L’élite dirigeante française se rallie à la manifestation des flics à l’Assemblée

La manifestation mercredi de milliers de policiers devant l’Assemblée nationale, à l’appel d’une intersyndicale dominé par le syndicat néofasciste Alliance, doit sonner comme un avertissement. Les forces de l’ordre jouissent d’un soutien quasi-unanime parmi les partis politiques établis alors qu’elles appellent à la construction d’un État policier autoritaire.

Organisée suite au décès le 5 mai d’un policier à Avignon, le brigadier Éric Masson, la manifestation avait des buts politiques transparents. Alors que le Conseil constitutionnel examinait plusieurs articles de la « loi de sécurité globale », elle a exigé des peines planchers pour les individus qui auraient agressé les policiers. Les manifestants ont également dénoncé le système judiciaire et notamment le Garde des sceaux, l’ancien avocat de défense Éric Dupont-Moretti.

Fabien Vanhemelryck, le chef du syndicat Alliance-police, a fait huer Dupont-Moretti et, sous l’ovation de la foule de policiers, a clamé: « Le problème de la police, c’est la Justice ». C’était un appel à briser le système judiciaire et à instaurer un État policier.

La haine des grévistes et des manifestations sociales qui animaient les manifestants pro-police transpirait dans la remarque de l’un d’entre eux qui a confié son amour des forces de l’ordre à Europe1: « Ce sont les derniers remparts de la paix. Il y en a marre de cette guérilla permanente ».

Étaient présents le ministre de l’Intérieur et ex-membre de l’Action française Gérald Darmanin, le numéro deux du Rassemblement national néofasciste Jordan Bardella, et de nombreuses figures de l’extrême-droite dont le polémiste et soutien du régime collaborationniste de Vichy, Eric Zemmour. Bardella a déclaré: «Si nous arrivons aux responsabilités, nous rétablirons l'autorité de l’État et nous protégerons matériellement, juridiquement, administrativement et par le droit nos forces de l'ordre.»

Une intersyndicale de quatorze syndicats de police avait appelé à manifester, dont Alliance, la CFDT, et le syndicat Unité-SGP lié à FO. La CGT-Police a appelé à manifester sans adhérer aux mots d’ordre. SUD-Intérieur, le syndicat de police lié au Nouveau parti anticapitaliste (NPA), n’avait pas appelé à rejoindre la manifestation.

Ce soutien quasi-unanime pour une manifestation d’extrême-droite provenait non seulement des appareils syndicaux, mais aussi des partis politiques qui leur sont associés. Le PS, le PCF stalinien, et des forces au sein de La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon se sont rangés derrière le syndicat d’extrême-droite, alors qu’il était impossible de s’y méprendre, que ce soit sur le caractère politique de la manifestation ou sur le contexte dans lequel elle s’est déroulée.

« La police doit avoir un droit de regard sur la justice », a déclaré le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui a participé à la manifestation devant l’Assemblée. Le Bureau national du PS a publié un communiqué où le PS exprimait « son attachement et son soutien plein et entier à la police » et promettait d’envoyer une délégation de députés à la manifestation.

Anne Hidalgo, la maire PS de Paris qui prépare une candidature présidentielle, a participé à la manifestation après avoir dit à Europe1: « J’y serai avec les maires de mon équipe, de ma majorité. Il faut soutenir nos policiers, parce que ce sont eux qui nous permettent de vivre de la façon la plus pacifique dans nos quartiers ». Elle a aussi prétendu que «leur travail est très difficile, parce qu’ils ne sont pas suffisamment outillés.»

Fabien Roussel, le candidat présidentiel du PCF, a annoncé sa participation à la manifestation, en prétextant sa volonté d’assurer « que chacun se sente en paix ».

Yannick Jadot, le candidat des Verts, a participé à la manifestation après avoir tweeté qu’il voulait démontrer son « attachement » à la police et ses « attentes à leur égard pour rétablir le lien de confiance avec les Français ».

