Dans une interview récemment publiée avec Maria Hinojosa de Latino USA, la députée de New York, Alexandria Ocasio-Cortez, a déclaré que l’assaut fasciste sur le Capitole américain le 6 janvier, dirigé par le président de l’époque Donald Trump, était «une tentative de coup d’État en règle».
Repoussant le récit adopté par Trump, la majorité du Parti républicain, leurs alliés d’extrême droite et néonazis, et une couche non négligeable de la pseudo-gauche, Ocasio-Cortez a expliqué que sa caractérisation n’était pas «une sorte d’exagération». Elle a fait remarquer que l’ancien vice-président Mike Pence «fut conduit hors de la chambre du Sénat quelque chose comme 60 secondes avant que ces insurgés terroristes ne pénètrent dans la salle du Sénat. 60 secondes».
Expliquant le rôle central de Pence en tant que président du Sénat, Ocasio-Cortez a déclaré qu’il était «la personne, sans doute, qui avait l’un des rôles les plus importants pour garantir que, sur le plan de la procédure, le décompte du Collège électoral se déroule comme prévu».
L’ancien vice-président s’était attiré l’ire de Trump après avoir résisté aux demandes répétées du dictateur en puissance qu’il annule l’élection de façon anticonstitutionnelle lors du dépouillement officiel, le 6 janvier, des votes certifiés du Collège électoral. Après que Pence eut rendu publique le matin du 6 janvier une lettre expliquant qu’il «suivrait la Constitution» et non les demandes de Trump, ce dernier a réagi en disant aux milliers de partisans de «Stop the Steal» rassemblés devant la Maison Blanche de marcher sur le Capitole, de «se battre comme des diables» et de «sauver l’Amérique» en empêchant le Congrès de mener à bien la certification de la victoire de son adversaire démocrate Joe Biden. Il a insisté pour dénoncer Pence et à excité la foule contre lui.
Moins de 15 minutes après la fin du discours de Trump, ses partisans, menés par des adhérents de QAnon, des Proud Boys et des groupes de miliciens des Oath Keepers (Gardiens du serment), ont commencé à prendre d’assaut le Capitole. En moins d’une heure, des centaines de partisans de Trump s’étaient frayés un chemin dans le bâtiment en scandant «Pendez Mike Pence», alors que des potences étaient installées à l’extérieur du Capitole.
Dans l’interview, Ocasio-Cortez a déclaré: «60 secondes auraient pu signifier, potentiellement, la différence entre ce que nous avons en ce moment et un état martial. Et nous ne voulons pas reconnaître combien nous en avons été proches, mais c’est à ce point là qu’on en a été proches».
Ocasio-Cortez a été la cible de menaces de mort répétées de la part de républicains fascistes pour avoir, entre autres, reconnu la réalité du 6 janvier. Dans l’interview, elle a poursuivi en qualifiant le gouvernement Trump de «fasciste» et a révélé qu’elle s’était inscrite à une thérapie suite à l’attaque.
Faisant allusion à l’immobilisation de la police qui a facilité l’attaque, Ocasio-Cortez a déclaré: «Ils ont construit des potences, des potences fonctionnelles avec des nœuds coulants et ils les ont mises devant le Capitole et ils nous cherchaient. Et nous n’étions pas protégés. Il y a des choses qui se sont passées ce jour-là, que si ces 60 secondes s’étaient passées différemment, si une autre porte avait été ouverte, une chaise pas barricadée d’une certaine manière, nous pourrions avoir une réalité complètement différente en ce moment».
Les remarques d’Ocasio-Cortez interviennent alors que les forces complices de la tentative de coup d’État de Trump – comme la majorité du Parti républicain, des sections importantes des directions de la police, de l’armée et du renseignement, et des sections de l’oligarchie financière – cherchent à écarter l’importance de l’attaque.
Ils tentent de blanchir ce coup d’État alors que de nouvelles révélations continuent de faire surface, démontrant que l’attaque du Capitole n’était pas une défaillance de la sécurité ou du renseignement, ou le résultat d’un «manque d’imagination». C’était bien une action coordonnée où les hauts responsables du Pentagone nommés par Trump et ceux de la police du Capitole ont joué un rôle central.
Mercredi, la Commission de l’administration de la Chambre a tenu la première audience du Congrès depuis le 6 janvier sur le rôle du Conseil de la police du Capitole, chargée de superviser cette dernière. Il est composé de l’architecte du Capitole (AOC), du sergent d’armes de la Chambre et du sergent d’armes du Sénat.
La Commission a entendu le témoignage de l’architecte du Capitole, J. Brett Blanton, et du sergent d’armes récemment appointé de la Chambre des représentants, le général William Walker, ancien commandant de la garde nationale de Washington. Le nouveau sergent d’armes du Sénat, Karen Gibson, a refusé d’assister à l’audition.
Dans leurs déclarations liminaires, Walker et Blanton ont clairement indiqué que l’attaque était le fruit de «défaillances» pour lesquelles il n’y avait pas d’explication innocente. Walker, qui a précédemment témoigné devant le Congrès qu’il avait été obligé d’attendre 3 heures et 19 minutes une approbation du Pentagone pour déployer ses soldats de la Garde nationale, alors même que le Capitole était pris d’assaut, a déclaré au sujet du 6 janvier: «On a vu des défaillances dans l’équipement, des défaillances dans la formation, des défaillances dans le renseignement, des défaillances dans le commandement, le contrôle et la communication, une mauvaise planification, préparation et exécution».
