La colère populaire monte en Inde devant la mauvaise gestion criminelle de la pandémie par le gouvernement Modi

Avec un bilan quotidien officiel de plus de 3.000 décès dus au COVID-19 et une moyenne de plus de 370.000 nouvelles infections par jour, l’Inde est désormais l’épicentre de la pandémie mondiale.

Dans toute l’Inde, la colère populaire monte face à l’incapacité du premier ministre Narendra Modi et de son gouvernement suprématiste hindou du Bharatiya Janata Party (BJP) à contenir le virus. Le manque d’oxygène dans les hôpitaux; l’absence de médicaments essentiels pour traiter les malades; et les scènes horribles aux crématoriums qui brûlent des corps 24 heures sur 24 et qui peinent pourtant à faire face à l’afflux de cadavres: tout cela scandalise les gens.

«Il [Modi] a allumé des bûchers funéraires dans chaque maison», dit Neena en pleurant, une femme endeuillée par la mort de son jeune frère Praveen, 50 ans, dans une vidéo publiée le 25 avril sur YouTube par l’hebdomadaire indien «Caravan».

Des proches se préparent à incinérer des victimes du COVID-19 sur un terrain transformé en crématorium à New Delhi, en Inde, le samedi 1er mai 2021. (Source: AP Photo/Amit Sharma)

La vidéo de «Caravan», qui présente un reportage sur place dans un crématorium à Old Seemapuri, une localité du nord-est de Delhi, montre des corps de victimes du COVID-19 brûler toute la nuit alors que d’autres cadavres continuent d’arriver. Assise dans le crématorium à côté du corps enveloppé de son frère mort, Neena maudit le premier ministre avec colère: «Il a détruit le pays tout entier. Ce Modi, pour quoi prend-il nos votes? Prend-il des votes pour tuer des gens?» Elle a ajouté: «Va-t-il jouer sa politique sur tous nos bûchers funéraires? Il regarde le spectacle de nos bûchers».

La femme en pleurs condamne le manque d’installations sanitaires qui a conduit à la mort de son frère, en disant: «Mon jeune frère, il n’a pas pu obtenir un lit. Nous avons parcouru tout Delhi avec lui, mais mon frère n’a pas pu avoir de lit et pas d’oxygène non plus. Qui est responsable de cela? Modi, le gouvernement de Delhi – qui est responsable?»

Des tragédies macabres similaires se déroulent quotidiennement alors que le système de santé délabré du pays – en particulier dans le territoire de la capitale nationale de Delhi – est submergé par un tsunami de victimes du COVID-19. Le 1er mai, douze personnes sont mortes à l’hôpital Batra de Delhi après une interruption de 80 minutes d’approvisionnement en oxygène médical.

Le directeur général de l’hôpital, le Dr Sudhanshu Bankata, a déclaré à NDTV que d’autres décès n’étaient pas à exclure: «Il s’agit de patients dont le niveau d’oxygène a chuté lorsque l’approvisionnement était faible… C’est difficile de ranimer de tels patients. Les 24-48 prochaines heures sont critiques… 220 patients sont actuellement sous oxygène».

«Le plus gros goulot d’étranglement», a ajouté le Dr Bankata, dans une interview accordée au Hindustan Times, «est que Delhi a besoin de 700 TM (tonnes métriques) d’oxygène par jour, mais qu’on lui a alloué 490 TM, qui n’arrivent jamais», «Notre besoin (en fonction du nombre de lits ICU et non ICU) a été évalué à 6,5 TM, mais on ne nous alloue que 4,9 TM à cause de cette pénurie».

La tragédie de l’hôpital Batra n’est qu’une parmi tant d’autres. La semaine dernière, 25 patients atteints du COVID-19 sont morts à l’hôpital Jaipur Golden de Delhi lorsque son approvisionnement en oxygène s’est épuisé.

Selon le ministre en chef de Delhi et chef du parti Aam Aadmi (AAP), Arvind Kejriwal, Delhi n'a reçu vendredi dernier que 312 TM sur les 380 TM d'oxygène qui lui étaient allouées.

