Montée en flèche des infections à la COVID-19 en Alberta alors que la troisième vague continue de sévir au Canada

La semaine dernière, l’Alberta a enregistré le plus grand nombre de cas actifs de COVID-19 par habitant de toutes les régions d’Amérique du Nord, soit 562 cas pour 100.000 habitants. Si l’Alberta était un pays, elle aurait le deuxième taux d’infection le plus élevé du G20, derrière l’Argentine.

Sur cette photo prise le jeudi 29 avril 2021, Sherry Cross Child, une résidente canadienne de Stand Off (Alberta), reçoit un vaccin contre la COVID-19 au poste frontalier de Piegan-Carway, près de Babb (Montana). (AP Photo/Iris Samuels)

L’augmentation rapide des taux d’infection dans la province fait partie de la troisième vague qui déferle sur le Canada. En Ontario, le nombre de patients en unités de soins intensifs atteints de la COVID-19, actuellement proche de 900, représente plus du double de la limite supérieure fixée par le gouvernement provincial pour assurer les niveaux de soins habituels. Au cours de la semaine dernière, le Manitoba est apparu comme la juridiction ayant le troisième taux d’infection le plus élevé en Amérique du Nord, derrière l’Alberta et le Michigan. Samedi, le Manitoba a signalé le décès d’une femme d’une vingtaine d’années.

Le milieu de travail constitue la principale source de propagation de la COVID-19 en Alberta, comme partout ailleurs au Canada. Ainsi, un grand nombre des nouvelles infections sont enregistrées dans les exploitations de sables bitumineux de la province, autour de Fort McMurray. C’est là un produit direct de la politique d’économie ouverte du Parti conservateur uni (PCU) ultraconservateur. Depuis le début de la pandémie, le premier ministre Jason Kenney a refusé catégoriquement d’imposer des restrictions aux activités des sociétés pétrolières et des industries connexes en Alberta, de sorte qu’un nombre croissant de jeunes qui sont en âge de travailler et par ailleurs en bonne santé, sont terrassés par des variants plus infectieux et mortels de la COVID-19.

Terre-Neuve-et-Labrador est une source importante de main-d’œuvre migrante pour le secteur énergétique de l’Alberta. Le 4 mai, le gouvernement de Terre-Neuve a signalé sur son site Internet dédié à la COVID-19 l’apparition de foyers sur de nombreux chantiers du nord de l’Alberta, notamment CNRL Albian Oil Sands Site, CNRL Jackfish, Cenovus Foster Creek, Cenovus Sunrise Lodge, CNOOC Long Lake Lodge, IOL Kearl Wapasu Oil Sands Site, Canadian Natural Resources Horizon Oil Sands Site, Syncrude Aurora, Syncrude Mildred Lake Oil Sands Site, Suncor Base Plant, Suncor Firebag, Suncor Fort Hills, Suncor MacKay River, Michels Canada, Oilsands Industrial Lodge et Grand Prairie Royal Camp Services. Les médias de l’Alberta n’ont pas signalé ces épidémies.

Cette stratégie «les profits d’abord, la vie ensuite» du gouvernement Kenney, qui est identique à celle du premier ministre ontarien de droite Doug Ford et du premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique John Horgan, vise à protéger les profits de plusieurs milliards de dollars des secteurs de l’énergie, des mines et du conditionnement des viandes de la province au détriment de la santé et de la vie des travailleurs et de leurs familles. Des reportages ont révélé que le personnel médical des hôpitaux de la province a été informé du protocole de triage, selon lequel les médecins et les infirmières doivent décider qui doit recevoir ou se voir refuser des soins en fonction de ses chances de survie.

Le Dr Darren Markland, de l’hôpital Royal Alexandra d’Edmonton, a déclaré sur les ondes au bulletin de nouvelles de CHED 630 News qu’il y avait «un véritable problème à imposer des mesures scientifiques appropriées pour contrôler la politique de santé. Les personnes que nous voyons sont jeunes. Ils nous ressemblent ou ressemblent à nos enfants. Et il n’y a rien d’autre qui cloche chez eux, si ce n’est qu’il s’agit de travailleurs 'essentiels' qui ont été placés dans des circonstances plutôt insoutenables. Il s’agit clairement d’un manque de volonté politique.»

