Un grand jury fédéral au Michigan a autorisé mercredi un acte d’accusation complémentaire qui ajoute des charges de conspiration en vue de l’«utilisation d’une arme de destruction massive» contre trois accusés et des violations de la législation sur les armes à feu contre deux accusés qui ont comploté pour enlever et exécuter la gouverneure du Michigan, la démocrate Gretchen Whitmer, l’automne dernier.
Il est important de noter que l’acte d’accusation complémentaire émis par la cour de district des États-Unis pour le district occidental de la division sud du Michigan et signé par le juge en chef, Robert J. Jonker, indique que le complot était un acte de «terrorisme domestique.» D’une manière générale, un procureur – ou un grand jury – peut procéder par un acte d’accusation complémentaire lorsque de nouvelles preuves ont été trouvées et que la portée des accusations s’est élargie.
Le nouvel acte d’accusation ajoute le deuxième chef d’accusation et stipule qu’Adam Fox, 40 ans, de Wyoming, Michigan, Barry Croft Jr, 45 ans, de Bear, Delaware, et Daniel Joseph Harris, 23 ans, de Lake Orion, Michigan, «avaient l’intention d’utiliser... des engins destructeurs pour faciliter leur projet d’enlèvement de la gouverneure, en nuisant à l’équipe de sécurité de la gouverneure et à tout agent des forces de l’ordre intervenant.» L’acte d’accusation indique également que les trois personnes «ont voyagé dans le cadre d’un commerce interétatique et ont utilisé une installation de commerce interétatique dans la poursuite de l’infraction.»
L’acte d’accusation ajoute que Croft et Harris «possédaient sciemment une arme à feu» qui n’était «pas enregistrée à leur nom» et que Harris possédait en outre un fusil d’assaut semi-automatique «avec un canon de moins de 16 pouces de long» qui n’était pas non plus enregistré à son nom.
Au total, le nouvel acte d’accusation contient quatre chefs d’accusation, dont les charges fédérales retenues contre les six auteurs de l’enlèvement l’automne dernier. Le 8 octobre 2020, le ministère américain de la Justice a annoncé l’arrestation des six hommes qui étaient liés à une organisation connue sous le nom de «Wolverine Watchmen». Sept autres personnes ont également été arrêtées et font face à une série d’accusations en lien avec le complot visant à enlever Whitmer de sa maison de vacances et à la laisser en rade dans un bateau sur le lac Michigan. On sait que les comploteurs ont envisagé de transporter Whitmer dans le Wisconsin pour la «juger» pour trahison et l’exécuter ensuite.
L’acte d’accusation initial contenait des détails importants sur la manière dont les conspirateurs communiquaient entre eux, sur les lieux où ils se rencontraient, sur leurs discussions et sur ce qu’ils faisaient pour préparer l’enlèvement prévu. Parmi ces détails figuraient: (1) l’organisation d’«exercices d’entraînement sur le terrain» comprenant des «tactiques de combat» telles que l’attaque de véhicules à moteur à l’aide de fusils d’assaut semi-automatiques et de munitions réelles; (2) une surveillance diurne de la maison de vacances de la gouverneure; (3) une surveillance nocturne de la maison de vacances de la gouverneure et d’une rampe de mise à l’eau publique voisine, à l’aide de radios bidirectionnelles et d’une lunette de vision nocturne; (4) inspection de la partie inférieure d’un pont autoroutier près de la résidence secondaire de Whitmer, à la recherche d’un endroit où installer une charge explosive; (5) test d’un engin explosif improvisé contenant des éclats d’obus à proximité de silhouettes humaines suspendues par les conspirateurs afin d’évaluer son efficacité; (6) achat d’un dispositif à haute tension de type Taser.
Le nouvel acte d’accusation ajoute plus de détails aux faits du complot, notamment: (1) Daniel Joseph Harris a indiqué, par le biais de «communications Internet cryptées», qu’il était un vétéran de l’infanterie du Corps des Marines qui «peut faire exploser des choses si vous me donnez ce dont j’ai besoin» et qu’il pouvait utiliser un cordon détonateur à retardement; (2) Croft et Harris se sont rendus dans le Wisconsin où ils ont «assemblé et tenté de faire exploser deux engins explosifs improvisés contenant des éclats d’obus»; (3) Croft et Harris ont «réussi à faire exploser un engin explosif improvisé contenant des éclats d’obus à proximité de silhouettes humaines pour évaluer son efficacité en tant qu’arme antipersonnel»; (4) Fox et Harris ont commandé des explosifs «à un agent du FBI sous couverture se faisant passer pour un co-conspirateur» et ont tenté de se rendre à Ypsilanti, dans le Michigan, pour effectuer un paiement de bonne foi pour ces explosifs.
