Cela fait plus d’un an que le Japon a proclamé son premier état d’urgence d’un mois en avril 2020. Il y a eu de nombreuses épidémies tout au long de cette année en conséquence directe des mesures inexistantes pour contenir le COVID-19 par le gouvernement de l’ancien premier ministre Shinzo Abe et son successeur Yoshihide Suga.
Pendant toute l’année de la pandémie mondiale, les gouvernements Abe et Suga ont concentré tous leurs efforts pour minimiser l’impact de la pandémie, faisant tout ce qui était en leur pouvoir pour que les Jeux olympiques d’été de Tokyo aient lieu cette année en juillet. Cela comprend la dissimulation des réalités dans les hôpitaux du pays.
Il y a eu une forte augmentation des infections dans la ville d’Osaka avec un record de 1262 cas en une seule journée. Osaka est en pleine crise sanitaire, les hôpitaux dépassant leur capacité avec plus de 17.000 patients COVID en attente chez eux d’une prise en charge à l’hôpital. De plus en plus de patients doivent attendre plusieurs heures dans une ambulance avant de pouvoir être admis à l’hôpital. La plus longue attente signalée était de deux jours entiers.
Malgré le faible nombre de tests, 12.002.383 personnes ont été déclarées positives (environ un dixième de la population totale) avec un taux de positivité de 7 pour cent. Le nombre officiel de décès par COVID-19 au Japon est de 11.200 et le nombre de cas confirmés est de 659.987. Cependant, il y a tout lieu de croire que ces chiffres sont gravement sous-déclarés. Les lits d’hôpitaux sont rares à l’échelle nationale et le nombre de patients atteints de COVID-19 en convalescence à domicile dépassait 28.823 au 5 mai.
Pourtant, le Japon envisage toujours de procéder aux Jeux olympiques d’été de Tokyo. Le mois dernier, les organisateurs des Jeux olympiques de Tokyo ont demandé à l’Association des infirmières japonaises d’envoyer 500 infirmières en tant que personnel soignant lors des Jeux.
Cela a déclenché une opposition de masse immédiate parmi les infirmières. Une manifestation en ligne a été lancée avec le mot-clic #看護 師 の 五 輪 派遣 は 困 り ま す (ce qui signifie «On ne peut pas envoyer d’infirmières aux Jeux olympiques») avec plus de 250.000 tweets en quatre jours.
Parmi les tweets on lit: «Nous sauvons désespérément des patients et il est hors de question d’aider les Jeux olympiques»; «Si un déploiement est possible, ceci devrait se faire dans les hôpitaux»; et «Les soins de santé devraient avoir la priorité sur les Jeux olympiques.»
L’un a déclaré: «C’est une urgence, une situation de vie ou de mort. Nous n’avons pas assez de formateurs et nous ne pouvons pas former les infirmières nouvellement embauchées. Si nous voulons empêcher les infirmières de quitter leur emploi, il faudrait un meilleur traitement pour les infirmières et des tests PCR de masse financés par l’État.»
Un médecin a tweeté: «La première exigence dans un hôpital est qu’il ne fasse aucun mal aux malades. Le gouvernement actuel ne fait que du tort au peuple».
Un autre tweet a déclaré: «Je suis infirmière. Lorsque la pandémie a commencé, j’étais de service et j’étais terrifiée non seulement pour moi, mais aussi pour ma famille à l’idée de les exposer au danger […] Je travaillais des heures et des heures en tenue de protection, étourdie par la chaleur. Chaque fois qu’il y avait une épidémie à l’hôpital, j’étais terrifiée en pensant que je pourrais être la prochaine et que je pourrais perdre la vie. Je serais plein de regret et de chagrin pour tous les patients décédés. Avec tous mes sentiments de peur et de chagrin, je fais de mon mieux pour y résister. Et ce n’est pas pour les Jeux olympiques. Dans cette situation, je ne peux absolument pas soutenir les Jeux olympiques. Cela fait plus d’un an. Mais ce n’est pas encore fini et je ne vois pas la fin […] Qu’est-ce que ce pays essaie de protéger? Veuillez choisir de protéger des vies».