Markland est l’un des nombreux médecins et pédiatres qui ont signé une lettre ouverte adressée au premier ministre Kenny la semaine dernière. La lettre comprend une mise en garde qu’il faut s’attendre à ce qu’il y ait entre 300 et 320 patients atteints de la COVID-19 en unité de soins intensifs d’ici la fin mai. «Ce concept de 450 lits en soins intensifs n’est vraiment pas viable, car il ne peut être pourvu en personnel et, même s’il l’était, le niveau de soins que nous pourrions fournir ne correspondrait probablement pas à notre norme de soins normale», a-t-il déclaré.

La crise croissante des soins de santé a été illustrée le 30 avril lorsque Lisa Stonehouse, une veuve de 52 ans en bonne santé, est décédée de caillots sanguins au cerveau après avoir été refusée par le service des urgences du Grey Nuns Hospital à Edmonton, plusieurs jours auparavant. Sa fille adolescente avait insisté pour que sa mère consulte un médecin après qu’elle ait souffert de maux de tête persistants immédiatement après avoir reçu sa première dose du vaccin d’AstraZeneca. Le médecin hygiéniste en chef de l’Alberta, la Dre Deena Hinshaw, a déclaré qu’il a été confirmé que le décès était lié à la thrombocytopénie immunitaire thrombotique induite par le vaccin (TTIV).

Kenney et son gouvernement ont réagi à l’aggravation de la crise en calomniant la population pour sa prétendue non-conformité aux restrictions de la COVID-19. «Il est aussi étonnant qu’aggravant, a déclaré le premier ministre lors d’une conférence de presse le 3 mai, que 14 mois après le début de la pandémie, avec plus de 2000 décès rien qu’en Alberta, il y ait encore beaucoup de gens dans la province qui ne croient même pas que la COVID est réelle, qui pensent que c’est une conspiration ou un canular du méchant gouvernement. La raison pour laquelle nous sommes à ce stade critique de la pandémie en Alberta, avec un nombre record de cas quotidiens et de patients en soins intensifs, c’est précisément parce que, pour une raison ou une autre, trop d’Albertains ignorent les règles que nous avons mises en place.»

Voilà qui est pour le moins ironique de la part de Kenney, un homme qui a passé les premiers mois de la pandémie à décrire la COVID-19 comme n’étant pas pire que la grippe, qui a systématiquement écarté tout effort pour arrêter la propagation du virus en milieu de travail, et qui a permis aux membres à l’extrême droite de son parti, le PCU, et qui représentent environ un quart de son caucus parlementaire, de faire de l’agitation contre toute restriction afin de contrer la COVID-19, quelle qu’elle soit.

Contrairement à ce que disent la bureaucratie syndicale et les groupes de pseudo-gauche comme Fightback que Kenney est l’unique source des problèmes de l’Alberta, la politique d’infection et de mort massive du gouvernement PCU est menée en étroite collaboration avec le gouvernement libéral fédéral. Mercredi dernier, les premiers ministres Justin Trudeau et Kenney se sont entretenus de la situation dans la province, Trudeau soulignant la nécessité d’une «étroite collaboration fédérale-provinciale pour le déploiement du vaccin et la gestion des impacts de la troisième vague dans la province». Trudeau, dont le gouvernement est à l’origine de la politique de retour au travail et à l’école de l’élite dirigeante canadienne et qui a insisté, dans le discours du Trône de septembre dernier, sur le fait que tout confinement futur devrait être localisé et de courte durée, n’a rien dit des infections massives dans le secteur de l’énergie ni du fait que Kenney accuse les travailleurs de propager le virus.

