Lettonie, de Lituanie et de Slovaquie à une liste de personnes qui ont reçu l’ordre de quitter le pays. Au total, seize diplomates américains, tchèques, polonais et bulgares ont déjà été expulsés, avec la perspective de dizaines d’autres expulsions à venir. Des représentants du gouvernement russe ont également été expulsés de ces pays.

Dans la foulée de l’accusation du gouvernement tchèque selon laquelle la Russie était impliquée dans une explosion à un dépôt de munitions en 2014, accusation que dément le Kremlin, la Bulgarie revendique maintenant l’implication de la Russie dans des incidents similaires sur son territoire en 2011 et 2012.

Il y a quelques jours, le ministère russe des Affaires étrangères a annoncé qu’il dressait une liste officielle des «États inamicaux». En outre, le Kremlin a déclaré qu’il avait la preuve d’un complot visant à assassiner le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, et de l’implication des Américains dans ce complot. Il n’a encore révélé aucun détail, un fait qui vaut également pour les récentes allégations des services de sécurité américains selon lesquelles Moscou aurait cherché à influencer les élections de 2020.

Alors même que les États-Unis ne cessent de dénoncer la Russie pour son «ingérence» dans les affaires américaines, la presse américaine poursuit sa promotion nauséabonde de Navalny en tant que noble opposant du président Vladimir Poutine, dans le but évident de construire un mouvement pour renverser l’actuel chef du Kremlin. Ces mêmes forces réclament depuis longtemps le sang de Julian Assange, qui est détenu et impitoyablement torturé depuis des années en raison de son opposition à l’impérialisme.

Mardi, le New York Times a publié un article d’opinion du journaliste russe Oleg Kashin intitulé «Aleksei Navalny est le véritable leader de la Russie», qui raconte une histoire fantastique sur le politicien de droite anti-immigrés, faisant de lui «un homme courageux, fier et inébranlable qui s’oppose à un système inhumain» et le leader «profond» d’un mouvement de «milliers». Selon Kashin, un agent du milieu de l’opposition qui a été récemment dénoncé par Navalny lui-même comme un «menteur et un vaurien», Poutine se réveille tous les matins et demande à son «miroir magique qui est le vrai leader de la Russie» et celui-ci «répond: Aleksei Navalny».

Le peu qui est véridique dans le commentaire de Kashin est lorsqu’il note – sans manifestement reconnaître les implications de son observation – que Navalny a compris en 2007 que «critiquer la corruption était plus convaincant que les slogans prônant la démocratie».

Le prétendu défenseur des «droits de l’homme» Navalny – qui a été récemment déchu par Amnistie internationale de son statut de «prisonnier de conscience» en raison de ses «discours haineux» dans des vidéos préconisant le meurtre de minorités ethniques et l’arrestation d’immigrants – a fini par comprendre que la «lutte contre la corruption» était le meilleur véhicule pour dissimuler son programme politique et économique réactionnaire. Facile et bon marché, pouvant être rempli de pratiquement n’importe quel contenu politique, c’est le slogan traditionnellement saisi par les politiciens de droite.

En réalité, Navalny ne dispose que de peu de soutien au sein de la population en général. Mais, en plus du patronage des États-Unis et de l’OTAN, il a le soutien de sections de l’oligarchie russe. Ces derniers cherchent à obtenir une plus grande part du butin de l’économie russe et à bénéficier d’une relation plus étroite avec l’impérialisme américain. Il convient de noter que la branche médiatique de Gazprom, le géant énergétique russe appartenant à l’État, possède le principal organe de presse libéral et pro-Navalny du pays, Ekho Moskvy.

Des personnalités de premier plan du parti communiste russe stalinien (KPRF), dont le représentant parlementaire du parti à Moscou et l’ancien gouverneur d’Irkoutsk, ont également fait valoir récemment que le KPRF devrait se ranger derrière l’opposant. Il y a quelques jours, Gennady Zyguvanov, chef du KPRF, a annoncé qu’il n’expulserait pas les deux pour leurs positions pro-Navalny, s’abstenant ainsi de provoquer une scission majeure dans son organisation.

Sur cette photo d’archive du samedi 20 février 2021, l’opposant russe de droite Alexei Navalny regarde des photographes debout au tribunal du district Babuskinsky à Moscou, en Russie (AP Photo/Alexander Zemlianichenko)

Le président Poutine craint que Navalny, soutenu par les États-Unis, des couches de l’élite politique et économique russe et des sections de la classe moyenne supérieure des grandes villes, ne soit en mesure de défier son gouvernement. Leonid Volkov, l’un des principaux conseillers de Navalny, a récemment déclaré sur Twitter que le Kremlin était vulnérable à «la pression de l’intérieur et de l’extérieur».

Mercredi, un tribunal russe a interdit au Fonds anticorruption (FBK) de Navalny de publier sur Internet, d’organiser et de diriger des manifestations, de participer à des élections et d’utiliser des dépôts bancaires. Le tribunal examine également si le FBK doit être désigné comme une «organisation extrémiste», à l’instar d’organisations comme l’État islamique. Il a ordonné la fermeture des bureaux régionaux de la FBK jusqu’à ce que cette détermination soit établie. Le média proaméricain Meduza est aussi qualifié maintenant d’«agent étranger».

Les efforts incessants de Washington pour faire tomber le gouvernement Poutine à Moscou et démanteler la Russie se déroulent parallèlement à l’escalade du face-à-face américain avec Pékin. Le fait que les deux gouvernements, russe et chinois, soient confrontés à un ennemi intransigeant, les États-Unis, les poussent à se rapprocher l’un de l’autre.

Lorsqu’on lui a demandé mardi de répondre au récent commentaire de Poutine selon lequel la Russie tracerait des «lignes rouges» et que si quelqu’un les franchissait, cela aurait des conséquences désastreuses, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Wang Wenbin, a exprimé son accord. Il a déclaré que les deux pays «continuent de se comprendre et de se soutenir mutuellement pour sauvegarder leur souveraineté, leur sécurité et leurs intérêts respectifs». Il a qualifié la dernière série de sanctions anti-russes imposées par Washington de «jeu de pouvoir et mesure d’intimidation à des fins d’hégémonie».

(Article paru en anglais le 29 avril 2021)

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