La France déconfine alors que la pandémie se maintient à un niveau élevé

Alors que les écoles du système scolaire primaire ont rouvert la semaine dernière, c’est le tour des collèges et des lycées cette semaine. Les dates de réouverture avaient été fixées dès le début du confinement partiel, Macron ayant même déclaré de façon provocatrice qu'aucun indicateur sanitaire ne changerait sa décision de rouvrir les écoles aux dates prévues.

Pendant le confinement le taux de reproduction du virus (Ro) n'est jamais descendu en dessous de 0,9 avant le 3 mai où il est descendu à 0,88. Avec un Ro à 0,9 il faut à peu près un mois pour diviser par deux le nombre de cas. Lors des deux précédents confinements le Ro était descendu beaucoup plus bas et le déconfinement était intervenu avec un nombre de cas circulant nettement plus faible. Le nombre de cas moyenné sur 7 jours était de 20.866 cas le 4 mai.

Sur cette photo d’archives du 23 mars 2020, une victime du COVID-19 est évacuée de l’hôpital civil de Mulhouse, dans l’est de la France. (AP Photo/Jean-Francois Badias, Dossier)

Le ministre de la santé, Olivier Véran, a déclaré en soutien à la politique d’optimisme affichée par Macron qu’il espère descendre rapidement bien en dessous des 20.000 cas pour la deuxième étape du déconfinement du 19 mai. Ceci alors que les écoles sont rouvertes et que la limite de déplacement de 10 km a été supprimée.

Mais le nombre de personnes qui rentrent à l’hôpital, qui est indépendant de la variation de la politique de dépistage, et qui donne un indicateur robuste de l’évolution des cas avec un décalage d’une dizaine de jours, reste élevé. Le 4 mai, 1591 personnes ont été nouvellement hospitalisées et 28.427 sont traitées pour un covid. Cela fait 6 mois que 25.000 à 30.000 personnes sont hospitalisées en permanence pour Covid-19.

Comme dans les autres pays européens, Macron a décidé de laisser circuler le virus à un niveau élevé dans le cadre d’une politique d’immunité collective, ce qu'il appelle maintenant 'vivre avec le virus'. Les dirigeants européens déconfinent à tour de bras, sachant très bien que cela relancera l'épidémie. Au plus, ils font semblant d’espérer que les campagnes de vaccination limiteront l’augmentation de la mortalité.

L’épidémie a fait en moyenne 300 morts par jour depuis le début de l’année, mais le gouvernement considère que la situation est complètement acceptable. En France et ailleurs, les gouvernements ne cessent de banaliser la mort journalière de centaines de personnes. Journaux et grands médias audiovisuels ne donnent quasiment plus le nombre de décès journalier. Le seuil des 100.000 morts a été passé en avril sans que les médias examinent sérieusement les raisons de cette catastrophe.

On tente de développer dans la population une indifférence à la mort de masse, présentée comme une fatalité, non comme le résultat de politiques bien définies auxquelles on pourrait s'opposer.

Le gouvernement a annoncé que les régions pourraient être déconfinées si elles étaient en dessous du seuil de 400 cas pour 100.000, ce qui correspond à une diffusion très active du virus. Les régions les plus durement frappées comme l’Île-de-France viennent seulement de passer sous ce seuil.

L'épidémiologiste Dominique Costagliola, qui a sévèrement critiqué le plan français de déconfinement a déclaré au Monde: «Tous les autres pays retiennent des seuils beaucoup plus bas, 40 au Japon, 100 dans de nombreux pays. En France aussi, nous avions même un seuil à 50 qu’on a oublié sans aucune explication à ce sujet.»

Elle a ajouté, «La probabilité … d’éviter une nouvelle saturation de l’hôpital est faible.» Elle a prédit «beaucoup de décès, beaucoup d’hospitalisations, beaucoup de Covid longs, qui pèseront sur les coûts de santé futurs, une démoralisation générale du personnel hospitalier, une restriction d’autres soins». Ceci se fait l’écho de modélisations de l’épidémiologiste Stefano Merler en Italie. Merler prédit, malgré l’impact des vaccins, une remontée de la mortalité quotidienne à entre 600 et 1300 en juillet, due au déconfinement.