Au cours des deux dernières semaines, Kejriwal a multiplié les appels désespérés à l’aide du gouvernement central de Modi. Dès le 1er avril, on a averti le bureau du premier ministre de l’imminence d’une pénurie catastrophique d’oxygène. Cependant, ce n’est que le 22 avril qu’il a commencé à détourner l’oxygène destiné à l’industrie vers les hôpitaux débordés du pays.

Le gouvernement Modi et ses prédécesseurs, qu’ils soient dirigés par le BJP ou le Parti du Congrès, portent la responsabilité de la catastrophe actuelle. Ils n’ont jamais consacré plus qu’un pathétique 1,5 pour cent du PIB aux soins de santé publics. Le gouvernement AAP de Kejriwal et les autres gouvernements des États dirigés par l’opposition sont également criminellement coupables de la catastrophe en cours. Malgré les nombreux avertissements des experts scientifiques, ils ont refusé de consacrer des ressources massives au renforcement des infrastructures médicales pendant les 16 mois qu’a duré la pandémie. Et comme le gouvernement central, les gouvernements des États se sont tous farouchement opposés à la fermeture des entreprises non essentielles, à la fourniture d’une aide sociale aux personnes touchées par la crise et à d’autres mesures de santé publique nécessaires de toute urgence, alors même que les infections au COVID-19 en Inde grimpaient à partir de la mi-février.

Tout indique que la propagation de la pandémie à travers l’Inde va continuer à s’accélérer dans les jours et les semaines à venir, alimentée par de nouveaux variants plus infectieux et mortels et par la négligence flagrante et néfaste des autorités.

Samedi, le nombre de cas quotidiens de COVID-19 a dépassé les 400.000 pour la première fois et l’Inde a enregistré officiellement 401.993 nouvelles infections, un record mondial. Le nombre de cas actifs s’élève actuellement à 3,3 millions, ce qui représente près d’un sixième des 19,16 millions de cas enregistrés par l’Inde depuis le début de la pandémie. Après les 3.689 décès quotidiens enregistrés samedi, le bilan officiel s’élève à 215.542 morts.

Modi a assuré aux grandes entreprises qu’il ne porterait pas atteinte à leurs intérêts en imposant un confinement national pour contenir la pandémie galopante. Dans son «discours à la nation» du 20 avril, il a promis que son gouvernement «sauverait le pays du confinement», et non la population des ravages du virus. De même, il a exhorté les gouvernements des États à n’envisager le confinement qu’en dernier recours et à se concentrer sur des mesures de «micro-contrôle», afin de maintenir l’économie «ouverte» et les profits des grandes entreprises.

Les experts, y compris un grand nombre de ceux qui conseillent le gouvernement, insistent sur le fait que le seul moyen d’enrayer la transmission accélérée du virus est d’imposer un confinement national. Certains membres du groupe de travail COVID-19, un organe d’experts techniques qui conseille le gouvernement central, «insistent fortement» pour un confinement national, a rapporté dimanche l’Indian Express. Le président de ce groupe de travail, V. K. Paul, rend compte directement au premier ministre Modi.

L’Express cite un membre du groupe de travail qui a déclaré: «Le groupe de travail COVID-19 essaie de communiquer cela de manière très agressive depuis quelques semaines, que nous devrions dire aux personnes au sommet que nous devrions avoir un confinement». Un autre membre a commenté: «Un confinement à l’échelle nationale plutôt que ce que nous faisons maintenant, par petits bouts à travers les États, en raison du simple fait qu’il se propage partout».

Les experts qui ont parlé à l’Express en faveur d’un confinement national ont mis en avant trois facteurs clés pour appuyer leur demande. L’un d’eux était «la colère croissante qui monte» parmi les professionnels de la santé et les travailleurs accablés. Un membre a déclaré: «Ils (les médecins) demandent pourquoi nous ne faisons rien pour contenir la propagation. Les ambulances font la queue les unes après les autres, les patients nous supplient, une pénurie perpétuelle existe des bouteilles d’oxygène, les médecins sont mécontents et inquiets. On doit faire une pause. Les infections parmi les travailleurs de la santé sont également en hausse».