Dans une section de l’acte d’accusation intitulé «Méthodes et moyens», il est révélé que Fox et Croft sont affiliés à l’organisation fasciste «Three Percenters». Le document explique ensuite que les accusés ont été inculpés de «terrorisme domestique» parce qu’ils «se sont engagés dans des activités relevant de la juridiction territoriale des États-Unis, qui ont impliqué des actes dangereux pour la vie humaine, en violation des lois pénales des États-Unis ou de tout État, et qui étaient destinés à intimider ou contraindre une population civile, à influencer la politique d’un gouvernement par l’intimidation ou la coercition, ou à affecter la conduite d’un gouvernement par la destruction massive, l’assassinat ou l’enlèvement.»
Comme l’a souligné Buzzfeed, l’accusation de terrorisme domestique signale un changement dans la façon dont le ministère de la Justice aborde l’affaire, en déclarant: «Bien qu’il n’y ait pas de sanctions statutaires pour le terrorisme domestique au niveau fédéral, définir l’affaire de cette façon pourrait augmenter de manière significative les peines que les défendeurs ... encourent s’ils sont condamnés pour les autres chefs d’accusation.» Selon un communiqué de presse du ministère de la Justice, «les accusés Adam Fox, Barry Croft, Kaleb Franks, Daniel Harris et Brandon Caserta risquent chacun une peine de prison à vie s’ils sont reconnus coupables de complot d’enlèvement. Fox, Croft et Harris risquent chacun la prison à vie s’ils sont reconnus coupables de conspiration en vue d’utiliser une arme de destruction massive.»
Alors que les accusations et la poursuite des condamnations à perpétuité contre les comploteurs du Michigan par le gouvernement fédéral s’intensifient, un effort notable est en cours pour empêcher que les liens entre les individus et les organisations au sein de l’establishment politique américain – sans parler des forces de l’ordre et de l’armée américaine – et les groupes et organisations fascistes et suprématistes blancs ne soient révélés au public. Cet effort est mené par le Parti démocrate et l’administration du président Joe Biden, qui n’a cessé d’appeler à l’«unité» avec ses «collègues républicains» depuis son entrée en fonction le 20 janvier.
Comme pour les membres de la foule fasciste qui ont été inculpés au pénal dans le cadre de la tentative de coup d’État du 6 janvier visant à renverser les résultats des élections de 2020, les connexions politiques, organisationnelles et financières entre les insurgés et le Parti républicain et la Maison-Blanche de Trump sont couvertes et enterrées. L’assaut donné par des extrémistes de droite armés au Capitole de Lansing, dans le Michigan, il y a un an – qui a été le précurseur du complot visant à kidnapper Whitmer – et le siège du Capitole américain du 6 janvier ont tous deux été coordonnés et encouragés par Trump, ses conseillers et ses partisans au Congrès américain.
Dans le même ordre d’idées, Jonathan Joshua Munafo, 34 ans, d’Albany, dans l’État de New York, a été arrêté et inculpé de communication d’une menace interétatique dans une plainte déposée vendredi qui décrit une enquête plus large impliquant Munafo et des appels téléphoniques menaçants plus tôt cette année. La plainte indique que la veille de l’insurrection au Capitole américain, un homme qui s’est identifié comme «Yankee Patriot» a passé des appels téléphoniques menaçants répétés au service de répartition des urgences du comté de Calhoun, dans le Michigan.
L’agent spécial du FBI Richard Trask, enquêteur principal dans l’affaire de l’enlèvement de Whitmer, a écrit: «L’appelant, identifié par la suite comme Jonathan Munafo, a passé environ 143 appels demandant à parler à un shérif adjoint ou à un sergent, occupant la ligne d’urgence pendant plusieurs heures.»
Munafo a dit à une répartitrice qu’il savait où elle vivait et a divulgué des informations personnelles sur son hypothèque et ses impôts. Trask a écrit dans sa déclaration sous serment que «Munafo a dit à la répartitrice qu’il la mutilerait, la tuerait et attaquerait sa famille si elle ne mettait pas un adjoint ou un sergent en ligne.» L’analyse de l’ordinateur de Munafo par le FBI a montré qu’il avait fait des recherches en ligne sur la gouverneure Whitmer ainsi que sur l’emplacement des magasins d’armes dans les jours précédant l’insurrection du Capitole.
Le 6 janvier, les enquêteurs du FBI ont retracé les appels téléphoniques jusqu’à un fournisseur de services téléphoniques par Internet. Le numéro de téléphone a conduit à un autre fournisseur qui a donné aux enquêteurs le nom d’utilisateur de l’abonné, son adresse électronique et l’adresse IP utilisée au moment des appels menaçants. Selon Trask, ces adresses appartenaient toutes à Munafo.
(Article paru en anglais le 1er mai 2021)