Les syndicats ont également joué un rôle central dans l’application des politiques d’«économie ouverte» de Kenney. Bien que l’Alberta Federation of Labour (Fédération des travailleurs de l’Alberta) ait vivement dénoncé Kenney pour sa mauvaise gestion de la pandémie, cela n’a pas empêché la bureaucratie syndicale de lancer des appels pathétiques au gouvernement PCU radical de droite pour protéger les travailleurs. Ils ont refusé catégoriquement d’organiser toute action de grève ou de manifestation industrielle visant à protéger la santé et la vie mêmes des travailleurs qu’ils prétendent représenter. Les rares fois où des débrayages et des protestations ont lieu, comme la grève sauvage d’une journée lancée par les travailleurs de la santé l’automne dernier, les syndicats étouffent ces luttes en se soumettant au système des relations de travail qui exerce des représailles sur les grévistes en leur imposant des amendes et d’autres sanctions individuelles.

Cette répression de l’opposition des travailleurs a donné au gouvernement PCU les coudées franches pour privilégier les profits des sociétés au détriment de la protection des vies humaines. Le gouvernement Kenney a assoupli les mesures de santé publique dès février, après qu’une «deuxième vague» dévastatrice l’ait obligé à contrecœur à imposer des restrictions limitées. Il a autorisé l’ouverture des restaurants, augmenté la capacité d’accueil dans les commerces et les églises, ouvert les salons de coiffure et autorisé davantage d’activités dans les salles de sport. Malgré les avertissements de l’arrivée d’une troisième vague imminente et les pressions tant des enseignants que des parents, il a refusé de fermer les écoles. Comme prévu, dès que les règles ont été assouplies, le nombre d’infections est monté en flèche. Début avril, la province a finalement interdit les repas à l’intérieur, tout en autorisant toutefois les terrasses à rester ouvertes.

La semaine dernière, en partie à cause du tollé provoqué par la mort soudaine d’une jeune fille de 17 ans en bonne santé à Calgary à cause de la COVID-19, le gouvernement a ordonné que les cours pour les étudiants des niveaux collégial et secondaire soient donnés en ligne et a interdit les activités de conditionnement physique en intérieur dans les zones à risque.

Malgré l’augmentation du nombre de cas, les restrictions imposées aux établissements de soins communautaires et aux établissements pour personnes âgées ont été assouplies dimanche afin de permettre des visites à l’intérieur pour un maximum de quatre personnes et des visites à l’extérieur pour un maximum de cinq personnes. Les résidents sont autorisés à avoir jusqu’à quatre personnes de soutien désignées, au lieu de deux, pour aider le personnel à s’occuper d’eux.

Dans une tentative de se gagner le soutien du public, Kenney a annoncé que toute personne née en 2009 ou avant pourrait s’inscrire pour recevoir une première dose de vaccin le 10 mai, après avoir rejeté pendant des semaines l’idée de donner aux étudiants et au personnel scolaire une priorité pour les vaccinations. Dans ses récents communiqués de presse, Kenney a mis l’accent sur le déploiement des vaccins, affirmant qu’ils donneraient aux Albertains le «meilleur été de tous les temps». En fait, il y a pénurie de vaccins. Le lundi 3 mai, des rendez-vous pour l’administration de la première dose de vaccin à des personnes immunodéprimées d’Edmonton connues personnellement par l’auteur de ces lignes ont été annulés à court terme en raison du manque de vaccins disponibles.

L’histoire se répète à Calgary, où les propriétaires de pharmacies ont annulé des centaines de rendez-vous. «Certaines semaines, nous ne savons pas quand nous allons recevoir le vaccin, ou encore nous ne savons pas combien de vaccins nous recevrons, parfois des semaines, sinon des jours avant de les recevoir. C’est un peu difficile. Nos téléphones ne cessent de sonner la journée longue!», a déclaré Randy Howden, propriétaire de la pharmacie Crowfoot Medicine Shoppe, sur les ondes de l’émission télévisée Global News. Chez Britannia Pharmacy, la propriétaire Susan Elzein a dû annuler des centaines de rendez-vous lorsque les livraisons de vaccins ont été annulées lors de deux des trois dernières semaines. Elle a déclaré à Global: «Je n’ai pas eu d’autre choix que d’annuler les rendez-vous de 150 personnes. Ensuite les téléphones se sont mis à sonner sans arrêt. Et des gens sont même venus à la pharmacie pour exprimer leur colère contre nous.» Elle a demandé aux gens de rediriger leur frustration vers le gouvernement provincial.

(Article paru en anglais le 11 mai 2021)

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