Facebook revient sur la censure d’un article du WSWS qui réfute la théorie complotiste du «labo de Wuhan»

Vendredi dernier, Facebook a informé les utilisateurs que l’article du «World Socialist Web Site» intitulé «La théorie complotiste du “Labo de Wuhan” lancée par le Washington Post est démasquée» avait été censuré de manière inappropriée.

L'article du WSWS rapportait l'aveu du Washington Post que le gouvernement américain n'avait présenté aucune preuve que le COVID-19 avait été créé par une arme biologique, malgré la promotion par le Post lui-même de cette théorie du complot réfutée.

Dès le 25 février, Facebook a bloqué le partage de l’article du WSWS, affirmant qu’il allait « à l’encontre de nos normes communautaires» et déclarant que l’article contenait «de fausses informations qui ont été réfutées à plusieurs reprises».

Une vue du laboratoire P4 à l’intérieur de l’Institut de virologie de Wuhan. La photo fut prise après une visite de l’équipe de l’Organisation mondiale de la santé à Wuhan, dans la province chinoise du Hubei, le mercredi 3 février 2021. (AP Photo/Ng Han Guan)

Tout personne ou groupe qui tentait de partager l’article recevait un avertissement et certains dont les journalistes du WSWS eux-mêmes, étaient temporairement suspendus pour avoir publié l’article.

Mais après avoir muselé pendant deux mois quiconque tentait de partager l’article, Facebook a envoyé des messages aux utilisateurs déclarant: «Nous sommes désolés de nous être trompés. Nous avons réexaminé votre publication et elle est conforme à nos normes communautaires».

L’affirmation du gouvernement Trump que le COVID-19 était un «virus militarisé» était centrale à son incitation raciste contre les Asiatiques et les Asiatiques-Américains. Trump l’avait lancée en déclarant que le COVID-19 était un «virus chinois» et un «Kung-flu».

Le 29 mars, quelques jours seulement après la censure de l’article du WSWS par Facebook, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un rapport mettant en pièces les affirmations du gouvernement américain sur un virus «militarisé». L’OMS déclara que l’affirmation que le COVID-19 avait été créé comme une arme ne méritait même pas discussion ; qu’une fuite accidentelle en laboratoire était «extrêmement improbable» et que cela ne requérait pas d’examen supplémentaire.

L’aveu de Facebook soulève des questions brûlantes. Qui a pris la décision de supprimer l’article du WSWS en premier lieu, et pour quels motifs? Le Washington Post ou son propriétaire Jeff Bezos ont-ils exigé qu’on supprime l’article? Et pourquoi devrait-on attendre deux mois entiers pour que Facebook revienne sur sa mauvaise décision?

L’article accuse le Washington Post de promouvoir délibérément une théorie du complot fausse, discréditée et dangereuse, dont la diffusion violait clairement les propres politiques de Facebook en matière de désinformation sur le COVID-19, et qui visait à promouvoir la haine raciste des Asiatiques et des Asiatiques-Américains.

Après ce qui fut apparemment un examen méticuleux de deux mois, les vérificateurs de faits de Facebook n’ont rien trouvé de faux dans les affirmations du WSWS.

De plus, pourquoi le WSWS, qui cherchait à faire connaître la position de l’OMS sur la théorie complotiste du laboratoire de Wuhan, a-t-il été censuré alors qu’on n’a pris aucune mesure à l’encontre du Washington Post qui lui, a fait la promotion d’une théorie du complot discréditée et raciste, colportée par le gouvernement Trump?

Pour ne citer qu’un seul exemple, le 14 avril 2020, le Washington Post a publié une colonne de Josh Rogin intitulée «Des câbles du Département d’État ont averti de problèmes de sécurité au laboratoire de Wuhan qui étudie les coronavirus de chauve-souris» ; l’article citait un responsable anonyme du gouvernement Trump disant: «En ce moment, le grand livre du côté de la fuite du laboratoire se trouve rempli de points tandis qu’on n’a presque rien de l’autre côté».

