L’incidence du changement climatique sur le Gulf Stream aura de graves conséquences sur la météo en Europe et en Amérique du Nord

Selon une nouvelle étude réalisée par une équipe de scientifiques irlandais, britanniques et allemands et publiée dans la revue Nature Geoscience (Caesar et. al., 25 février 2021), le changement climatique induit par l’homme a entraîné une réduction substantielle du débit du Gulf Stream. En outre, les chercheurs prévoient que si la tendance se maintient, ce qui est probable dans les conditions actuelles, la dégradation du Gulf Stream atteindra un «point de basculement» au-delà duquel le changement deviendra irréversible, produisant des incidences négatives majeures sur les régimes météorologiques le long des côtes de l’Atlantique Nord en Europe et en Amérique du Nord. Les résultats de cette étude corroborent les modélisations antérieures qui prévoyaient le ralentissement maintenant documenté.

Le Gulf Stream de l’Atlantique Nord, également connu sous le nom de circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), prend naissance près de la Floride, s’écoule vers le nord le long de la côte est de l’Amérique du Nord, puis se déplace vers l’est en direction de l’Europe, avant de diverger en plusieurs courants distincts. Il s’agit de l’un des principaux courants océaniques du monde ayant une influence majeure sur le climat mondial. En particulier, le Gulf Stream exerce une influence modératrice sur les régimes climatiques de l’est de l’Amérique du Nord et de l’ouest de l’Europe. Sans lui, les conditions météorologiques dans ces régions seraient plus extrêmes, avec une plus grande amplitude des températures et des précipitations, et une augmentation marquée des tempêtes violentes, voire une déviation des trajectoires des tempêtes hivernales sur l’Europe. Il accélérerait également l’élévation du niveau de la mer dans ces deux régions.

Image informatisée du Gulf Stream

L’effet modérateur du Gulf Stream sur les régimes climatiques le long des côtes atlantiques de l’hémisphère nord est dû à l’énorme quantité d’eau chaude – plus de 20 millions de mètres cubes par seconde – qu’il pompe dans l’Atlantique Nord, contrebalançant l’eau plus froide de la région arctique au nord.

Les chercheurs prévoient que le point de basculement pourrait être atteint d’ici à 2100, date au-delà de laquelle le Gulf Stream se dégraderait considérablement ou s’arrêterait entièrement. Une fois que cela se produira, le changement sera probablement irréversible, quels que soient les efforts déployés pour modérer le changement climatique.

Bien que l’enregistrement de mesures précises n’ait commencé qu’en 2004, les chercheurs ont pu utiliser 11 indicateurs indirects pour reconstituer les principales caractéristiques du Gulf Stream sur environ 2000 ans. Il s’agit notamment d’enregistrements de la température atmosphérique, de données sur le limon de l’Atlantique provenant de carottes sédimentaires sous-marines, d’enregistrements de populations de coraux d’eau profonde, de cernes d’arbres et de carottes de glace. Ces données ont permis d’estimer la température de l’eau et le débit du Gulf Stream. Par exemple, différentes espèces de coraux préfèrent des environnements à température spécifique. Les changements dans les populations de coraux indiquent donc les changements de température de l’eau au fil du temps. Et plus le débit de l’eau est important, plus les particules de sédiments pouvant être déplacées par le courant sont grandes. Les données recueillies, qui proviennent de sources diverses et d’endroits dispersés, présentent néanmoins un schéma globalement cohérent.

Des recherches similaires sont menées depuis des années. Un travail sur l’incidence du changement climatique sur le Gulf Stream a été publié en 2007, lorsque Zickfield et. al. ont noté que, si les tendances actuelles au réchauffement se poursuivent, il y aurait 40 % de chances que le courant océanique s’«effondre» d’ici 2100.

La sensibilité du débit du Gulf Stream au réchauffement climatique est indiquée par deux changements identifiés dans l’étude. Le premier est une légère réduction provoquée par la fin de la petite période glaciaire, une période de refroidissement naturel de la planète qui a duré de 1300 à 1850 environ. Le second est beaucoup plus important. À partir du milieu du XXe siècle, avec l’accélération du réchauffement climatique d’origine anthropique (causé par l’homme), le débit a entamé une baisse précipitée, qui est aujourd’hui de 15 % de moins que le niveau précédent. Il est maintenant à son niveau le plus bas depuis plus d’un millénaire.

Le schéma historique de l’écoulement du Gulf Stream est déterminé par ce que l’on appelle la convection profonde. L’eau chaude et salée se déplace du sud vers le nord où elle se refroidit et devient donc plus dense. Lorsqu’elle est suffisamment dense, l’eau s’enfonce dans les couches océaniques plus profondes et repart vers le sud. Le réchauffement climatique perturbe ce mécanisme: l’augmentation des précipitations et la fonte accrue de la calotte glaciaire du Groenland ajoutent de l’eau douce à l’océan de surface. Cela réduit la salinité et donc la densité de l’eau, ce qui empêche la descente et affaiblit donc le flux du Gulf Stream.

Un climat plus chaud augmente les précipitations et accélère le rythme de la fonte des glaciers, le plus important dans ce cas étant la calotte glaciaire du Groenland. Des recherches distinctes ont démontré que la fonte de la calotte glaciaire du Groenland est de 14 % plus rapide aujourd’hui qu’elle ne l’était entre 1985 et 1999.

Les chercheurs prévoient qu’au rythme actuel, en supposant qu’il n’y ait pas de réduction significative du rythme du réchauffement climatique, le Gulf Stream pourrait encore ralentir de 45 % d’ici la fin du siècle, atteignant ou approchant un point critique de non-retour.

Les conséquences de la perturbation du Gulf Stream sont une indication supplémentaire des effets véritablement catastrophiques d’un changement climatique incontrôlé. Jusqu’à présent, les maigres efforts déployés pour ralentir le rythme du réchauffement planétaire ont été terriblement inadéquats, se résumant à des paroles en l’air.

Comme dans le cas de l’absence de réponse efficace à la pandémie de la COVID-19, ce schéma criminel est le résultat direct de la volonté maniaque et myope du capitalisme de maximiser les profits, quel qu’en soit le coût, même si cela signifie rendre la terre invivable. Il suffit de regarder notre proche voisine, la planète Vénus, une serre extrême et invivable, pour voir ce qui nous attend si la classe ouvrière ne prend pas le pouvoir et ne met pas rapidement en œuvre les mesures nécessaires pour arrêter le changement climatique.

(Article paru en anglais le 4 mai 2021)

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