Un autre problème critique signalé par l’Express est «la situation qui se dessine dans l’Inde rurale», qui «doit être traitée de toute urgence.» Un membre du groupe de travail a précisé: «Nous ne savons pas ce qui va se passer là-bas [dans les zones rurales]. Sans parler des infrastructures de soins critiques, les petites villes et les villages ne sont pas du tout préparés. Nous ne pouvons pas vivre dans le déni».

Le gouvernement Modi fait tout ce qu’il peut pour résister aux demandes de confinement qui interromprait le flux des bénéfices vers les banques et les super-riches auxquels il est redevable. C’est pourquoi il s’est entêté à ignorer des semaines d’avertissements de la calamité qui s’abat maintenant sur le pays. Reuters a rapporté dimanche que le Consortium indien sur la génétique du SRAS-CoV-2 ou INSACOG – un forum de conseillers scientifiques mis en place par le gouvernement – avait averti les responsables indiens au début du mois de mars qu’un nouveau variant «mutant double» du COVID-19, plus contagieux, s’était installé dans le pays. «Malgré l’avertissement, se plaignent quatre des cinq scientifiques de l’INSACOG qui se sont entretenus avec Reuters, le gouvernement fédéral n’a pas cherché à imposer des restrictions majeures pour arrêter la propagation du virus».

Citant Ajay Parida, directeur de l’institut public des sciences de la vie et membre de l’INSACOG, Reuters poursuit: «Les chercheurs de l’INSACOG ont détecté pour la première fois le B.1.617, qui est maintenant connu comme le variant indien du virus, dès février.» Soulignant que le nouveau variant du virus était «très préoccupant», les conclusions du forum – à savoir que celui-ci pouvait plus facilement pénétrer dans une cellule humaine et contrer la réponse immunitaire d’une personne – ont été communiquées au ministère indien de la Santé avant le 10 mars. Cependant, le ministère de la Santé a retardé sa publication d’environ deux semaines (jusqu’au 24 mars), puis il a omis les mots «très préoccupant» dans son communiqué de presse, dans ce qui ne peut être décrit que comme une tentative délibérée de dissimuler le danger.

Lorsque Reuters a demandé ce qui se cachait derrière l’indifférence et l’hostilité du gouvernement à l’égard des conclusions de l’INSACOG, Shahid Jameel, président du groupe consultatif scientifique, s’est plaint: «Les autorités n’accordaient pas suffisamment d’attention aux preuves lorsqu’elles définissaient leur politique». «La politique, a-t-il ajouté, doit être fondée sur les preuves et non l’inverse. Je crains que la science n’ait pas été prise en compte pour orienter la politique».

Comme le «World Socialist Web Site» l’a seul fait valoir avec force depuis les premiers stades de la pandémie au printemps dernier, la politique que le gouvernement Modi et l’élite dirigeante indienne, ainsi que leurs homologues du monde entier, mènent, quelle que soit la rhétorique officielle, n’est autre que la politique meurtrière et pseudoscientifique de «l’immunité collective».

Dans la poursuite de cette politique, Modi, agissant au nom des intérêts lucratifs des PDG et des milliardaires indiens, a maintenu l’économie ouverte, permettant au virus mortel de se propager sans contrôle dans tout le pays. De plus, cela a été fait en sachant parfaitement que cela conduirait à des décès en masse. En mai dernier, alors que le gouvernement BJP réduisait agressivement les mesures de confinement, l’un des conseillers de «santé» de Modi, Jayaprakash Muliyi, a cavalièrement écarté la perspective de voir «au moins deux millions» d’Indiens mourir de la pandémie, en déclarant: «La mortalité est faible, laissons les jeunes sortir et travailler».

(Article paru en anglais le 3 mai 2021)

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