L’article de Rogin déclare : «Un haut responsable du gouvernement m’a dit que les câbles fournissent une preuve de plus pour soutenir la possibilité que la pandémie est le résultat d’un accident de laboratoire à Wuhan».

Mais en juillet, lorsqu’on a publié le câble diplomatique complet auquel Rogin fait référence, le Post lui-même a conclu: «Le câble complet ne renforce pas l’affirmation selon laquelle un accident au laboratoire a provoqué la fuite du virus». Contrairement aux affirmations de Rogin, les câbles n’indiquaient aucune violation des protocoles de sécurité au laboratoire: ils notaient plutôt que le manque de personnel empêchait le laboratoire de fonctionner à pleine capacité.

La conclusion est que soit Rogin et le Washington Post ont servi de relais à la théorie raciste du complot du gouvernement Trump sans lire les documents qu’ils citent en preuve. Soit, pire, ils ont eu accès aux documents, mais ont menti sur leur contenu. À ce jour, le Post n’a pas publié de rétractation de l’article de Rogin.

La promotion du mensonge du «labo de Wuhan» par le Washington Post ne s’est pas limitée à Rogin. Le 5 février, le Post a publié un éditorial qui reprend la position du département d’État de Trump, selon laquelle «un accident ou une fuite de laboratoire» représentait une explication «plausible» de la pandémie.

Mais quelques semaines plus tard, le Post fit un aveu accablant. Le Post déclara dans un éditorial: «Une transparence totale est nécessaire de la part de la Chine, mais aussi des États-Unis. Les renseignements qui sous-tendent les déclarations de Pompeo devraient être déclassifiés, avec une protection adéquate des sources et des méthodes. La vérité compte, et les États-Unis ne devraient cacher aucune preuve pertinente».

L’article du WSWS censuré par Facebook notait: «Cette présentation apparemment impartiale dissimule un aveu accablant. C’est une reconnaissance tacite que le Post ne possède pas l’ombre d’une preuve pour étayer ses affirmations précédentes selon lesquelles la libération du virus est un scénario “plausible”».

Le rapport de l’OMS sur les origines du COVID-19 était un revers accablant pour les efforts fait par le gouvernement américain pour diaboliser le gouvernement chinois – et par conséquent aussi le peuple chinois et les sino-américains – en affirmant qu’ils portaient la responsabilité de la mort de trois millions de personnes.

Mais ces mensonges ont déjà eu leur effet. Comme l’a clairement montré l’audition sur la «discrimination et la violence à l’encontre des Américains d’origine asiatique», organisée en mars par la Commission judiciaire de la Chambre des représentants, l’affirmation que la Chine est responsable du COVID-19 a joué un rôle direct dans d’innombrables attaques violentes contre des Américains d’origine asiatique, dont certaines ont été fatales.

La suppression par Facebook de l’article du WSWS réfutant la théorie complotiste du «labo de Wuhan» met en évidence une réalité fondamentale: la cible centrale du filet de censure créé par les sociétés de médias sociaux ne sont pas les partisans d’extrême droite des théories racistes du complot mais les opposants de gauche à la guerre et au militarisme.

Ce point a été mis en évidence en novembre l’année dernière. Lorsque Sundar Pichai, PDG de Google, s’est vu demander lors d’une audience du Congrès de nommer une «personne ou entité de haut niveau d’idéologie libérale que vous avez censurée», le PDG de Google a répondu en indiquant le WSWS.

La censure du WSWS par Google se poursuit. Une recherche sur «Projet 1619», le travail de falsification historique du New York Times démentie pour la première fois par les principaux historiens américains sur les pages du «World Socialist Web Site», ne renvoie pas au WSWS avant la sixième page.

(Article paru d’abord en anglais le 3 mai 2021)

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