Deux frères qui avaient appelé à Lyon à «un apéro sonore sur les quais de Saône» qui avait réuni 250 jeunes le 30 mars dernier ont écopé de 3 mois de prison avec sursis pour mise en danger de la vie d’autrui. Mais la presse ne met jamais cette condamnation sévère en rapport avec le comportement du gouvernement Macron qui envoie à une mort évitable des centaines de personnes chaque jour. On conclut qu’ils comptent, en ce qui les concerne, bénéficier d’une complète impunité judiciaire.

Alors que le seuil de 60 et 70 pour cent des adultes immunisés était évoqué il y a quelques mois pour bloquer la diffusion du virus, l'institut Pasteur déclare que selon ses modélisations, avec l'arrivée des variants plus contagieux, il faudra que la couverture vaccinale soit bien plus importante. Selon cet institut, si le niveau de contagiosité des variants se confirme et «Si la campagne de vaccination porte uniquement sur la population adulte … il faudrait que plus de 90% des adultes soient vaccinés pour qu’un relâchement complet des mesures de contrôle soit envisageable.»

Selon les épidémiologistes, pour assurer la sécurité de la population, les premières mesures de déconfinement ne devraient pas intervenir avant qu’une fraction importante de la population ne soit vaccinée et que la circulation du virus soit suffisamment réduite pour permettre de tracer et isoler tous les cas. Or les gouvernements européens déconfinent alors que la vaccination est largement insuffisante et que le nombre de cas est élevé partout. Environ 10 pour cent des Français sont totalement vaccinés, 24 pour cent ayant reçu au moins une dose. Ceci relancera l’épidémie.

Outre les malades et les décès qu’amène cette politique, elle favorise la sélection de variants susceptibles de contourner l'immunité acquise naturellement par la maladie ou par les vaccins. C’est ainsi que les variants brésilien et sud-africain qui ont cette caractéristique ont plus que doublé lors de la deuxième moitié d'avril en Île-de-France. On répète les mêmes erreurs qu’à la fin de la deuxième vague, où un déconfinement anarchique en fin d’année avait permis au variant anglais de s’implanter massivement en quelques semaines.

L’irrationalité de la politique sanitaire menée par les gouvernements européens est manifeste. La façon dont le résultat des efforts économiques et sociaux énormes imposés aux populations lors des confinements est ensuite systématiquement dilapidé par un retour complètement inconséquent à une politique d’immunité collective est particulièrement révoltante.

Le gouvernement Macron a été élu pour détruire méthodiquement des décennies d’acquis sociaux et favoriser l’exploitation éhontée du travail par le capital. Cette politique qui bénéficie à une infime minorité de la population produit des désastres sociaux. La rationalité du profit est incompatible avec une gestion rationnelle d’une société complexe bénéfique au plus grand nombre. C’est cette politique pro-capitaliste malveillante menée depuis 2020 par Macron et la classe dirigeante européenne qui explique l’irrationalité de la lutte contre la covid.

Mais une alternative doit aussi être proposée. Celle d’une politique socialiste de lutte contre la covid s’appuyant sur l’ensemble des données scientifiques et coordonnée internationalement par la classe ouvrière.

Pour cela, de nouvelles voies pour la lutte de masse doivent être proposées. Le Comité international de la Quatrième Internationale a appelé à la création d’une Alliance ouvrière internationale des Comités de base. Pour que la classe ouvrière puisse riposter, il faut frayer une voie pour coordonner ses luttes dans les usines, industries et pays contre la classe dirigeante. Cela permettra d'agir en dehors des syndicats corporatistes qui s’alignent ouvertement sur la politique d'immunité collective de la classe dirigeante et qui sont soutenus par les organisations politiques de pseudo-gauche.

Cette organisation est nécessaire pour contrer les politiques de la classe dirigeante et donner aux luttes sociales la perspective de la révolution socialiste mondiale.

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