Cliff Slaughter, qui, entre 1957 et 1985, a joué un rôle de premier plan au sein du Comité international de la Quatrième Internationale et de sa section britannique, est décédé lundi à l’âge de 92 ans. Le «World Socialist Web Site» publiera bientôt un compte rendu plus complet et critique de la vie de Slaughter.

Il est bien connu que Slaughter a rompu irrévocablement avec le trotskysme en 1986 et que les 35 années restantes de sa vie politique ont consisté en une répudiation honteuse de la politique trotskyste et de ses fondements marxistes. Cependant, en constatant sa mort, le CIQI doit attirer l’attention sur le rôle significatif que Slaughter a joué dans la lutte pour le trotskysme dans la première période de sa vie.

Les contributions les plus importantes de Slaughter, en tant que marxiste et trotskyste sont, sans aucun doute, les documents qu’il a rédigés dans les années 1960 pour s’opposer à la trahison du trotskysme par le «Socialist Workers Party» américain (le Parti socialiste des travailleurs – SWP) et sa réunification en 1963 avec le Secrétariat unifié pabliste.

Dans «Trotskyism Betrayed» et «Lenin on Dialectics» (tous deux de 1962) et «Opportunism and Empiricism» (1963), Slaughter a défendu la révolution permanente contre la capitulation pabliste au castrisme et d’autres mouvements petits-bourgeois.

Il a exposé les implications politiques réactionnaires de l’affirmation pabliste selon laquelle Castro était un «marxiste inconscient». Slaughter, se portant à la défense de la théorie léniniste du Parti, insiste sur le fait que la conscience révolutionnaire doit être introduite dans la classe ouvrière. Cette tâche, insistait-il, ne pouvait être accomplie que par la résolution de la crise de la direction révolutionnaire, c’est-à-dire par la construction de la Quatrième Internationale. Il a écrit en 1963:

Pour les marxistes, la crise de l’ancienne direction exprime sa faillite du point de vue du prolétariat et, par conséquent, le besoin urgent de développer une nouvelle direction… Un parti d’un nouveau type, le parti bolchevik, qui est le besoin primordial dans tous les pays…

Il a exposé le lien entre l’opportunisme pabliste et sa falsification «objectiviste» du marxisme selon laquelle la crise du capitalisme était si grande qu’elle permettrait à la classe ouvrière de conquérir le pouvoir même en l’absence d’une direction trotskyste. Rejetant l’objectivisme, une justification théorique de l’opportunisme, Slaughter a écrit:

Il ne peut y avoir de concession sur ce point. Le test de la dévotion de tout marxiste à la construction de l’Internationale comme seule direction de la révolution prolétarienne sera son travail insistant pour la construction du parti révolutionnaire dans chaque pays.

Slaughter a rejeté les affirmations selon lesquelles les mouvements nationalistes petits-bourgeois, alliés aux régimes staliniens de l’URSS ou de la Chine, pourraient servir de substitut à la construction du mouvement trotskyste mondial, basé sur la classe ouvrière, les qualifiant de «balivernes réactionnaires».

Tout au long des années 1960, il continue à défendre la perspective de la Quatrième Internationale. Cependant, la dérive opportuniste de la Socialist Labour League – qui est devenue en 1973 le Workers Revolutionary Party – s’exprime dans les écrits de Slaughter.

En 1972, Slaughter écrivait que «la lutte contre les modes de pensée idéalistes était nécessaire et qu’elle allait bien au-delà des questions d’accord sur le programme et la politique.» Cette formule servait à détourner l’attention de l’adaptation pabliste du WRP aux régimes nationalistes bourgeois.

Slaughter a abusé de son prestige de principal théoricien du CIQI pour légitimer et promouvoir la falsification idéaliste flagrante du marxisme et de l’opportunisme par le dirigeant du WRP, Gerry Healy. Entre 1982 et 1984, il a tenté de censurer les divergences soulevées par la Workers League.

En 1985, Slaughter a porté une immense responsabilité dans la crise dévastatrice qui a éclaté au sein du WRP. Il s’est efforcé d’empêcher une analyse des questions politiques et théoriques sous-jacentes à la crise au sein du WRP et a ainsi favorisé une rupture avec le CIQI et le trotskysme.

Les dernières décennies de sa longue vie ont constitué une répudiation complète de tout ce pour quoi il s’était battu pendant les années où il avait défendu le trotskysme contre le stalinisme et le pablisme. Sa conduite, tant sur le plan politique que sur le plan personnel, était répréhensible.

Mais ce n’est pas seulement le mal que les hommes font qui vit après eux. Le Comité international de la Quatrième Internationale, en s’opposant à la trahison politique de Slaughter, maintient tout ce qui était important dans ses contributions antérieures.

(Article paru en anglais le 6 mai 2021)