Il y a 75 ans: La Constitution française d'après-guerre est rejetée par référendum national

Maurice Thorez en 1948

Le 5 mai 1946, un projet de constitution pour la France de l'après-guerre est rejeté de justesse lors d'un référendum national, ce qui reflète la forte polarisation sociale et la faillite des partis stalinien et social-démocrate, tous deux engagés dans la restauration du régime capitaliste.

Avec la libération de la France de l'Occupation nazie à la fin de 1944, des sections de l'élite dirigeante du pays, ainsi que les puissances alliées, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l'Union soviétique, s'efforcent de mettre en place un gouvernement. L'élite dirigeante française et son establishment politique étaient largement discrédités, en raison de leur participation au régime de Vichy, qui avait collaboré avec les nazis.
En 1944, un gouvernement provisoire a été déclaré, dirigé par le général Charles de Gaulle. Après la défaite finale des nazis en mai 1945, une Assemblée constituante française, chargée de rédiger une nouvelle constitution, est mise en place.

Les staliniens du Parti communiste français (PCF) et les sociaux-démocrates de la SFIO entrent dans le gouvernement provisoire capitaliste de De Gaulle. Des divergences apparaissent cependant sur la configuration politique à définir dans la constitution. Le PCF et la SFIO, ainsi qu'une minorité de l'élite dirigeante, sont favorables à la création d'un parlement monocaméral, conformément à leurs tentatives de donner au nouveau régime un aspect démocratique.
De Gaulle y est hostile et préconise plutôt un régime présidentiel. Il démissionne du gouvernement provisoire en janvier 1946. Les partis traditionnels de la bourgeoisie française, dont les Modérés, les Radicaux et le Mouvement républicain populaire, qui avaient collaboré étroitement avec le PCF et la SFIO, s'opposent également au monocamérisme. Ils réclament la création d'un sénat, historiquement associé à la garantie du droit de veto effectif des propriétaires au Parlement.

Confrontés à une rupture temporaire avec leurs alliés bourgeois, le PCF et la SFIO sont les seuls à prôner le «oui» au référendum. La constitution imposant un parlement monocaméral est rejetée par 52,8 % des votants, avec une participation d'un peu moins de 80 % de la population.

La direction de la Quatrième Internationale, le mouvement trotskyste mondial, a rejeté les affirmations selon lesquelles la constitution monocamérale marquerait un pas en avant, déclarant que le fait de prôner le «oui» «signifiait, qu'on le veuille ou non, sanctionner l'État bourgeois, la propriété capitaliste, la défense nationale et l'oppression coloniale». Le programme de collaboration de classe des staliniens et des sociaux-démocrates, avertissait-il, empêchait la classe ouvrière d'intervenir de manière indépendante et ouvrait la porte aux partis de droite pour qu’ils fassent appel à des sections de la classe moyenne.

Une constitution remaniée, prévoyant un parlement bicaméral, sera adoptée lors d'un référendum en octobre.

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