Depuis le 18 mai quatre salariés de la Fonderie MBF de Saint Claude dans le Jura à l’arrêt depuis le 31 mars, sont en grève de la faim. Les ouvriers menacent de faire dynamiter l’usine en cas de fermeture. Avec la fermeture de MBF, premier employeur de la ville c’est 280 salariés, dont 30 intérimaires qui se retrouveraient sans emplois.
Le 25 mai, le tribunal de commerce de Dijon a rejeté le plan du seul repreneur, Mickael Azoulay mais il a décidé de donner un sursis aux salariés de MBF afin de permettre à la Région et à l’État de reprendre la main sur le dossier. Cette décision d’un sursis a été motivée par la crainte de la radicalisation des travailleurs de MBF et des autres fonderies en France qui sont elles aussi en crise.
Deux raisons sont évoquées pour justifier la baisse des commandes aux Fonderies: le moindre recours à des moteurs diese, et la fin des moteurs thermiques actée pour 2040, dans le cadre du passage à la voiture électrique, et la crise économique internationale qui émergeait même avant la pandémie mondiale.
D'autres sites sont menacés de fermeture: les fonderies de Bretagne (rattachée à Renault, 340 salariés), la Société Aveyronnaise de Métallurgie (365 salariés), la Fonderie du Poitou et l'ex-Française de roue (850 salariés en tout), dernière fabricante de jantes aluminium en France. Dépendantes des constructeurs automobiles comme Stellantis (Peugeot) ou Renault, ces usines doivent faire face à des commandes de moins en moins grandes.
Le groupe Renault a indiqué que la Fonderie de Bretagne, mise en vente par le constructeur, a porté plainte contre X, faisant suite à une vidéo postée sur les réseaux sociaux montrant la destruction d'un premier outil de travail et surtout des menaces de destruction d'autres outils de la Fonderie de Bretagne, selon les termes du communiqué.
Plusieurs jours avant l’attente de la décision du tribunal de commerce de Dijon, les salariés de MBF ont installé des bouteilles de gaz menaçant de faire dynamiter la fonderie et des salariés se sont mis en grève de la faim.
Après trois jours sans manger, Isabel Alves Da Costa, opératrice de 45 ans, avertit de la catastrophe sociale que représenterait la fermeture de la fonderie: « C’est dur, physiquement et moralement. Mais on a fait tellement de manifestations et on ne nous entend pas… Il faut qu’ils comprennent que la situation est grave. Le bassin de Saint-Claude est sinistré. Si MBF ferme, ce n’est pas seulement 280 salariés et leurs familles qui seront touchés, ce sera une catastrophe pour tout le monde ! »
Les salariés ont multiplié les actions pour alerter sur la possible liquidation de l’entreprise et pour alerter sur les difficultés du secteur. Selon l'intersyndicale, les deux clients quasi-exclusifs de MBF, Renault et PSA-Stellantis, n'honoreraient pas leurs commandes à hauteur des engagements prévus.
Les appareils syndicaux quant à eux isolent les travailleurs en lutte sur leur site et bloquent une mobilisation unifiée des travailleurs menacés de pertes d’emplois à travers la France et l’Europe, suite à la crise économique liée à la pandémie et aux évolutions industrielles de la filière automobile.
Dans un communiqué du 9 mai, l’intersyndicale déclare: «Les constructeurs français ont décidé de TUER MBF, car même les engagements de volume qu’ils avaient pris durant la procédure collective ont été revu à la baisse en fin de semaine dernière, ce qui complique encore plus la pérennité de l’entreprise».
La fédération CGT de la métallurgie n’a rien proposé sauf «un moratoire des restructurations» des fonderies et a dit avoir «réitéré» le mardi 4 mai à Bercy sa demande d'une table ronde sur la filière automobile réunissant «tous les acteurs» du secteur. Les salariés ont fait appel à l’État pour qu’il apporte des garanties financières et pour qu’il fasse pression sur Renault et Stellantis (PSA) pour qu’ils pérennisent le site. Les responsables syndicaux et leurs représentants dénoncent le «foutage de gueule» du plan de Bercy
Les syndicats ont fait une demande à Bruno Le Maire le 13 avril d’une table ronde avec les constructeurs. Ils déplorent n’avoir eu aucune réponse: «Cela pose vraiment la question de la volonté́ de l’Etat à garder encore une souveraineté́ dans le secteur de la fonderie et plus particulièrement chez MBF.»
En mai de l’année dernière une source proche de l’Elysée soulignait que le plan de soutien était «un enjeu industriel, un enjeu d’emplois et de transformation de la filière vers la transition et la conversion vers les véhicules propres» et «vise aussi à préserver la compétitivité du secteur.» Edouard Phlippe alors premier ministre laissait entendre que le gouvernement accepterait la perte d’emplois contre le maintien des activités d’assemblage en France.
L’intersyndicale cherche à canaliser la colère des travailleurs en semant l’illusion qu’en se fiant aux appareils syndicaux, les travailleurs pourront forcer l’État à sauver MBF.
Les syndicats sont présents depuis des années dans les négociations entre l’État et le patronat pour restructurer le secteur de l’automobile. Cette restructuration est financée par des centaines de milliards d’euros de crédits publics du plan de relance européen pour la pandémie, qu’ont applaudi les syndicats, la CGT en tête. Ce plan de relance étant public, les travailleurs des fonderies par conséquent y contribuent. Or, ces crédits ne servent qu’à détruire les emplois et augmenter les profits des entreprises, et les syndicats n’organisent aucune action d’envergure, même symbolique.
La bureaucratie syndicale participe dans le cadre du dialogue sociale à rendre le capitalisme français et ses secteurs stratégiques plus compétitifs au détriment des acquis sociaux et des emplois. Depuis l’annonce de ce plan, la CGT et la bureaucratie syndicale dans le contexte de la pandémie ont imposé la reprise du travail dans les usines Renault et PSA en supprimant des jours de congés et en accroissant entre autre le temps de travail.
La lutte contre la fermeture de MBF et les crises qui touche se secteur exigent la construction d’un mouvement international des travailleurs, indépendant des appareils syndicaux.
Le Comité international de la IVe Internationale a lancé l’appel à former l’Alliance ouvrière internationale des comités de base pour une mobilisation commune de tous les ouvriers. Afin de lutter pour les emplois et pour la sécurité au travail, il est essentiel dans tous les pays de nationaliser les transnationales gavées de crédits publics, et les usines menacés de fermeture comme la fonderie de MBF. Les usines déjà fermées doivent rouvrir sous le contrôle des travailleurs, opérées comme des services publics internationaux.
Face à l’hostilité obstinée de l’État capitaliste envers les travailleurs, la mise en œuvre de cette perspective exige une lutte pour la prise du pouvoir de la classe ouvrière à l’échelle internationale.