L’architecte du Capitole, Blanton, est le seul membre du conseil de la police du Capitole à avoir conservé son poste après l’attaque. Steven Sund, alors chef de la police du Capitole, Paul Irving, sergent d’armes de la Chambre des représentants, et Michael Stenger, sergent d’armes du Sénat, ont tous démissionné dans les jours qui ont suivi la tentative de coup d’État.
Lors de l’audition de mercredi, Blanton a réitéré ses commentaires antérieurs réfutant le témoignage au Congrès de l’actuel chef intérimaire de la police du Capitole, Yogananda Pittman, qui a affirmé que Sund avait contacté le conseil de la police du Capitole le 4 janvier, demandant l’autorisation de déclarer l’état d’urgence et demandant au conseil de demander le soutien de la Garde nationale. Pittman et Sund ont tous deux affirmé que le conseil avait rejeté ses demandes.
Lors de l’audition de mercredi dernier, Blanton a déclaré avoir participé à un «Law Enforcement Partners Inauguration Briefing» organisé par Sund le 5 janvier, au cours duquel «le chef de police de l’époque a mentionné le rassemblement attendu près de la Maison-Blanche, mais on n’a communiqué à cette réunion ni renseignement sur lequel agir, ni menace crédible».
Blanton poursuivit: «En termes de soutien à la police du Capitole des États-Unis, comme je l’ai dit précédemment, le chef Sund de l’époque ne m’a pas contacté, ni mon personnel, pour demander une déclaration d’urgence ou un soutien de la Garde nationale avant l’effraction».
Blanton a reconnu que Sund avait « engagé des conversations avec d’autres membres du Conseil [les sergents d’armes de la Chambre et du Sénat], mais aucune conversation n’a eu lieu avec moi ou un employé de l’AOC impliqué dans les affaires du Conseil. En outre, l’AOC n’a aucune trace de la réunion d’information du 3 janvier [qui avertissait que “le Congrès lui-même” serait la cible le 6 janvier] citée dans les médias et par le chef par intérim Pittman».
En réponse aux questions du député démocrate de Caroline du Nord, G. K. Butterfield, Blanton a confirmé que la police du Capitole ne lui avait fourni avant le 6 janvier aucun renseignement l’avertissant d’une attaque contre le Capitole.
Il fut révélé au cours de l’audience que Blanton et son officier de sécurité en chef étaient si inquiets d’une attaque contre le Capitole qu’ils avaient fourni à la présidente de la Commission de l’administration de la Chambre Zoe Lofgren (démocrate, Californie) une chronologie allant du 28 décembre au 7 janvier. Celle-ci montre qu’ils avaient recueilli des informations contenant de nombreux avertissements détaillés sur les événements devant se produire.
Lofgren a déclaré: «Il semble que votre équipe a pu recueillir des avertissements de violence pour le 6. Le personnel de l’AOC a partagé cela avec la police du Capitole, mais l’un de vos employés, selon ce que vous avez déclaré, a ensuite rapporté: “Il n’est question d’aucune menace crédible ou de prise d’assaut du Capitole après avoir parlé avec le Watch Commander Wisham”».
Blanton a déclaré qu’on lui avait dit: «Wisham a dit qu’il regarderait ses e-mails et nous transmettrait tout ce qu’il trouverait».
Lofgren a noté que l’un des documents préparés par le responsable de la sécurité de l’architecte du Capitole indiquait: «Il existe une menace d’introduction d’armes dans les activités de manifestation, Henry “Enrique” Tarrio, leader des Proud Boys, portait deux chargeurs d’armes à feu de grande capacité lorsqu’il a été arrêté par le MPD [Departement de la police métropolitaine de D.C.]. Des publications sur les réseaux sociaux donnaient des conseils sur la manière d’apporter secrètement des armes et des munitions à D.C. Les Oath Keepers et ceux des Three Percenters qui participent normalement à des manifestations armées, prévoient d’avoir des armes. Il y a aussi la menace que les Proud Boys et d’autres groupes viennent « incognito». Par exemple, les Proud Boys seront habillés entièrement de noir. Certains manifestants ont annoncé leur intention de créer une ‘violence collective’ pour attirer les forces de l’ordre dans certaines zones».
Lofgren a ensuite demandé à Blanton: «Comment avez-vous concilié les briefings que vous receviez de votre responsable de la sécurité, qui étaient préparés pour vous et votre équipe de direction, avec les informations que vous receviez de la police du Capitole, qui dit qu’il n’y avait pas de menaces spécifiques?»
Blanton a déclaré que son agent de sécurité avait fourni à la police du Capitole des coupures de presse, notamment une interview du député Louie Gohmert du Texas, partisan d’extrême droite de Trump. Gohmert y menaçait «d’émeutes et de violence dans les rues» après qu’un juge fédéral ait rejeté un procès intenté par lui et d’autres républicains contre Pence, dans le but de renverser l’élection.
Blanton a déclaré que la police du Capitole lui avait répondu «ce ne sont là que des articles de presse, ce ne sont pas des menaces crédibles». Il a répété que lors d’une réunion du 5 janvier à laquelle tous les membres du Conseil de police étaient présents, lorsque le sujet du 6 janvier fut abordé, Blanton fut rassuré par l’ex-chef Sund qui lui dit «nous avons un plan pour le 6, un bon plan».
(Article paru d’abord en anglais le 22 mai 2021)