En plus de la demande initiale de 500 infirmières, il a été révélé que les organisateurs des Jeux olympiques estiment qu’ils auront besoin d’un total de 10.000 membres du personnel soignant pour les jeux et prévoient de les faire travailler sans être indemnisés, à l’exception de quelques responsables. En réponse à une opposition généralisée, les organisateurs affirment maintenant qu’ils envisagent une compensation pour le personnel soignant.
Dans ce qui constituait une menace, le premier ministre Suga a déclaré aux médias: «Je suis conscient que ces opinions (critiques) existent. Nous aimerions faire de notre mieux pour qu’il n’y ait pas de problème. » Il a affirmé que de nombreuses infirmières de l’Association japonaise des infirmières prenaient congé, ajoutant qu’il devrait être possible de fournir du personnel soignant pour les Jeux olympiques.
La réponse de Suga souligne la détermination du gouvernement à minimiser l’impact de la pandémie pour s’assurer que l’économie reste ouverte et que les Jeux olympiques se déroulent comme prévu.
Les tests ont été rendus difficiles et coûteux, le coût d’un test variant entre 148 et 348 euros, principalement à la charge de l’individu. L’accès aux tests par le biais du système de santé publique est découragé à moins que les symptômes ne correspondent exactement aux directives du ministère de la Santé. Un certain nombre de personnes privées d’accès au test PCR se sont par la suite révélées positives au COVID-19, après être décédées chez elles.
L’absence de restrictions a été soulignée par la campagne gouvernementale «Voyagez» pour promouvoir les voyages intérieurs et stimuler l’économie en octobre dernier alors même que les cas dans le monde de COVID étaient en augmentation. La campagne a été suspendue fin décembre 2020 après l’accélération du nombre de cas nationaux de COVID.
En avril, cependant, le secrétaire général du Parti libéral démocrate, Toshihiro Nikai, a insisté sur le fait que le Japon devait reprendre la campagne en raison de ses «effets économiques positifs». Il a écarté les craintes que la campagne puisse propager le virus, déclarant: «Si on se laisse mener par la peur, on ne pourra jamais rien faire. Si tout le monde reste à la maison et ferme la porte, alors l’économie japonaise s’arrêtera».
L’opposition continue de grandir à l’idée que le gouvernement priorise les profits sur la santé et la vie, en particulier quant aux Jeux olympiques. En plus des infirmières, il y a eu des manifestations sur les réseaux sociaux et dans les rues pour dire: «Arrêtez immédiatement les Jeux olympiques meurtriers! Les vies humaines sont plus importantes que les Jeux olympiques».
L’Ordre des médecins de Tokyo, qui compte plus de 6000 membres, a écrit une lettre ouverte au premier ministre Suga pour demander l’annulation des Jeux olympiques. La lettre a déclaré qu’avec le pic de la quatrième vague d’infections du pays, ils sont «confrontés à des situations difficiles et ne peuvent pas se permettre d’organiser (les Jeux olympiques)».
Au milieu d’un pic de cas de coup de chaleur attendu en juillet, les médecins ont averti qu’il serait difficile de faire la différence entre le COVID-19 et le coup de chaleur. En conséquence, les hôpitaux auraient besoin d’isoler les patients individuellement pour procéder à une évaluation, ce qui mettrait encore sous tension les ressources. Les travailleurs de la santé sont «complètement surchargés et ils ne peuvent pas se permettre de déployer des ressources, des installations ou du personnel pour les Jeux […] Nous pensons que la bonne décision est d’annuler l’événement qui risque d’augmenter les infections et les décès».
Avec une pandémie mondiale, la contradiction fondamentale entre les intérêts des élites dirigeantes et la société a été clairement révélée. Alors que le seul intérêt de la classe dirigeante réside dans le profit capitaliste, la société a besoin de mesures rationnelles pour contenir le virus COVID-19 et sauver des vies. Seule la classe ouvrière internationale peut mettre fin aux politiques meurtrières d’«immunité collective» de l’élite financière mondiale. Les travailleurs de la santé au Japon et au-delà doivent commencer à créer des comités de base pour prendre les choses en main et s’unir aux travailleurs de tous les secteurs et du monde entier.
(Article paru en anglais le 20 mai 2021)