Les partis de droite remportent la région de Madrid alors que Podemos subit une débâcle électorale

Le Parti populaire (PP) de droite a battu le Parti socialiste espagnol (PSOE) au pouvoir et Podemos lors de l’élection régionale du 4 mai à Madrid en menant une campagne anticommuniste immonde s’opposant à toutes les mesures de distanciation sociale visant à enrayer la propagation du coronavirus. Ce fut une débâcle pour le parti Podemos, dont le secrétaire général Pablo Iglesias a annoncé qu’il allait se retirer de la politique.

Avec 44,7 pour cent des voix, le PP a remporté 65 sièges, soit un manque de quatre sièges pour une majorité absolue dans l’Assemblée législative de 136 sièges. Le parti «Plus de Madrid», issu de Podemos, a remporté 24 sièges avec 17 pour cent des voix et le PSOE 24 autres sièges avec 16,9 pour cent. Vox a obtenu 13 sièges et 9,1 pour cent des voix. Podemos est arrivé en dernière position, avec 10 sièges et 7,2 pour cent des voix, et le parti de droite Citizens s’est effondré. Le PP a remporté 175 des 179 localités de Madrid, y compris les «banlieues rouges» de la classe ouvrière qui ont longtemps voté pour le PSOE et ses alliés.

Pablo Iglesias, ancien secrétaire général de Podemos (Source: PODEMOS/YouTube)

La première ministre régionale sortante du PP, Isabel Díaz Ayuso, qui s’est présentée sur la base du slogan «Communisme ou liberté», a déclaré sur Twitter: «Madrid a choisi la liberté, l’harmonie et un gouvernement pour tous. Depuis le point zéro, nous allons retrouver l’unité, la paix sociale et la liberté dont toute l’Espagne a besoin.» Le chef national du parti Vox, Santiago Abascal, et la tête de liste de la région de Madrid, Rocio Monasterio, négocient avec Ayuso pour savoir si Vox rejoindra un gouvernement régional madrilène dirigé par le PP.

Ce vote ne constitue pas une approbation populaire de la ligne du PP et de Vox, mais surtout une répudiation dévastatrice du gouvernement espagnol PSOE-Podemos. Alors qu’Ayuso a démagogiquement qualifié Podemos de «communistes», ils ont en fait mis en œuvre les politiques fascisantes «d’immunité collective», d’austérité sociale et de renforcement de l’armée poursuivies par les gouvernements capitalistes de droite à travers l’Europe. Étant donné que les électeurs avaient un choix qui n’en était pas un entre les partis ouvertement de droite et un pseudo parti de gauche cynique mettant en œuvre des politiques fascisantes de meurtre social, les électeurs ont choisi le premier plutôt que le second.

En mars, Iglesias a quitté son poste de vice-premier ministre pour mener une «campagne antifasciste» lors des élections régionales de Madrid. Il affirma que son objectif était «d’empêcher l’extrême droite de prendre le contrôle des institutions» à Madrid. Il s’agissait cependant d’une fraude politique cynique. Son objectif était d’élaborer un cadre politique permettant de continuer à imposer «l’immunité collective» et un régime d’État policier aux travailleurs.

Pendant la campagne, le gouvernement PSOE-Podemos s’est engagé à mettre fin à l’état d’alerte – qui lui permettait d’imposer des mesures telles que les fermetures, l’imposition de port de masques, les couvre-feux ou d’autres mesures de distanciation sociale – afin que le virus puisse se propager librement. Sa politique «d’immunité collective» a obligé les travailleurs à rester au travail et les jeunes à rester dans les écoles malgré la propagation massive du virus. Selon l’Institut national espagnol de la statistique, cette politique avait déjà entraîné plus de 100.000 décès dus au COVID-19 en février.

S’étant consacrés à une politique fascisante «d’immunité collective» qui a fait plus d’un million de victimes à travers l’Europe, le PSOE et Podemos ont été incapables d’émettre la moindre critique efficace à l’encontre d’Ayuso. Terrifiés par une opposition depuis leur gauche, ils ont plutôt travaillé à renforcer l’extrême droite comme instrument pour réprimer la classe ouvrière. C’est un sérieux avertissement que la classe ouvrière ne peut combattre ni le virus ni la poussée vers un régime fascisant-autoritaire sous le diktat de partis de pseudo-gauche comme Podemos.

Un exemple frappant de la duplicité de la rhétorique «antifasciste» d’Iglesias a été la décision de son gouvernement d’envoyer des escadrons de police antiémeute lourdement armés pour surveiller les rassemblements provocateurs organisés par Vox dans les quartiers populaires de Madrid. La police antiémeute s’est employée à intimider les contre-manifestants, que les législateurs de droite ont publiquement dénoncés au Congrès espagnol.