Pour LFI, qui n’a pas participé à la manifestation, le principal obstacle était leur crainte d’y être attaqués par des policiers néofascistes. Adrien Quatennens, député LFI, a souligné que « dans l’absolu, compte tenu de ce que nous défendons pour la police, on y aurait notre place. Mais je ne suis pas certain que les conditions de sécurité soient réunies pour que nous y participions ». Il s’est d’ailleurs empressé de souligner qu’il ressentait « une forme de frustration » de ne pas pouvoir se rendre à la manifestation des syndicats des forces de l’ordre.

Ainsi, alors que l’élite dirigeante prépare la campagne pour les présidentielles de 2022, presque tout ce que la classe dirigeante a fait passer au cours des décennies précédentes pour la «gauche» en France a applaudi la manifestation d’extrême-droite.

En envoyant Darmanin participer à la manifestation des policiers, le gouvernement Macron persiste et signe dans sa stratégie d’attaquer Marine Le Pen sur sa droite. Darmanin, qui a déjà critiqué Le Pen lors d’un débat télévisé pour être « molle » contre l’Islam, tente de recueillir un soutien parmi les policiers, qui actuellement voteraient à 74 pour cent pour Le Pen.

Tous ces partis bourgeois ou petit-bourgeois, ayant soutenu des décennies d’austérité et de guerre suivies d’une politique sanitaire irresponsable et criminelle qui a fait plus de 108.000 morts en France, s’alignent sur les forces de police comme rempart contre la colère sociale des travailleurs. Ce même processus se déroule à l’échelle non pas française, mais internationale.

La gestion meurtrière de la pandémie de Covid-19 par les pouvoirs publics et le niveau d’inégalité sociale atteint par le capitalisme sont incompatibles avec la démocratie. Suite à la tentative de coup d’État sans précédent de Donald Trump le 6 janvier à Washington, prenant d’assaut le Capitole pour tenter d’empêcher le Congrès de certifier sa défaite électorale, les normes démocratiques s’effondrent. En Espagne, des hauts gradés ont dénoncé les grèves de mars 2020, qui exigeaient que les travailleurs non-essentiels puissent s’abriter chez eux, et ont lancé des appels à un coup d’État.

En France, l’appareil militaro-policier, conscient de l’impopularité écrasante d’Emmanuel Macron, qui s’appuie sur lui comme seul rempart pour réprimer grèves et manifestations de « gilets jaunes », exige un diktat sur la vie politique. Des milliers d’officiers français proches de l’extrême-droite ont signé des appels à une intervention de l’armée en France, en clair à un coup d’État.

La défense des droits démocratiques nécessite la construction d’un mouvement international des travailleurs, luttant sur la base d’un programme révolutionnaire et socialiste, contre un ordre social capitaliste qui a failli. Ceci nécessite une rupture fondamentale avec tous ceux qui tentent d’imposer aux travailleurs une alliance avec Macron, le PS ou leurs satellites politiques. Parmi ceux-là, il faut compter les appareils syndicaux nationaux corrompus, qui organisent les grèves tout en dialoguant à travers leurs fédérations de police avec le pouvoir qui les réprime.

Ainsi, lors d’une conférence de presse avant la manifestation d’extrême-droite, Mélenchon s’est plaint: « L’autorité de l’État de semaine en semaine se dilue et se disperse face à des comportements qui sont inadmissibles en République. D’abord des militaires qui appellent leurs collègues d’active à s’insurger, puis des policiers à la retraite qui appellent ceux d’active à précéder les militaires dans les mauvaises actions ». Il a souligné que la manifestation avait un caractère « ostensiblement factieux », qui s’en prend «à l’institution judiciaire.»

Or, Mélenchon ne propose rien d’autre que de se fier à Macron. Pour lutter contre la menace d’un coup, il demande aux autorités publiques qui soutiennent l’appareil militaro-policier d’enquêter sur les menaces de coup d’État qui proviennent de ce même appareil.

L’alternative à la course de la classe dirigeante vers la dictature néofasciste est la mobilisation indépendante de la classe ouvrière en défense des droits démocratiques. Le Comité international de la IVe Internationale a appelé, face à la faillite de la politique sanitaire des Etats capitalistes pendant la pandémie, à la constitution d’une Alliance internationale ouvrière de comités de base. Cet appel ouvre une voie pour les travailleurs qui cherchent à s’organiser et à lutter pour une politique scientifique sur la pandémie et une défense des droits démocratiques.

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