Cela a cédé l’initiative à Vox et Ayuso. Au cours d’une campagne marquée par des menaces de mort fascisantes envoyées à Iglesias et à d’autres candidats, Vox et Ayuso ont lancé des appels d’extrême droite exploitant le dégoût populaire pour le PSOE et Podemos. Étant donné le bilan meurtrier du gouvernement PSOE-Podemos, cela a suffi à Vox et Ayuso pour remporter l’élection malgré leur propre bilan de politique criminelle.

Les généraux d’extrême droite qui soutiennent Vox, qui ont juré fidélité au fascisme, ont appelé à un coup d’État qui assassinerait «26 millions» d’Espagnols, soit 55 pour cent de la population espagnole, qu’ils considèrent comme impossible à gagner au fascisme. Ayuso, pour sa part, a affiché un mépris ouvert pour la vie humaine qui a provoqué des protestations dans les quartiers populaires de Madrid l’année dernière.

«Il est probable que pratiquement tous les enfants, d’une manière ou d’une autre, seront infectés par le coronavirus.[ ...] Ils seront peut-être infectés pendant le week-end lors d’une réunion de famille, ou l’après-midi dans le parc, ou encore ils l’attraperont d’un camarade de classe. Nous ne savons tout simplement pas», avait déclaré Ayuso. Néanmoins, avait-elle ajouté, ils «doivent retourner à l’école» et «être socialisés». Ayuso a également exigé qu’il n’y ait «aucune grève ou menace» de la part des enseignants contre sa politique de contamination des enfants, car «l’heure n’est pas au “moi, moi, moi”» des travailleurs.

Grâce aux politiques d’Ayuso, Madrid est devenue la région espagnole qui compte le plus grand nombre de décès, soit environ 24.000. Comptant pour 14 pour cent des 47 millions d’habitants de l’Espagne, elle a connu 19 pour cent des 3,5 millions d’infections par le COVID-19 en Espagne. De plus, un scandale a éclaté après l’apparition de documents internes montrant que les responsables de la région de Madrid ont émis des protocoles qui empêchaient les résidents des maisons de retraite d’être transférés dans les hôpitaux pour recevoir un traitement vital au plus fort de la pandémie.

Lors des élections régionales, cependant, on a laissé Ayuso présenter de manière démagogique sa politique meurtrière «d’immunité collective» comme une affirmation plus large des libertés individuelles que la propre initiative du gouvernement PSOE-Podemos visant à mettre fin à la distanciation sociale.

La réaction d’Iglesias au résultat de l’élection mardi relevait du cynisme et de la lâcheté. Tout en notant que «cela a consolidé la droite trumpiste», contre laquelle il était censé consacrer entièrement sa lutte, il a annoncé qu’il abandonnait la politique.

Il a avancé une justification réactionnaire: l’affirmation que ses critiques vides du fascisme sont désormais trop clivantes pour la politique espagnole. «Être utile à Podemos est ma plus grande aspiration», a-t-il déclaré, «mais au-delà de l’affection pour les camarades, il est clair que je ne suis pas une figure fédératrice. Je ne suis pas une figure qui peut contribuer à consolider cette force politique, surtout quand ils ont fait de toi un bouc émissaire jusqu’à limiter ton rôle pour améliorer la démocratie dans ton pays et mobiliser les pires opposants de la démocratie.»

«Nous avons échoué, nous sommes loin d’avoir atteint notre objectif», a-t-il déclaré, laissant transparaître un sentiment de démoralisation totale. Il a conclu: «J’abandonne toutes mes positions, je quitte la politique, si l’on entend par là la politique professionnelle. Je vais continuer à servir mon pays.»

De même, le quotidien El País, lié au PSOE, a estimé dans son éditorial que les élections prouvaient que les travailleurs soutenaient les politiques d’extrême droite. Il a écrit: «Le résultat des élections régionales de Madrid constitue un véritable tremblement de terre politique plein de conséquences immédiates pour la communauté, mais aussi indirectement pour l’état de la politique nationale. Les citoyens madrilènes ont apporté un soutien puissant à la plateforme menée par la représentante du PP, Isabel Díaz Ayuso, à son modèle de gestion de la pandémie, à sa position économique ultralibérale et à son attitude politique clivante à forte teinte démagogique.»

Il y a un danger pressant à la fois de morts en masse de COVID-19 et de régime fascisant, en Espagne et dans toute l’Europe. Cependant, les arguments d’Iglesias et d’El País rejetant le blâme sur les travailleurs oublient une chose: le rôle réactionnaire qu’ils jouent eux-mêmes. En fait, il existe une profonde opposition parmi les travailleurs aux appels aux coups d’État militaires, aux meurtres de masse fascistes, aux infections massives d’enfants et au refus de soigner les personnes âgées. Cette opposition ne peut cependant pas être mobilisée sous la bannière discréditée de Podemos.

La question vitale est la mobilisation indépendante et internationale de la classe ouvrière contre la pandémie et le danger d’un régime autoritaire. Cela implique la construction de sections du Comité international de la Quatrième Internationale (CIFI) en Espagne et à l’international en opposition aux partis de pseudo-gauche comme Podemos.

(Article paru en anglais le 6 mai 2021)

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